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BNA Bank : les actionnaires mécontents du maigre dividende distribué pour 2024, malgré la bonne performance réalisée
02/05/2025 | 11:52
12 min
BNA Bank : les actionnaires mécontents du maigre dividende distribué pour 2024, malgré la bonne performance réalisée


2024 a été une bonne année pour la BNA Bank, mais plombée par un redressement fiscal. La banque a continué son soutien à plusieurs institutions publiques, dont l’Office des céréales (plus de 5,5 milliards de dinars en 2024), chose qui inquiète énormément les actionnaires. Les résultats réalisés ont certes ravi les actionnaires. Cela dit, ils ont exprimé leur mécontentement face à ce qu’ils considèrent comme un faible dividende distribué par rapport au bénéfice réalisé.


C’est globalement ce qui ressort de l’Assemblée générale ordinaire de la BNA Bank pour l’exercice 2024, qui s’est tenue mercredi 30 avril 2025 à l’Institut arabe des chefs d’entreprise (IACE), sous la présidence du président du Conseil d’administration Lotfi Hbaieb et du directeur général par intérim de la banque, Ahmed Ben Moulehem, et en présence du mandataire spécial de l’État, Sahbi Bouchareb.

 



La banque a en effet achevé 2024 avec un résultat net passant de 190,01 millions de dinars fin 2023 à 213,58 millions de dinars (MD) fin 2024, en hausse de 12,4%, et cela suite à une modification comptable de 40,97 MD due à un redressement fiscal. Faisant abstraction de cet élément, la banque aurait réalisé un bénéfice de près de 255 MD, en hausse de 34%. Cela dit, une partie de cette performance provient d’une reprise sur provision de plus de cent MD, le PNB de la banque n’ayant pas évolué (–0,4%), se situant à 976,01 MD.

Les dépôts de la clientèle ont augmenté de 6,6%, se situant à 12,67 milliards de dinars fin 2024, pour des créances sur la clientèle en légère baisse de 2,5 %, atteignant les 13,45 milliards de dinars fin 2024. Ainsi, le coefficient d’exploitation grimpe à 39,8% contre 38,5% un an auparavant.

Par ailleurs, l’établissement bancaire a payé 120,44 MD d’impôt (+24,1%), 12,04 MD de contribution sociale solidaire (+8,6%) et 12,04 MD de contribution conjoncturelle au budget de l’État (+8,6%).

Côté ratios de gestion et de rentabilité, la banque termine son exercice 2024 avec un ratio de solvabilité de 23,88% pour un Tier one de 20,73 %, très au-dessus des normes requises par l’autorité monétaire. Le ratio de liquidité LCR a atteint 137,18%, alors que le ROA et le ROE se sont situés respectivement à 1% et 11,6%.

Le taux de créances classées (CDL) est passé de 19,49% à 21,06% (loin des 7% réglementaires que devrait atteindre la banque d’ici 2026), alors que le taux de couverture des créances classées est passé de 64,81% à 59,89%.

« En dépit du contexte économique national et international difficile, la BNA Bank a préservé sa place parmi les banques de référence en Tunisie et demeure une banque résiliente », a affirmé Lotfi Hbaieb.

 

 

Le groupe BNA a, quant à lui, terminé 2024 avec un résultat consolidé de 210,91 MD, en baisse de 0,53%, dont 216,22 MD proviennent du pôle financier, alors que le pôle immobilier a généré une perte de 4,66 MD. Le PNB consolidé réalisé a diminué de 0,26% pour se situer à 1,04 milliard de dinars.

Le DG a profité de l’occasion pour rappeler que l’année 2024 a été marquée par une nouvelle étape dans l’histoire du groupe de la banque avec la naissance de BNA Assurances, qui permettra d’enrichir l’offre de l’établissement avec des produits de banque-assurances.

Il a aussi affirmé que la BNA Bank a renforcé ses engagements envers les agriculteurs, en particulier ceux des grandes cultures, lors de la campagne agricole 2024-2025. Quelque 194 MD de crédits pour 2.612 bénéficiaires ont été débloqués dans ce cadre, a-t-il précisé.

 

 

Dans leur rapport, les commissaires aux comptes ont noté que « les engagements de l’Office des céréales envers la banque totalisent près de 5,52 milliards de dinars au 31 décembre 2024 (soit environ 32% du total des engagements de la clientèle). Ces engagements sont refinancés directement auprès de la Banque centrale de Tunisie (BCT) pour un montant d’un peu plus de 2,3 milliards de dinars au 31 décembre 2024. Ils ont connu une hausse de 449,55 MD (+8,87%) par rapport à leur niveau au 31 décembre 2023 et enregistrent un dépassement significatif du seuil de 25% des fonds propres nets de la banque, imposé par l’article 51 de la circulaire de la BCT n°2018-06 du 5 juin 2018. Le financement de l’Office des céréales a impacté de façon significative la trésorerie de la banque, qui a enregistré un solde négatif de près de 5,38 milliards de dinars au 31 décembre 2024, contre -4,69 milliards de dinars au 31 décembre 2023. Il est à noter que les chèques tirés par l’Office des céréales sur la Trésorerie générale de Tunisie, au titre de ses droits à la compensation, qui ne sont pas encore encaissés par la banque au 31 décembre 2024, totalisent 2,85 milliards de dinars. Les garanties de l’État accordées à la banque au titre des engagements de l’Office des céréales s’élèvent à près de 5,52 milliards de dinars au 31 décembre 2024, ce qui lui confère une couverture totale du risque de contrepartie sur ces engagements (en principal, agios, intérêts et commissions) ».

