
La campagne électorale pour la présidentielle 2024 n’a pas encore commencé que des candidats de l’opposition souffrent de différentes intimidations exercées par le pouvoir en place. Cela va du harcèlement de leurs personnels jusqu’aux peines de prison ferme, en passant par les tracasseries administratives.
La période électorale pour la présidentielle du 6 octobre 2024 a commencé le 14 juillet. En attendant le démarrage officiel de la campagne, prévu pour le 14 septembre, plusieurs candidats déclarés ou pressentis font part publiquement de harcèlement exercé par le pouvoir exécutif en place.
De quoi jeter le doute sur le bon déroulement de ce scrutin ? Attention, il ne faut surtout pas répondre à cette question par la positive, car cela vous expose à une plainte immédiate de l’instance électorale (Isie).
C’est clair, la présidentielle de 2024 ne ressemble pas à celles de 2014 et de 2019. Pour ces deux élections post révolution, il n’y avait pas un média ou un politicien qui ne parlait pas d’élections transparentes et intègres. Rien de tel pour les scrutins organisés depuis 2022. Rares, très rares, ont été ceux qui parlaient d’intégrité et de transparence pour le référendum de 2022, les législatives de 2022 et les régionales de 2023. Tout aussi rares ceux qui évoquent naziha et chaffeffa pour la présidentielle de 2024.
À défaut de témoignages en sa faveur, Farouk Bouasker, président de l’Isie, a agi de telle sorte à faire taire les voix discordantes. Suite aux élections de 2022, il a déposé une série de plaintes contre des médias (dont Business News) et des politiciens avec des peines de prison à la clé, dont plusieurs ont été prononcées peu avant le démarrage de la période électorale. Parmi ceux qui ont eu des peines de prison fermes, suite à des plaintes de l’Isie, on cite Sami Ben Slama (deux ans), Zaki Rahmouni (seize mois) et Jaouhar Ben Mbarek (six mois). La candidate à la présidentielle Abir Moussi est par ailleurs en prison, sous le coup de deux mandats de dépôt, suite à des plaintes de l’Isie.
Le message est clair, la loi doit être respectée à la lettre et cette loi interdit catégoriquement de remettre en doute l’intégrité de l’instance électorale, de ses membres et du scrutin. Les poursuites judiciaires et les sentences prononcées en ont intimidé plus d’un. On n’ose plus critiquer l’Isie, quoiqu’elle fasse ou ne fasse pas.
Outre ces plaintes, l’Isie impose une certaine lecture des procédures qui a, pour conséquent, de compliquer la vie des candidats. Ainsi son exigence d’une procuration destinée à la présidentielle ad hoc pour les candidats qui ne se présentent pas individuellement. Certains candidats, derrière les barreaux, ont envoyé leurs avocats avec des procurations globales, mais l’Isie a refusé cette procuration. La conséquence est que les candidats-prisonniers doivent obtenir une autorisation du juge pour qu’un huissier de justice entre en prison et obtienne une procuration spécialement destinée à l’Isie. Les candidats-prisonniers de cette procédure étrange et nouvelle sont Ghazi Chaouachi, Issam Chebbi et Abir Moussi. Saisi, le tribunal administratif a donné raison à l’Isie. Décision qui a été fortement critiquée par l’avocat et ancien juge administratif Ahmed Souab qui appelle à ce que l’Isie interprète la loi électorale en faveur des droits et des libertés.
Il n’y a cependant pas que l’Isie qui intimide les médias, les politiciens et les candidats à la présidentielle, il y a également la justice qui, soudain, s’est rappelée de vieilles affaires datant d’il y a cinq ans. Le candidat à la présidentielle Lotfi Mraïhi a ainsi été le 18 juillet condamné à huit mois de prison avec une interdiction à vie de se présenter à une élection, suite à des irrégularités observées à la présidentielle de 2019. Il aurait donné de l’argent pour influencer les électeurs.
Safi Saïd, également candidat, a été condamné le 23 mai, à quatre mois de prison par contumace, et ce trois semaines après qu’il ait annoncé sa candidature. Il aurait d’autres jugements privatifs de liberté à son encontre et il ferait actuellement l’objet d’un mandat de recherche. S’est-il porté candidat pour se créer une sorte d’immunité espérant ainsi échapper aux poursuites judicaires ? Ce n’est pas exclu.
Deux jours avant le démarrage de la période électorale, un juge d’instruction a interdit le candidat à la présidentielle Abdellatif Mekki d’apparition dans les médias et de quitter la délégation d’El Ouardia où il habite. Il n’a même pas été auditionné par le juge et l’affaire remonte à dix ans en arrière. Il nie catégoriquement être impliqué de quelque manière que ce soit.
