
Chez Nidaa Tounes, rien ne va plus. En politique, l’échec cuisant est aussi dangereux pour un parti que le succès éclatant, et c’est dans cette deuxième case que se classe Nida Tounes. Un an à peine après la victoire aux législatives et à la présidentielle, une guerre fratricide déchire le parti et les spéculations vont bon train sur son avenir. Dans tout cela, la présidence de la République joue un rôle bien ambigu.
« Nous sommes arrivés au point de rupture ! », c’est ainsi que la députée Nidaa Tounes, Bochra Belhaj Hmida, a commenté la bataille rangée qui a eu lieu dimanche à Hammamet lors de la réunion du bureau exécutif du parti. La députée renchérit : « Quand je vois ce qui s’est passé hier, je pense qu’on n’est pas en train de fonder une République mais en train de la démolir. Si je parle aujourd’hui, c’est que j’ai peur pour la transition démocratique en Tunisie, car si on use de ses méthodes contre son propre camp alors que va-t-on faire demain contre l’opposition et contre tous ceux qui ne partagent pas leur vision politique ? ». Et il est vrai que l’inquiétude va en grandissant au sein du parti quant à ce qui pourrait arriver dans les prochains jours.
A sa création, Nidaa Tounes rassemblait des factions différentes entre destouriens, syndicalistes, gauchistes et autres. Le ciment du parti était composé de deux aspects principaux : l’image du chef incarnée par Béji Caïd Essebsi et la volonté d’écarter Ennahdha du pouvoir à tout prix. Aujourd’hui, Béji Caïd Essebsi est devenu président de la République et s’est éloigné des considérations partisanes d’un côté, et le parti Ennahdha qui incarnait « l’ennemi commun » est devenu un allié au gouvernement. Par conséquent, plus rien ne rassemble les éléments du parti Nidaa Tounes. La guerre finit donc par éclater.
Deux principaux protagonistes à cette guerre intestine : Mohsen Marzouk, secrétaire général du parti et Hafedh Caïd Essebsi, l’un de ses vice-présidents et le fils du chef de l’Etat. Plusieurs péripéties ont rythmé cette guerre comme par exemple la demande de dissolution du bureau politique et l’attaque orchestrée via les médias de la place contre la légitimité du comité constitutif. Ensuite, il y a eu la convocation à une réunion par huissiers notaires et le dernier épisode en date –et de loin le plus grave- le passage aux agressions physiques lors des événements de Hammamet.
Plusieurs observateurs de la scène politique tunisienne suivent avec attention les soubresauts de Nidaa Tounes. Pour certains, il s’agit du cheminement normal de la mutation d’un parti en crise de croissance. Ces observateurs considèrent que le pouvoir est « tombé » sur un parti qui reste jeune et qui n’a pas encore organisé son premier congrès. Les luttes de pouvoir en son sein semblent donc normales même si elles prennent des proportions édifiantes. Pour d’autres, le risque de dislocation du parti du fait de cette lutte intestine est réel. Par conséquent, il se pourrait que le danger s’étende à toute la scène politique avec la mise en péril de toute la transition démocratique tunisienne.
Cependant, une question fondamentale reste sans réponse : Quel rôle joue la présidence de la République et particulièrement Béji Caïd Essebsi dans cette crise ?
D’abord, il est utile de faire un rappel constitutionnel. Selon l’article 76 de la Constitution, il est interdit au président de la République d’exercer ses fonctions en plus d’une quelconque responsabilité partisane. Or, le président de la République a cherché, au moins par deux fois, à désamorcer la crise au sein de Nidaa Tounes. La première en convoquant les protagonistes (Hafedh Caïd Essebsi et Mohsen Marzouk) le 14 octobre 2015 à une réunion au palais. La deuxième a eu lieu aujourd’hui, 2 novembre 2015, en convoquant les élus de Nidaa Tounes au palais pour tenter de trouver une solution au conflit.
