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Chroniques
Ramadan et Souad Abderrahim, du pareil au même
15/05/2018 | 15:59
4 min

Par Synda Tajine

 

L’hypocrisie qui accompagne chaque année la venue du mois saint de Ramadan est semblable à celle ayant suivi la grande victoire de Souad Abderrahim aux Municipales à Tunis. On se fout qu’il s’agisse d’une islamiste opposée aux valeurs universelles des droits de l’Homme et de l’égalité entre les genres, tant qu’une femme « non voilée », « instruite » et « présentable » soit élue à la municipalité de Tunis.

On s’en fout aussi que ce soit une femme « instruite », « présentable » et « cultivée » tant qu’elle n’appartienne pas au monde très select de la bourgeoisie tunisoise et qu’elle ne porte pas un nom de famille à faire pâlir d’envie les dynasties beylicales. Au fond, ce n’est pas très important qu’elle martyrise, par ses propos, les femmes célibataires - qui selon elles doivent se terrer au lieu de commettre l’affront de s’assumer publiquement - ou qu’elle soit trop prudente pour s’exprimer sur l’égalité de l’héritage. On oublie que peu importe les principes qu’elle défendra, dans les faits, elle ne fera que porter les couleurs de son parti.  On préfère plutôt reporter, à chaque fois, le débat sur d’autres considérations de loin plus insignifiantes. Mais qu’importe, il est très peu probable que Abderrahim accède au poste tant convoité de Cheikh (plutôt Cheikhe) de Tunis. Le jeu des consensus se mettra en place pour lui offrir une compensation digne de lui faire lâcher le morceau.

 

Idem pour Ramadan.

L’essentiel est camouflé sous une tonne d’artifices tous aussi ridicules les uns que les autres. Le mois de la « privation », de la « piété », du « recueillement », de la « spiritualité » offre chaque année son lot de folklore. Les supermarchés sont pris d’assaut, l’incivisme est au plus haut et la productivité au plus bas. Mais tout va bien, pourvu que les sentiments des croyants soient respectés.

Dans un pays dont la Constitution consacre la liberté du culte (ou du non-culte), un débat est ouvert chaque année pour savoir si les cafés doivent ou non ouvrir leurs portes aux « fattars » durant le mois saint. Comme s’il s’agissait d’une question d’importance capitale pour le citoyen lambda, embourbé sous une tonne d’inflation, de hausse des prix, de pénuries et d’ordures, le débat est plus concentré sur la meilleure manière de ne pas offenser ceux qui observent ramadan que celle de garantir une vie plus agréable à l’ensemble des citoyens.

 

Au fond, il importe peu de savoir qui va jeûner durant le mois de ramadan, ou qui va siroter un café en terrasse en milieu de journée (ou une bière, sacrilège !), tant que la loi garantit à ces deux-là la liberté de le faire. Mais la loi ne sait pas où donner de la tête. Il est plus facile de jouer la prudence, de se cacher derrière une circulaire vieille de plus de 35 ans et qui est née dans un contexte politique complètement différent (ou pas !)

Sous couvert de lutte anti-terroriste, de rassemblement et de prudence, on ferme les cafés, on interdit la vente d’alcool aux Tunisiens. C’est plus facile, car les croyants ont plus de légitimité et une voix qui porte plus que les « quelques » modernistes qui expriment leur ras-le-bol sur la toile en affichant les bouteilles d’alcool qu’ils consomment ou les rares restaurants qu’ils visitent avant la rupture du jeûne.

 

Ce débat est lassant, inutile et n’a plus lieu d’être car il aurait dû être clos depuis longtemps. Il ne s’agit nullement de protéger les sentiments des croyants ou de sauvegarder le « Sacré » de toute atteinte, car ils devraient être à l’abri d’un citoyen qui boit une bouteille d’eau dans la rue. Les sentiments des croyants ne seraient pas plus offensés par les effluves d’odeurs que leur font subir leur marché, leur grande surface ou leur propre cuisine à l’heure de la préparation des repas. Il s’agit au contraire, de sauvegarder un mode de vie et de l’imposer à une majorité.

