
Quelques rencontres, un forum et trois commissions, des experts et quelques déclarations médiatiques. C’est ce qu’on peut retenir de ce qui a été baptisé « la Tunisie de l'avenir », l’initiative de sauvetage du pays lancée par l’UGTT, la LTDH, l’Onat et le FTDES. Ce que nous retiendrons de cette initiative de sauvetage (qui, à priori, doit aussi être sauvée), ce ne sont que cette poignée de souvenirs.
L’idée d’une initiative se déroulant sous la tutelle d’organisations nationales connues pour leur rôle historique joué avant ou après la Révolution du 14 janvier 2023 n’est pas une nouveauté. La chose avait eu lieu avec succès en 2013. Un quartet avait été formé par l’Union générale tunisienne du travail (UGTT), l’Ordre national des avocats de Tunisie (Onat), Ligue Tunisienne pour la Défense des Droits de l'Homme (LTDH) et l’Union tunisienne de l'industrie, du commerce et de l'artisanat (Utica), après les assassinats de Chokri Belaïd le 6 février 2013 et de Mohamed Brahmi le 25 juillet 2013.
La Tunisie s'était retrouvée face à un tourbillon de tensions et une grande instabilité politique. Le quartet s’est posé comme défi de rallier tous les acteurs politiques nationaux à une seule cause : le sauvetage du pays. Plusieurs réunions et négociations ont eu lieu entre plus de vingt partis politiques. Ils ont été appelés à enterrer la hache de guerre et à s’entendre autour d’un chef du gouvernement neutre chargé de gérer le pays jusqu’à la tenue des prochaines élections. La décision a été prise par vote et non par consensus, contrairement à ce qu’on essaie de faire croire aux Tunisiens depuis un certain temps. On notera que les experts et les acteurs de la société civile n’ont pas été conviés à participer officiellement au dialogue. Néanmoins, selon quelques récits, ils auraient été consultés de façon officieuse.
La réussite de cette initiative a permis de débloquer la situation, a conduit à l’octroi du prix Nobel de la Paix au quartet et a conforté l’importance du rôle de ces organisations et leurs poids politiques. Malheureusement, et vu la situation actuelle, il semblerait que ce poids se soit quasiment évaporé. Une nouvelle initiative de dialogue avait été annoncée par un quartet composé par trois des quatre organisations à l’origine de ce qui avait, en 2013 et 2014, évité une guerre civile à la Tunisie, selon certains analystes. Cette fois, l’Utica ne figure pas dans la liste des organisateurs. D’ailleurs, on reproche à l’organisation patronale son silence qualifié parfois de complice. L’Utica avait été officiellement conviée à participer à l’invitation alors qu’il ne s’agissait que d’une simple annonce de la part de l’UGTT et de la LTDH. Elle a décidé de garder le silence à ce sujet et d’opter pour la politique de l’autruche.
D’ailleurs, ce choix ne devrait pas vraiment nous surprendre. L’organisation patronale a joué, depuis le 25 juillet 2021, le rôle du parfait subalterne. Elle s’est contentée de quelques communiqués et passages médias critiquant seulement et uniquement des dispositions des lois de finances. L’Utica s’est illustrée par l’absence totale et complète de prise de position à caractère politique. Pire, le membre de son bureau exécutif, Slim Ghorbel a affirmé, en janvier 2023, que le rôle de l’organisation était exclusivement économique et social et qu’elle n’avait jamais joué un rôle politique ! Encore plus surprenant, l’organisation patronale est allée jusqu’à affirmer la disponibilité de certains produits alimentaires alors que les rayons étaient complètement vides.
L’absence de l’Utica n’a pas fait l’objet de grand débat puisque la chaise vide a rapidement été octroyée au Forum Tunisien pour les Droits Économiques et Sociaux (FTDES). Ainsi, le nouveau quartet a été formé. Théoriquement, il ne reste plus qu’à entamer les débats. Plusieurs personnes se sont interrogées sur le déroulement de cette initiative et sur les entités conviées à participer. La présidence de la République, en fait-elle partie ? L’UGTT est-elle prête à lui pardonner l’offense de 2020 ? En novembre de cette année, et à cause de la crise entre le gouvernement de Hichem Mechichi et le chef de l’État, Kaïs Saïed, l’UGTT avait décidé d’intervenir. Elle a présenté au président une initiative de dialogue national. Ce dernier n’avait pas, au début, réagi à la chose, puis s’est contenté de faire comme si de rien n’était. L’initiative a sûrement fini au fond d’un tiroir.