Le même document a indiqué que « les engagements des autres entités publiques (OCT, Transtu, OTD, ONH, El Fouledh, etc.) envers la banque totalisent près de 1,53 milliard de dinars au 31 décembre 2024, enregistrant ainsi une hausse de 154,11 MD (+11,23%) par rapport à leur niveau au 31 décembre 2023. Les garanties obtenues par la banque en couverture du risque de contrepartie sur ces engagements totalisent près de 1,06 milliard de dinars au 31 décembre 2024, dont des garanties de l’État pour un montant cumulé de près de 975,3 MD. Les engagements non couverts par les garanties de l’État, les autres garanties, les agios et intérêts réservés et les provisions constituées par la banque totalisent 382,82 MD au 31 décembre 2024 et concernent principalement certaines entités publiques (ministère des Finances, CNRPS, Etap, CTF, Les Ciments de Bizerte, etc.) dont les engagements sont qualifiés de réguliers ».

Notons dans ce cadre, et toujours selon le rapport des commissaires aux comptes, que « courant décembre 2024, l’État a procédé au règlement partiel de la dette de l’Office des céréales envers la banque pour un montant égal à un milliard de dinars. Ce montant a été investi par la banque dans la souscription à des bons du Trésor assimilables (BTA) remboursables sur dix ans au taux de 9,9% ».

Ainsi, la valeur brute des BTA a augmenté de 33,5%, atteignant 5,55 milliards de dinars fin 2024, à cause justement de cette conversion d’une partie des engagements de l’Office des céréales en BTA.

 

 

 

En ce qui concerne le redressement fiscal, le rapport des commissaires aux comptes a indiqué que « la BNA a fait l’objet d’un contrôle fiscal au titre de l’IS pour la période allant du 1 janvier 2019 au 31 décembre 2020. Cette vérification a porté sur l'impôt sur les sociétés, les acomptes provisionnels, la TVA, la retenue à la source et la TCL pour la période s’étalant du 1 janvier 2019 au 31 décembre 2020 et ce à partir du 16 octobre 2023. Les résultats de cette vérification fiscale ont été notifiés à la banque le 10 mai 2024 et ont fait l’objet d’une opposition en date du 12 juin 2024, conformément aux dispositions de l’article 44 du code des droits et procédures fiscaux. Afin de bénéficier de l’amnistie fiscale prévue par l’article 58 de la loi n°2023-13 du 11 décembre 2023, portant loi de finances pour l’année 2024 (abandon des pénalités…), la BNA a signé avec l’administration fiscale un procès-verbal de conciliation prévoyant un montant à payer sur cinq ans de 67 MD dont un crédit d’impôt sur les sociétés de 25,77 MD. La comptabilisation de ce redressement fiscal a impacté négativement les capitaux propres de la banque pour un montant de 41,23 MD dont une modification comptable de 40,97 MD ».

Le même document revient sur l’impact de l’application des dispositions de l’article 412 Ter de la nouvelle loi 2024-41 sur les chèques. Il a précisé qu’au 31 décembre 2024, la BNA a enregistré 235 demandes liées à la réduction du taux d’intérêts pour les crédits à taux fixe. 181 ont été jugées éligibles. Le montant total de la ristourne ayant un impact sur l’exercice 2024 s’élève à 105.000 dinars.

Et de spécifier qu’« au titre de l’exercice 2025, le nombre des demandes éligibles aux mesures de l’abattement des intérêts s’élève à 1.814 demandes pour un impact éventuel sur le PNB estimé à 2,69 MD ».

 

 

L’assemblée était assez houleuse, les petits porteurs exprimant leur mécontentement sur divers sujets, notamment le maigre dividende distribué malgré les excellents résultats enregistrés, le bas cours de l’action ainsi que l’important engagement de la banque dans l’Office des céréales et dans les entreprises publiques.

À ce flot de questions, Lotfi Hbaieb a estimé, concernant le dividende, que « la politique de distribution doit être stable, et cela pour préserver la stabilité de distribution ». Il a aussi affirmé que « le taux de distribution dépendait du cours boursier ». Ainsi, et selon ses déclarations, « distribuer 12% ou 13% du cours de l’action, un taux à deux chiffres, est raisonnable ».

« Nous sommes ouverts à toutes les propositions », a-t-il soutenu. Et d’ajouter qu’« il y a un autre souci, le renforcement des capitaux propres de la banque », en rappelant que l’établissement doit se conformer aux normes de la Banque centrale de Tunisie (BCT), outre le fait que l’engagement de l’Office des céréales dépasse les 25% du total des engagements de la clientèle, ce qui est un frein à la distribution.

