Par Nizar Bahloul
On savait tous, comme chaque année, que l’arrivée du mois de ramadan allait coïncider avec le quasi arrêt de la productivité, mais pour 2018 on a fait « mieux » : on s’est mis à casser le peu qui fonctionne.
Au niveau du ministère de l’Intérieur, on n’arrive pas à chasser les vieilles habitudes de s’immiscer dans la vie intime des gens. Si ce n’est pas la chambre à coucher qui intéresse nos flics, c’est la salle à manger. Alors qu’on croyait le problème résolu depuis trois ans, voilà que nos « valeureux » agents de l’ordre font la tournée des cafés pour les fermer. Lotfi Brahem, ministre de son état, estime que la minorité doit respecter les sentiments de la majorité. Prétexte tout trouvé par leur porte-parole Khalifa Chibani : Nous ne faisons qu’appliquer la loi. On se fout de nous ouvertement au ministère de l’Intérieur. Le grand flic feint d’ignorer que si la majorité (théorique) a un problème de voir quelqu’un siroter son café ou manger son sandwich, elle n’a qu’à aller voir un médecin et non les flics ! Aujourd’hui, c’est un express dans une cafette qui heurte les sentiments, demain ce sera un bikini sur une plage ou les simples cheveux en l’air d’une femme ! Quant au second, il fait pire. Il sait d’abord que ce n’est pas une loi, mais une simple circulaire qui n’aurait jamais dû être éditée et qui aurait dû tomber en désuétude depuis des lustres. Il sait ensuite que l’application de cette « loi » n’a absolument rien d’urgent, si ce n’est de marquer quelques points politiques. Si Khalifa Chibani voulait appliquer la loi, qu’il commence par appliquer la constitution déjà puis par arrêter son ancien patron, fugitif depuis des semaines. Ou encore de faire respecter drastiquement le code de la route, responsable de milliers d’accidents et d’innombrables dégâts matériels et humains. La vérité est que même les agents des forces de l’ordre ne respectent pas ce code de la route à commencer par leurs propres patrouilles de contrôles qui se garent en plein rond-point où le simple arrêt est interdit ! Si Lotfi Brahem veut faire de la politique, qu’il en fasse, c’est son droit, mais sans atteindre la liberté des citoyens !
Le deuxième événement de la semaine ramadanesque où l’on s’est amusé à casser le peu qui fonctionne est ce séisme politique déclenché par Hafedh Caïd Essebsi, directeur exécutif autoproclamé du parti au pouvoir Nidaa Tounes. Business News a bien couvert, voire un peu trop couvert, ce séisme et a pris position claire et nette dans cette affaire, comme n’importe quel journal politique qui se respecte. Nous sommes convaincus d’une chose, c’est que le chemin emprunté par le chef du gouvernement, avec son opération chirurgicale profonde, est le seul salvateur du pays sur le long terme. Nous défendons la République et ce que nous pensons être l’intérêt du pays. Ce chemin exige des délais incompressibles et des choix douloureux, mais il est impératif de donner du temps au temps pour mener à terme cette opération. On ne peut pas continuer éternellement à « péter plus haut que nos culs ».
La tournure prise cette semaine est à inscrire dans les annales. Jamais, dans l’Histoire politique des pays, on n’a vu un chef du gouvernement désavoué et humilié publiquement par son parti, autant qu’on l’a vu cette semaine dans les agissements de Hafedh Caïd Essebsi envers Youssef Chahed. Trop c’est trop ! Non seulement cela dénote d’un analphabétisme politique flagrant, mais aussi d’un aveuglement affligeant face aux vérités et d’une surdité à entendre toutes ces voix sages qui attirent votre attention sur le danger de votre démarche. Il est tout à fait normal qu’il y ait des différends dans un parti, mais le linge sale se lave en famille ! Si jamais le différend éclate au grand jour, on ne joue pas la fuite en avant en allant contre vents et marées. Et quand l’avenir du pays entre en jeu, on doit savoir s’arrêter et privilégier les intérêts de la patrie aux siens.
Hafdeh Caïd Essebsi, très mal conseillé par un entourage intéressé et opportuniste, ne défend même pas les intérêts de son parti, qu’il a cassé en mille morceaux, il défend ses propres intérêts personnels.