Pour ce qui est de l’initiative annoncée en décembre 2022, les informations se font rares. On nous a expliqués dans une conférence tenue en janvier 2023, qu’au final, il ne s’agissait pas d’un dialogue, mais d’un processus se déroulant sur deux étapes. Une première a duré un mois et demi et a eu lieu sous la forme de trois commissions, à savoir économique, sociale et politique. Elles se composent d’experts chargés d’imaginer des réformes et des mesures en fonction de leurs domaines de compétence. La deuxième étape consiste en la compilation des propositions sous la forme d’une feuille de route qui sera dévoilée au grand public, mais aussi présentée à la présidence de la République.
On notera à ce sujet une exclusion injustifiée des partis politiques. On notera, également, le refus du chef de l’État, Kaïs Saïed, d’y participer. Il a indiqué clairement, dans un discours prononcé en avril 2023, que le seul dialogue dont il reconnaîtra la légitimité et la légalité était celui qui se déroulait sous l’hémicycle de Bardo. Il ne s’est pas gêné pour s’attaquer à cette initiative et a considéré que le dialogue ne pouvait pas avoir lieu en dehors de l’Assemblée des Représentants du Peuple. D’après lui, la fonction législative était la seule entité apte à aborder les sujets devant être traités dans l’immédiat par des textes de loi.
Cette déclaration a complètement anéanti l'espoir de voir, une initiative boiteuse, contribuer au déblocage de la situation. Sa réussite a été avortée dès sa création. En les considérant comme des entités n’ayant pas assez d’importance dans le processus d’élaboration de réformes et de propositions, le quartet s’est assuré de ne pas bénéficier de l’appui des partis politiques. Il est impensable qu’un parti puisse soutenir, voire militer pour la concrétisation d’une initiative dont le contenu lui est complètement inconnu. De plus, on pourrait estimer que cette approche s’inscrit dans le cadre de la politique de Kaïs Saïed ciblant les partis politiques, les tenant responsables de la crise actuelle et cherchant à les faire disparaître.
Depuis, on attend avec impatience la publication des travaux de ce qui s’est avéré être ni un dialogue, ni un événement national. Les leaders des organisations ayant annoncé cette initiative n’ont fait qu’appeler le président de la République à consulter leurs propositions. Des appels lancés vers un chef d’État ayant déjà refusé la chose avant sa concrétisation et ayant plus que clairement indiqué qu’il ne cherchait pas à dialoguer ou à réaliser des ententes. Plusieurs dates avaient été avancées du côté du quartet au sujet de la présentation de l’initiative, mais toujours rien ! La plus récente des déclarations médiatiques à ce sujet reste celle du membre du bureau exécutif de l’UGTT, Samir Cheffi. Le climat actuel, selon lui, n’est pas propice au dévoilement de l’initiative. Le quartet semble vouloir prendre son temps pour sauver ce qu’il reste à sauver de ce qui nous reste de République.
Par la suite, l’Onat et le FTDES ont fait preuve d’un silence sans précédent au sujet de l’initiative. Les deux organisations semblent avoir mis de côté le sujet, pour ne pas dire abandonné le navire. Le FTDES est complètement débordé par la question migratoire et s’est focalisé durant les dernières semaines sur le mémorandum d’entente signé avec l’Union européenne. Quant à l’ordre des avocats, sa présence est déjà surprenante puisque le nouveau doyen, Hatem Mziou, avait été présenté comme étant l’élève de Brahim Bouderbala. Ce dernier avait soutenu en son nom et au nom de l’Onat le processus entamé depuis le 25 juillet. Il serait, donc, impensable que l’ordre s’oppose aux décisions de l’exécutif ou l’appelle à revoir ses positions.
Pour conclure, à force de vouloir amadouer le président de la République et éviter la colère, le quartet a fait échouer sa propre initiative de sauvetage de la Tunisie. Au lieu de chercher un terrain d’entente entre une majorité inquiète pour le futur du pays, les organisations se sont retrouvées face à un échec cuisant. Les partis et le chef de l’État, censés accueillir à bras ouverts les propositions et œuvrer pour leur concrétisation, n’évoquent même pas la chose, car ils ne veulent sûrement plus en entendre parler. L’UGTT et la LTDH se sont retrouvées seules, dos au mur et face à un exécutif cherchant constamment à les recadrer, à limiter leur rôle et à remettre en question leur poids. L’initiative de sauvetage aurait même besoin d’être sauvée vu qu’elle n’arrive pas à séduire et à convaincre. Il serait temps d’avouer l’échec et de se pencher sur d’autres dossiers au lieu de chercher à dialoguer avec un président refusant totalement la chose.
Sofiene Ghoubantini
S.G, nous remarquons que vous continuez à vous emmêler les pinceaux...au point même de pas maitriser l'Histoire récente de votre pays...Notez quand même que vous n'êtes pas la seule journaliste de BN dans ce cas, du moins mauvais au pire...