Cela dit, il a tenu à rassurer les actionnaires, en affirmant que cet engagement ne représente pas un risque, ayant la garantie de l’État. Et de souligner que, pour appliquer les normes IFRS, il faut renforcer les capitaux propres et s’y préparer. « Nous sommes sur la bonne voie pour appliquer ces normes », a-t-il poursuivi.

Concernant la stratégie de la banque, il a indiqué qu’il existe un comité de suivi des décisions stratégiques issu du Conseil d’administration, qui étudie différents volets. Il a rappelé que le Conseil est tenu d’appliquer un contrat-programme bien établi et qu’actuellement, il est en train de préparer le plan stratégique 2026-2030.

Pour sa part, le DG a précisé que BNA Bank a augmenté sa participation dans AMI Assurances pour la transformer en BNA Assurances, car, pour lui, stratégiquement parlant, « chaque banque doit avoir sa propre assurance, propre société de leasing et sa propre société de recouvrement, un pôle financier qui renforce son activité et crée des synergies, notamment avec son réseau d’agences ».

« La BNA Bank est sur la bonne voie », a-t-il assuré.

 

 

Sahbi Bouchareb, quant à lui, pense que les actionnaires doivent être contents des indicateurs réalisés par la banque. Et de rappeler que la banque a épaulé le secteur agricole, malgré la sécheresse en 2024.

« L’État a confiance dans la BNA Bank en ce qui concerne son soutien aux institutions publiques stratégiques, notamment l’Office des céréales, l’Office national de l’huile et l’Office des terres domaniales. Il ne peut pas laisser en difficulté certaines institutions, et la BNA Bank est en train de répondre aux demandes de l’État dans ce domaine. Les autres banques publiques, la STB Bank et la BH Bank, ont d’autres fardeaux à porter, notamment en ce qui concerne le tourisme et l’énergie, comme la Steg, la Stir et Tunisiair, qui ont aussi des besoins financiers importants », a-t-il affirmé.

Il a souligné dans ce cadre que la BNA Bank n’est pas une banque privée mais une banque publique, un pilier financier pour l’État tunisien, comme la STB Bank, la BH Bank ou la BTS, chaque d’entre elles ayant sa propre vocation.

Et d’ajouter : « Je veux rassurer l’assistance, il y a des équipes de travail relevant des services du ministère des Finances, qui sont en train d’œuvrer sur certains secteurs comme le secteur agricole, celui des carburants, des caisses sociales et la Pharmacie centrale, en engagement de l’État envers les institutions publiques (qui ont un engagement envers les banques publiques, ndlr) et travaillent sur des solutions aux problématiques. Ces équipes ont fini leurs travaux et ce dossier sera examiné en conseil des ministres. L’État n’est pas spectateur, il est en train de travailler pour solutionner ces problématiques ».

Le mandataire de l’État a estimé : « Les banques publiques sont sur la bonne voie, certes il y a des faux pas, mais il y a aussi une résilience. Les indicateurs de la solidité financière de la BNA Bank sont majoritairement positifs, alors qu’est-ce qu’on peut demander de plus ? La BNA est sur la bonne voie et avance avec des pas assurés, et il y a une stabilité. Certes, vous avez raison de vouloir plus de rentabilité, ce qui est le cas de tout actionnaire, mais pour l’État tunisien, la pérennité est un facteur déterminant ».

Et de poursuivre : « Nous ne pouvons pas être satisfaits à 100%, mais on peut l’être à 90%. Il n’y a pas de raisons pour que les actionnaires s’inquiètent pour la banque. Les engagements des institutions publiques sensibles et stratégiques sont les engagements de l’État et l’État n’a pas l’intention de les céder, mais de les restructurer. La performance réalisée par la banque est respectable et distinguée par rapport aux autres banques publiques. Concernant la distribution de dividende, nous sommes dans une approche ascendante ».

D’ailleurs, dans ce cadre, M. Bouchareb a proposé de distribuer 64 millions de dinars de dividendes au lieu de 60,8 MD proposés par le Conseil d’administration, portant le dividende proposé à la distribution de 0,95 dinar à un dinar par action. Chose qui a été acceptée par le Conseil d’administration et adoptée en résolution. Le dividende sera ainsi mis en paiement à partir du 17 juin 2025.

 

 

« Face à une conjoncture difficile, nous continuons à déployer les efforts nécessaires pour le développement de la banque et l’amélioration de sa performance et sa solidité financière, et ce, à travers une meilleure maîtrise des risques, la surveillance de la bonne organisation de la banque et l’efficacité du système de contrôle interne, la mise en place d’une stratégie de développement adéquate et ce en vue d’assurer le financement des différents opérateurs économiques et de protéger les intérêts des déposants, des créanciers, des actionnaires et du personnel de la banque », a noté Lotfi Hbaieb.

2024 a été un bon cru pour la BNA Bank et cela malgré un redressement fiscal assez conséquent. Mais ce résultat était plutôt issu de reprise de provisions que de l’activité de la banque, ce qui justifie les inquiétudes des actionnaires, notamment face à l’engagement important des institutions publiques envers la banque.

 

 

Imen NOUIRA

02/05/2025 | 11:52
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