Si ces contraintes liberticides sont imposées par des parties théoriquement indépendantes du pouvoir exécutif, ce dernier ne manque pas à l’appel non plus. Lui aussi met du sien pour compliquer la vie des candidats et les intimider.
Ainsi le cas du candidat (sans véritable assise populaire) Fathi Krimi empêché d’organiser, le 30 mai dernier, une conférence de presse pour annoncer sa candidature.
Des dizaines de candidats affirment par ailleurs qu’ils n’ont toujours pas obtenu le bulletin numéro 3 (B3) que délivre le ministère de l’Intérieur et qui présente le passé judiciaire des citoyens. Il s’agit d’un véritable obstacle à la candidature, car sans ce B3, l’Isie refuse tout simplement le dossier. Pourquoi le ministère de l’Intérieur ne délivre pas rapidement le document à ceux qui le demandent ? Aucune réponse. Pourquoi l’Isie ne se fait pas délivrer le document directement du ministère, sachant que les deux organismes font partie du même État ? Absurdité à laquelle personne n’a de réponse. On frise parfois carrément le ridicule, car il est arrivé que le ministère délivre le B3 … par erreur à des candidats très prévoyants et connaissant très bien à qui ils ont affaire. C’est le cas du candidat Mourad Messaoudi qui a demandé son B3 avant d’annoncer son intention de coucourir à la présidentielle. Aussi invraisemblable que cela puisse paraitre, le chef du poste de police l’a contacté pour lui demander de rendre le B3 lui promettant de lui en délivrer un nouveau. Chose qu’il a refusée, bien entendu.
Depuis quelques jours, on observe cependant que les intimidations ont atteint une nouvelle échelle prouvant, si besoin est, la fébrilité du régime de Kaïs Saïed.
Les tracasseries ne sont plus uniquement judiciaires et administratives, elles sont désormais policières.
Dimanche dernier, le candidat Nachêet Azzouz a indiqué que des bénévoles qui collectaient des parrainages en sa faveur ont été harcelés et les formulaires en leur possession ont été saisis par les forces sécuritaires. Il a précisé que les bénévoles en question ont été arrêtés puis relâchés à quatre heures du matin.
Hier, mardi 30 juillet, le candidat Nizar Chaâri a fait part d’intimidations du même genre. Il a indiqué que le chargé de la collecte des parrainages pour sa candidature à la présidentielle a été arrêté et les parrainages ont été saisis. Il parle carrément de plus dix mille parrainages, soit le chiffre imposé par l’Isie. En clair, tout son travail de terrain de longue haleine risque de tomber à l’eau.
À signaler, au passage, que M. Chaâri n’a toujours pas obtenu son B3, alors qu’il en a fait la demande depuis plus de deux mois et qu’il fait l’objet de plusieurs poursuites judiciaires dans des affaires a priori rocambolesques. À ce jour, on n’a toujours rien trouvé pour l’inculper.
Qu’il y ait un, deux ou trois candidats subissant des tracasseries, cela peut se concevoir et arrive dans n’importe quel pays. Or là, pour cette présidentielle tunisienne de 2024, il y a un peu trop de tracasseries et d’intimidations ciblant les candidats. Il y a comme une volonté du pouvoir de barrer la route aux candidats par des moyens peu orthodoxes et non par les urnes comme l’exige toute élection dans un pays démocratique.
La question est maintenant de savoir s’il y a un mot d’ordre venant du candidat-président-sortant ou s’il y a du zèle manifesté par ces différents organismes de l’État ?
Le président Kaïs Saïed ne s’est pas défendu sur ce point. Au contraire, il a jeté moult accusations contre ses adversaires politiques qui, d’après lui, ne cherchent qu’à obtenir le pouvoir et ne pensent qu’aux élections. Bien entendu, on doute fort que le chef de l’État ait des problèmes de B3 ou de collecte de parrainages sur le terrain.
Raouf Ben Hédi

c'est une façon de le tuer poltiquement.
mais le despote qui veut la présidence à vie, ne recule devant rien, comme ses 2 prédécesseurs ...
NO WAY !!
Il faut respecter la loi.
Il faut respecter les Institutions de la République.
Il faut savoir se taire quand on n'a rien à dire.
C'EST FINI;
les élections où l'argent coule à flot, c'est fini.
Les candidats qui ont des comptes à rendre avec la Justice, c'est fini.
La Tunisie va bientôt organiser les premières présidentielles dignes de ce nom. Les sabotages, c'est fini.