BN : Merci d'avoir attiré notre attention
Trop peu et trop tard.....6 mois qu'ils nous rabâchent les oreilles avec leur initiative à la con !
L'UGTT aujourd'hui est fractionné qu'on le veuille ou non, l'UGTT traine des casseroles qu'on le veuille ou non....L'UGTT aurait dû intervenir à la promulgation de la constitution à la con comme celle de 2014....Beaucoup de temps perdu beaucoup, or, le temps est la denrée la plus précieuse la Tunisie se relèvera un Jour peut être ....mais en l'état actuel des choses ceci est inconcevable !
Ce Quartet voulait faire de la politique sans vraiment la faire, de l'économie sans vraiment faire de sacrifices....Quand on a le Cul entre deux chaises on finit à la Ramasse !
Si, aujourd'hui, les " réactions" tièdes de l'UGTT contre les blocages tous azimuts de possibles ouvertures de KS envers les oppositions politiques, ou partisanes et envers tout dialogue proposé par l'UGTT, c'est que cette même UGTT a déclaré et répété son soutien aux décisions politiques de KS dès un certain 25 juillet 2021...L'UGTT va-t-elle aujourd'hui se dédire et retirer son soutien au putschiste KS ? C'est très improbable, car imbue comme toujours de sa non défaillance dans ses jugements et ses actions, elle continue jusqu'à aujourd'hui à glorifier l'héroïsme et la justesse des décisions de feu son secrétaire général, Habib Achour. Premier secrétaire adjoint , il intègre en 1957 le bureau politique du Néo-Destour de Bourguiba. En 1965, accusé de « faux et usage de faux » et outrage à magistrat", il est condamné en 1966 à six mois de prison et 3 000 dinars d'amende". En 1979, lors du " jeudi noir (janvier 1978), il écope, de la part de "la cour de sûreté de l'?tat de dix ans de travaux forcés, avant d'être gracié le 3 août 1979". En 1984, lors des "émeutes du pain", " il dénonce les augmentations de prix décidées par le gouvernement , de nature à porter préjudice surtout aux travailleurs."
" Qui s'y frotte, s'y brule" a déclaré il y a quelques années, durant sa décennie noire, nahdha, à un moment où les gouvernements, dominés par nahdha, tombaient comme des mouches...
Nous comprenons bien l'opposition sourde qu'entretient l'UGTT vis-à-vis de nahdha, mais de là à soutenir dès le début l'incendie dévastateur, totalitaire et antidémocratique allumé par KS le 25 juillet 2021, nous empêche de qualifier cette prise de position de la centrale syndicale autrement que par avoir, de sa part, " les mains sales"...tout comme fut le cas avec Habib Achour...Alors son nouveau " quartet" de dialogue, bien qu'il soit prédestiné à un échec annoncé, il illustrerait en quelque sorte une probable guerre interne au sein des instances dirigeantes du syndicat, guerre politico-idéologique et de positionnement face à un Etat sourd-muet qui entend faire le vide autour de lui... En l'absence de tout parti d'opposition politique progressiste clair et déterminé, et ce en dehors des mouvements islamo-fascismes, car on ne construit pas une véritable démocratie et une véritable justice sociale sur la base d'une idéologie abjecte vieille de 1400 ans, l'on ne peut que déplorer l'engagement de l'UGTT dans ce guêpier kaïssien. En connaissance de causes et d'effets...
Et à propos de votre phrase, visant l'UGTT :" .Quand on a le Cul entre deux chaises on finit à la Ramasse !" sic. Exact et bien vu, car il est illusoire de jouer à la fois le pompier et le pyromane, comme Hervé Bazin l'a si bien signalé dans son roman " L'huile sur le feu"...
Mes propos vident l'UGTT de Taboubi, je pense que vous m'avez compris.
Maintenant faut il en vouloir à l'UGTT d'avoir pris position pour le 25 juillet, seule l'histoire pourra nous répondre.
Par contre, là où l'UGTT aurait dû intervenir et faire de la politique au vrai sens du terme (en l'absence de partis solides et patriotes) c'est lors de la publication de la constitution à la con pendue du cerveau KS.
Les voyants devaient passer au jour dans leur esprits.
Or, l'UGTT n'a donné aucune consigne de vote lors du référendum (complicité déguisée?)
L'UGTT de Taboubi (j'insiste sur Taboubi) est en partie la cause de la montée de KS et de l'expansion de son pouvoir.
Je pense sincèrement que si l'UGTT avait un bureau Central et un SG différent aurait eu une position différente non pas le 25 juillet mais post 25 juillet.
C'est pourquoi et compte tenu du temps qui s'égraine et des positions ambigus de l'UGTT , même la meilleure des initiatives est vouée à l'échec.