Il s’amuse à voir les échecs supposés de Youssef Chahed et feint de ne pas voir les siens. Aux législatives de 2014, Nidaa Tounes pesait 1 279.941 électeurs (37,56%) et 86 députés. En 2018, il ne pèse que 400.000 voix (22%) et 56 députés dont une partie exècre le « fils de ». A cause de lui, les meilleurs du parti sont allés voir ailleurs, à commencer par Saïd Aïdi jusqu’à Mohsen Marzouk en passant par Ridha Belhaj, Mondher Belhadj Ali et la liste est très longue. Les personnalités artistiques, médiatiques, littéraires et sportives de haute facture sympathisantes de Nidaa Tounes se comptaient par centaines, aujourd’hui l’image du parti est soignée par une bimbo. Nidaa de Béji Caïd Essebsi a battu Ennahdha et Marzouki. Nidaa de Hafedh Caïd Essebsi est incapable de battre Yassine Ayari !
En dépit de toute la sympathie qu’on peut avoir pour la personne de Hafedh Caïd Essebsi, son personnage politique ne suscite que de l’antipathie ou de l’empathie au mieux. Il suffit d’entendre les opinions des sympathisants Nidaa dans les cafés ou de lire les réactions sur les réseaux sociaux ou les commentaires des lecteurs dans les médias qu’ils soient populistes ou élitistes. C’est vraiment partout qu’on croise des réactions hostiles à Hafedh Caïd Essebsi. Les quelques mercenaires qui le soutiennent, et menacent les médias critiques de fisc et de contrôle CNSS, n’ont que l’insulte des adversaires pour nous convaincre que Hafedh est un brillant garçon aux idées lumineuses.
Dans cet odieux lavage de linge sale en public, Lazhar Akremi a pris la fin de semaine un tournant dangereux qui a fait tiquer plus d’un. Il a même mis en colère (et à raison) Béji Caïd Essebsi qui a évoqué la chose dans son discours du vendredi 25. L’avocat et ancien leader de Nidaa Tounes a, pour la première fois, évoqué le rôle de la famille et l’épouse de Hafedh dans tout ce qui se passe. Il franchit là une ligne rouge et c’est dire où on en est arrivé ! C’est une règle non dite, on ne touche pas aux familles et on ne touche jamais les femmes. C’est notre culture arabo-méditerranéenne qui l’exige. Faut-il cependant que cette même famille cesse de s’immiscer dans la vie publique et politique du pays. Car si Lazhar Akremi a franchi cette ligne, c’est que le verre a vraiment débordé ! L'épouse de Hafedh, qu'on accuse de cette immixtion, n'a pas à être ménagée si cette accusation est avérée, parce qu'elle est une femme ou parce qu'elle représente la famille, elle n'est pas mieux lotie que Wassila Bourguiba ou Leïla Trabelsi. C’est une suite logique d’événements et le responsable de tout cela n’est pas Lazhar Akremi ou tous ceux qui ont osé franchir la ligne, mais Hafedh Caïd Essebsi qui a poussé le bouchon un peu trop loin.
C’est une règle aussi, quand la famille dépasse les lignes rouges, le « peuple » s’en prend systématiquement au « chef du clan » qui a abandonné son rôle d’arbitre et garant de la stabilité de la nation pour prendre le parti de ses proches. Rappelez-vous la situation en janvier 2011 et ce qu’on disait à cette époque. Si Zine El Abidine Ben Ali avait désavoué publiquement sa belle famille des Trabelsi en la mettant en prison, ou même en résidence surveillée, il se pourrait qu’il n’y ait jamais eu de 14-Janvier. On se rappelle encore des slogans des manifestations qui ont changé brusquement. Au début, ils étaient hostiles aux Trabelsi, puis ils sont devenus hostiles à Ben Ali lui-même.
C’est cette suite que l’on craint le plus pour Béji Caïd Essebsi, car il y a un très grand risque que les « hostilités » le visent personnellement désormais. Et ce serait dommage, un grand dommage, pour celui qui a été élu, il y a trois ans et demi, avec 1 731.529 voix (55,68%).
