
L’affaire défraie la chronique depuis samedi 11 février. Plusieurs personnalités, dont Khayam Turki, sont arrêtées pour complot contre la sûreté de l’Etat et entente pour renverser le régime. Le jeu de la souricière a continué dans les soirées qui ont suivi. A dire qu’un feuilleton politico-policier s’est invité dans les froides soirées d’hiver des Tunisiens pour les tenir en haleine et dévier leur attention des difficultés quotidiennes.
Seulement, il ne s’agit pas d’une fiction. Il est question de la réputation et de la vie de personnalités actives sur la scène politique, médiatique et associative tunisienne qui se trouvent interpellées sur la base de la loi antiterroriste.
Le coup d’envoi de cette opération a été donné par le président de la République by himself. Vendredi soir, il convoque sa ministre de la Justice pour lui ordonner d’agir au plus vite et de procéder à des arrestations : « Il n’est pas normal que des personnes ayant des dossiers établissant leur culpabilité avant même que la justice ne prononce un verdict, restent impunies. Les preuves sont établies et il ne s’agit pas seulement de simples présomptions ». Pas besoin de justice ou de verdict, inutile d’attendre le temps judiciaire. Il fallait sévir pour contenter les foules, assoiffées de vengeance, qui n’ont que trop attendu. Un enseignant de droit qui institue le non-droit. Il est fort probable que le cas d’espèce soit une première mondiale.
Donc, le président a donné le coup d’envoi et la machine de la « fonction » judiciaire s’est mise rapidement en branle. On monte l’affaire dans la nuit de vendredi à samedi et Khayam Turki est le premier à ouvrir le bal des interpellations.
Les fans du président jubilent. C’est l’explosion d’une indicible joie mauvaise. Les crédules applaudissent. Voilà que commencent les choses sérieuses. « Frappe fort monsieur le président », « que le bon Dieu bénisse vos actions », « bien fait pour ce traitre », « qu’il crève en prison », « pas de quartier ! » … Khayam Turki a ainsi été jeté en pâture à une populace avide de sang frais. La plupart ne connaissaient pas le monsieur avant qu’il ne soit désigné comploteur en chef et ennemi du peuple.
Lors d’un entretien avec la ministre du Commerce, le président a accusé les personnes arrêtées de se cacher derrière la hausse des prix et les pénuries des produits de base. Lors d’une visite au siège du ministère de l’Intérieur, il les qualifie de criminels et de terroristes et il les accuse ouvertement d’avoir planifié son assassinat. L’affaire est donc pliée. Exit la présomption d’innocence. Exit le droit à un procès équitable.
Khayam Turki s’est retrouvé propulsé au-devant de la scène de la pire manière qui soit. Des hordes de mouches électroniques l’ont lynché et dénigré. Le monsieur a été virtuellement descendu et sa vie et sa dignité foulées par des essaims agressifs, nourris aux théories du complot et affichant une haine revancharde contre les élites du pays. La plupart de ces Tunisiens qui se délectent de cette arrestation ne connaissaient pas vraiment Khayam Turki. Qui est-il ? Que faisait-il avant qu’il ne soit désigné comploteur contre l’Etat ?
Khayam Turki est diplomé de l’IHEC Carthage, de Sciences Po Paris et de l’Université américaine du Caire. Il entamera sa vie professionnelle au début des années 90, au cours de laquelle il occupera des postes à responsabilité en Afrique du Nord ou en Europe. Il touchera plusieurs secteurs dont notamment le commerce international et la finance. Tout au long de sa carrière internationale, il consolidera son carnet d’adresse et se constituera donc un réseau de contacts solide dans plusieurs pays. Survint en 2011 la révolution. Le nouvel élan démocratique qui s’installait dans le pays en a convaincu plus d’un de s’engager dans la vie politique. Khayam Turki avait décidé de se consacrer au parti Ettakatol où il exerce les fonctions de conseiller en stratégie et directeur de la campagne électorale de 2011. Son nom sera proposé pour occuper le poste de ministre des Finances pour succéder à Jalloul Ayed. Finalement, c’est Houssine Dimassi qui sera désigné.
Il sera élu en 2013 secrétaire général adjoint de son parti, mais en 2015 et décidera de quitter définitivement Ettakatol. Après sa démission, Khayam Turki lancera « Joussour » un think tank qui propose des études et des recherches dans le domaine des politiques publiques et qui entend favoriser l’émergence de nouvelles compétences. C’est de là que les cercles qui gravitent autour de Kaïs Saïed lui colleront l’étiquette de lobbyiste, comme si il s’agissait d’un crime odieux.
2020, année de crise politique, année qui portait déjà les prémices de la grande débandade actuelle. Le chef du gouvernement Elyes Fakhfakh démissionne après seulement quelques mois à la primature. Les manœuvres politiques ont eu raison de lui. Il fallait proposer au président de la République des candidats. Les partis s’y attèlent et envoient les documents au bureau d’ordre du palais présidentiel. Dans ces documents, le nom de Khayam Turki est cité par plusieurs partis, notamment Tahya Tounes, Al Badil, Ennahdha et Qalb Tounes. Autrement dit, il y avait logiquement une grande probabilité pour qu’il soit le suivant locataire de la Kasbah. Sauf que le président de la République ne l’entendait pas de cette oreille et il nous a sorti de sa besace un certain Hichem Mechichi.
Aujourd’hui, Khayam Turki se trouve accusé des pires complots. Il encourrait la peine de mort. Pour l’heure, ses avocats affirment que son dossier est vide et qu’il n’a pas été interrogé sur les faits que reproche le président aux personnes arrêtées.
L’ambiance est bien lourde en Tunisie depuis une semaine. Un climat de peur s’est installé alors que Kaïs Saïed parait plus nerveux et énervé que jamais, plus déterminé à en découdre avec ses détracteurs et peu importe que les procédures ne soient pas respectées ou que les dossiers soient vides. Nous vivons au rythme des arrestations et des rumeurs véhiculées par les pages fans du président. Une atmosphère délétère qui n’augure rien de bon.
Ikhlas Latif


Ses avocats ou leurs avocats peuvent dire ce qu'ils veulent aux médias... Ils crient au feu alors que leurs clients l'ont allumé et utilisent les médias parce qu'ils savent que leur(s) client(s) risquent gros.
Rappelez-vous l'Irak, la Lybie, l'Afghanistan etc et ce que vous avez raconté...
Vous, médias, ne regardez pas l'histoire mais prévoyez l'avenir et le dirigez à votre convenance vos lecteurs pour nuire à la Tunisie. Nous vous disons d'arrêter votre ingérence dans cette affaire, l'affaire d'un président, l'affaire d'un peuple...
Et l'histoire finira par nous dire la vérité !
Pour la politique c'est un inconnu qui n'a jamais apparu dans les sondages.
Donc rien de fameux. Ses avocats font le nécessaire devant les tribunaux et dans les médias. Donc wait and see
Ceux qui pensent le contraire, et a fortiori ceux qui croient en détenir les preuves, sont des débiles mentaux et/ou des fous dangereux