Ceux qui n’observent pas le jeûne n’offusquent personne, ils ne font que manger, rien de plus personnel. Ils menacent par contre le style de vie que les autres, les jeûneurs, veulent imposer à tous. Ils font vaciller la notion de majorité d’un côté qui n’est plus celui habituel et font perde aux autres leur pouvoir de décider et d’imposer leur loi. La question sera de savoir du côté de quelle majorité est la loi, afin de clore une fois pour toutes le débat et de passer enfin à autre chose. Autre chose de plus constructif pour le pays…

15/05/2018 | 15:59
4 min
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Commentaires (13)

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hourcq
| 23-05-2018 17:47
Pour cette chronique qui vise juste du début à la fin.Que les politiques s'occupent d'abord d'améliorer la condition des tunisiens en matière d'emploi, de pouvoir d'achat,d'éducation, de santé et de sécurité.....Ce serait infiniment plus utile que de se mêler de leur vie privée ou de leurs sentiments religieux.
Et l'identité tunisienne, produit de sa longue histoire et de ses riches traditions-qui plaisait tant aux visiteurs-serait bien mieux préservée avec un peuple éduqué, ayant un bon niveau de vie et en bonne santé.On voit bien que certains politiciens arguent d'une identité réduite à la seule religion pour éviter de parler de l'essentiel.
Et cette chronique d'une rare lucidité remet les pendules à l'heure.

Tadhamen
| 21-05-2018 10:44
Le risque d'offrir des cibles prioritaires pour d'éventuels actes de violence de ces abrutis qui s'essaient au terrorisme est probablement réel, mais il l'est aussi les autres mois de l'année.
Parce que quand on se cherche des raisons de nuire aux autres, on s'en trouve toujours !

Ensuite, supposer par principe que c'est trop difficile pour les jeûneurs de ne pas être ébranlés dans leur volonté par la vision des non-jeûneurs, c'est renier carrément la finalité première du Ramadan qui consiste justement à se dépasser spirituellement.
Ce qui signifie par ailleurs que ça compte pour du beurre si on passe sa journée à pioncer en attendant de faire la fête et de se bâfrer dès que la nuit sera venue (avis aux coutumiers du fait!)
Et puis voilà bien une réflexion de "mecs", de nantis, voir d'égoïstes absolus (parfois les trois en même temps) si bien habitués à se faire servir qu'ils ne se posent même pas la question de savoir si tous ceux qui cuisinent pour leurs agapes nocturnes et matinales souffrent ou pas de cette même tentation qu'ils voudraient s'éviter pour eux-mêmes.
Ce degré zéro de véritable empathie est malheureusement assez fréquent chez les décideurs de tout poil dont l'ambition, dans une sorte d'évolution politico-naturelle malheureusement universelle, a grignoté certains des neurones qui pourraient justement les empêcher d'avancer vers leur destin personnel...
Et enfin que dire au sujet de tous ces musulmans qui partout dans le monde - dans toutes ces nations où la vie ordinaire ne cesse pas pour le Ramadan - jeûnent parfois pendant des heures de plus que les Tunisiens, sans jamais se plaindre pour autant ? Et même pour peu qu'ils soient boulangers.ères, cuisiniers.ères, serveurs.ses, commerçants.tes... en continuant à servir avec le même sourire et la même obligeance, et aux mêmes horaires, leurs compatriotes non-jeûneurs.
Qui sont-ils ces dizaines de millions de gens des deux sexes qui osent marier leur foi avec le multiculturalisme culturel, social et religieux ? Des héros ? Voir carrément des surhommes ?
Ou bien alors juste des individus ordinaires qui ont acquis dans d'autres cultures un caractère mieux trempé, moins ego-centré, qui leur permet de vivre leur foi comme elle devrait être normalement vécue partout?

Continuons donc bien à caresser l'esprit de facilité de la partie la plus spirituellement faible de ce peuple dans le sens du poil et, ensuite, il ne faudra pas venir s'étonner si le moindre effort qu'on lui demande par ailleurs tourne trop souvent au vinaigre.

Enfin il y a une Constitution et, quel que soit le gouvernement en fonction, son rôle indéfectible est de la faire respecter tant qu'elle n'a pas été officiellement révisée !