En feignant d’oublier que l’on est en plein état d’urgence et qu’il est impossible légalement de faire une motion de censure contre Youssef Chahed, en faisant l’impasse sur les abus et les dépassements de son fils, en cédant à la forte pression familiale (qui doit être insupportable), Béji Caïd Essebsi privilégie la famille à la patrie et ce n’est pas son genre. Il est fort probable qu’on veuille lui faire croire qu’il est roi, pour paraphraser la chronique dominicale de Sofiène Ben Hamida, mais il ne doit en aucun cas céder à cette tentation idiote soufflée par ses courtisans (comme l’ont soufflée les Trabelsi à Ben Ali), car Béji Caïd Essebsi n’est que le président de la République. Et, dans une République, ni la famille, ni le fils n’ont de place, Habib Bourguiba n’est pas seulement une manière de parler ou une paire de lunettes !



Commentaires (33)
CommenterLe poids des mots
primo,secondo,etc..........
Pour le fils-fils il se trompe de siecle,en republique la presidence n'est pas hereditaire,mais la volonte du peuple exprimee par un vote democratique...
Mabrouk ramadan a tous les bons musulmans
pauvre Tunisie
@Professeur de droit |
Quand à Chahed, il a un courage exceptionnel, il ne veut pas laisser tout ce qu'il a entrepris et fuir pour satisfaire les imbéciles.
Je vous rappelle que Monsieur Chahed vient d'une famille militante et non pas des arrivistes charognards.
Faites quelque chose si vous êtes capables sinon taisez-vous et gardez votre haine.
@Lecteur-BN
Le reste est de l'agitation, malheureusement propre à notre culture.
Appliquer la loi?
Bavures!
-Syphonage des caisse de l'état et dispariton sans laisser de traces des réserves de l'état..
- Mauvaise gestion et doublement de la dette du pays en cinq ans à peine...
- Incription de la Tunsie sur liste noire pour blanchiment d'argent et financement du terrorisme...
- Incitation des jeunes tunisiens à partir comettre des crimes de guerre à l'étranger...
- Mise à mort de toutes les adminstrations foncitonelles par les nominations partisanes de gens inconpétants et explosion du budget de l'état....
- Explosion de la contre bande, explosion de la saleté, retour de maladies moyen-âgeuse...
- Clochardisation de la fonction présidentielle par le syphoné au bournous..
- Rupture de contact diplomatique avec la Syrie
- Livraison par un supposé droit de l'hommiste de l'ancien minsitre lybien à des milices sauvages..
- Invitation OFFICIELLE par des représentants de l'état de prédicateurs de l'enfer qui incitent à exciser les petites filles...
- Parti qui a fondé sa communication sur ses "valeures" islamiques, censé craindre Dieu et donc étant de loyaux gestionnaires...mouraf...on voit le résultat...
Un parti modernsite libéral?!!!! Haha elle est vraiment bonne celle-la...
Bref, pauvre islamistes mal jugés à qui on ne pardonne rien..alors que tout ce qui manque à ces pauvres bougres dont le mot d'ordre à leur retour était "moutou bi ghaydhikom", c'est juste un peu d'expérience...;o)
Hannibal
c
Deuxièmement vous êtes intraitable lorsque Ennadha fait des bavures mais quand il s'agit des 'modernistes laïcard' qui veulent perturber le processus démocratie et veulent créer l'instabilité , on vous trouve très tendre pour dénoncer avec fermeté .
Votre ligne éditoriale est à deux vitesses , cela saute aux yeux et c'est vraiment dommage...
Et svp pour finir ne parlez plus d'Islamistes , ça n'existe pas en Tunisie. Ennahda est un parti 'moderniste ' libéral qui applique une politique thatchérienne comme Nidaa Tounes et tout 2 ont le même programme sociétal. Ils reconnaissent les Droits de l'Homme comme source du droit.
Mais ces mêmes Droits de l'Homme ne font ils pas actuellement le malheur des peuples européens ? Immigration massive
Bref Ennadha et Nidaa Tounes sont les 2 mâchoires d'une même tenaille.
Excellent Article: En espérant qu'il sera lu par les conseillers de CARTHAGE
RECTIFICATION
B.N : Merci d'avoir attiré notre attention.