Amazigh Tunisien
| 21-05-2018 00:50
Bravo Synda bravo!!!! une phrase résume un grand problème anonyme en Tunisien " tant qu'elle n'appartienne pas au monde très select de la bourgeoisie tunisoise et qu'elle ne porte pas un nom de famille à faire pâlir d'envie les dynasties beylicales""

Laïc mais tolérant
| 20-05-2018 09:13
Voilà ou mène l'intolérance voire la haine idéologique : un amas de clichés et de préjugés ... et cela prétend défendre la liberté

Bob
| 16-05-2018 15:46
Comme d'habitude Synda Tajine va au fond des choses. Elle brille par la profondeur de ces articles et par la simplicité et la clarté des rédacteurs talentueux. Si l'hirondelle ne fait pas le printemps, sa présence est de bonne augure.

Abir
| 16-05-2018 14:23
Bon Ramadan à toute l'équipe et à BN !

B.N : Toute l'équipe vous souhaite un bon ramadan :)

Hanni2
| 16-05-2018 11:12
..et je vous donne le mot clé qui manque: HYPOCRISIE

On est les rois des hypocrites (grotesques) et du coup ça donne:

- Je ne touche pas une goute d'alcool pendant tous le mois saint mais le premier week-end suivant l'Aid je me mets minable comme jamais...je suis un bon croyant

- Je traite toute les femmes seules ou pas habillées selon mes standards de fille "facile", n'envisage pas une seconde que ma future femme ne soit pas vierge, mais de mon côté je pense, rêve et mange sexe du matin au soir et ne rate pas une occasion de le pratiquer...je suis un bon croyant!

- Je suis un bon croyant! La vue d'un bout de peau féminin me mets dans tous mes états et un bout de sein, c'est la crise d'hystérie assurée...j'appelle au châtiment, au lynchage et parfois même au meutre...en revanche on ne m'entend jamais me plaindre quand des criminels sanginaires détruisent tout sur leur passag en gueulant Allah ouakbar...je suis un bon croyant!

- Je n'ai jamais fais l'effort de comprendre le Coran, parfois je ne l'ai même pas lu, mais on m'a expliqué ce qu'il faut faire..en fait on m'a expliqué ce que tous les croyants doivent faire...je crois celui qui me l'a expliqué sur parole, et m'arroge instantanément le droit de comdamner tous ceux qui ne font pas comme moi je fais...je suis un bon croyant!

Bref, on pourrait continuer comme ça des heures durant...simplement les sociétés arbo-musulmanes sont sclérosées par l'hypocrisie, le cynisme et l'egoisme...de TOUS ces marchands de religion qui n'ont rien d'autre que la misère morale, sociale et sexuelle à proposer pour se nourrir ad vitaem aeternam comme des parasites sur le dos des "croyants"...


TOUT DANS LA FORME ET RIEN DANS LE FOND! TOUT N'EST QU'APPARENCE ET HYPOCRISE...on fait vraiment pitié!

Un mois ou les zélés vont nous faire morfler..et bientôt la coupe du monde...je vous raconte pas le dawa en cas de succès de l'équipe nationale...une nouvelle occcasion de démontrer notre bestialité! ;o)

Hannibal

PS. BON RAMADAN à tous les musulmans sincères!

roro
| 16-05-2018 09:20
nous vivons dans un pays musulman normalement tous le monde doit respecter sa propre religion et concernant le mois de ramadan la majorité des tunisiens respecte le mois sain, et tous ceux qui sont malades .....ne jeûnent pas ça va de soit , mais pour les autres pourquoi tiennent ils vraiment a afficher le non respect du mois sain.

takilas
| 15-05-2018 20:41
Ghanouchi, pour dominer Tunis, commet une injustice envers cette jeune dame, qui serait plus utile à vendre les médicaments que de s'occuper de la municipalité de Tunis par défi des sudistes de nahdha,.
Une médiocrité supplémentaire à celles commises par nahdha lors troïka.
Une mascarade ?!

HatemC
| 15-05-2018 18:31
Près de chez moi un Lidl a chamboulé ses rayonnages et les bouteilles d'alcool ne sont plus visibles et disparus des points stratégiques ...
Les musulmans finissent par imposer leur point de vue là où ils se trouvent ...
C'est leur propension à la violence que les centres commerciaux veulent éviter ...
L'arabe est violent et ne supporte que l'autre agisse différemment que lui ...

Voilà pour étayer mes propos ... HC

https://www.youtube.com/watch?v=17l-hgK_w58