D’ailleurs, Béji Caïd Essebsi a eu droit à un camouflet asséné par les élus du parti qu’il a fondé puisqu’une trentaine de députés a refusé, tout bonnement, de se rendre au palais de Carthage estimant que la présidence de la République n’a pas à s’ingérer dans les affaires internes d’un parti.
Pourtant, le porte-parole de la présidence de la République, Moez Sinaoui, a clairement déclaré, le 1er novembre 2015, que la présidence appelle à ne pas impliquer le chef de l’Etat ni son chef de cabinet dans les luttes internes du parti. Cela semble compliqué sachant que le premier est le fondateur du parti et que le second, l’un de ses membres fondateurs.
Ridha Belhaj, chef de cabinet du président de la République, compte parmi les soutiens de Hafedh Caïd Essebsi. Certains l’accusent d’être l’architecte de cette lutte de pouvoirs et d’être impliqué dans les faits de violence survenus à Hammamet. De là jaillissent les questions sur le rôle du président de la République. Hafedh, son fils, et Ridha Belhaj, son chef de cabinet, font partie des protagonistes de cette lutte de pouvoir. Certains n’hésitent pas à dire que la démarche de Hafedh Caïd Essebsi est appuyée, voire encouragée, par son père, le président de la République. Le but serait de faire en sorte que le parti ne sorte pas de la famille et de préparer le fils à prendre la succession du père. D’ailleurs, plusieurs élus ont pour crédo la lutte contre « l’héritage » en politique, dans une allusion plus que claire à la volonté de Hafedh Caïd Essebsi de s’accaparer le parti.
Ainsi, comment le président de la République peut ignorer les agissements de son fils et de son chef de cabinet ? S’il sait et qu’il laisse faire, c’est grave. S’il ne sait pas, c’est encore plus grave. La présidence de la République se trouve donc tiraillée entre l’obligation d’équidistance vis-à-vis de tous les partis et de toutes les factions d’un côté, et la volonté de faire ce qu’il faut pour sauver le parti de la scission et de l’entre déchirement.
De son côté, Mohsen Marzouk, secrétaire général du parti, semble vouloir laisser passer la tempête. Mohsen Marzouk avait passé un séjour à Washington durant lequel plusieurs entrevues étaient au programme, dont une avec un ancien patron de la CIA. Il semblerait donc que le secrétaire général du parti veuille prendre une certaine hauteur par rapport aux tergiversations qui agitent le parti. Etant le secrétaire général du parti, Mohsen Marzouk se réclame des instances légitimes de la formation politique et donc s’accroche à ce statut.
Une éventuelle scission du parti Nidaa Tounes remettrait le pays dans une situation d’instabilité, au niveau politique du moins. Si cette division a lieu, le bloc parlementaire de Nidaa Tounes ne serait plus majoritaire à l’assemblée ce qui mettrait en péril les fragiles équilibres du pouvoir. Pendant ce temps là, le concurrent-allié de Nidaa Tounes, le parti Ennahdha, observe attentivement et met un point d’honneur à n’exprimer aucun avis sur la question des luttes intestines de Nidaa Tounes. Comme Sun Tzu l’avait dit dans son célèbre ouvrage « l’art de la guerre » : Il ne faut jamais interrompre son ennemi quand il commet une erreur.
Marouen Achouri
Commentaires (13)
CommenterMella Terkha Khalleha Ben Ali
@Nephentes - Creation d'une nouvelle bourgeoisie loyale, pierre angulaire du Bourguibisme
Bourguiba d'après plusieurs chercheurs a voulu par ses choix politiques et économiques éliminer toutes les forces qui n'étaient pas a 100% loyales a son pouvoir dictatorial personnalisé (Ezzeitouna et bous, les agriculteurs, ...). Il a détruit l'agriculture des regions en dehors de son Sahel favori pour appauvrir les familles qui lui n'était pas a 100% fidèles comme sa tribu de Monastir. Il etait hostile aux Sfaxiens parce que leur loyauté n'était pas certaine, de meme pour la plupart des familles non Sahéliennes. Bourguiba n'avait confiance que dans les personnes issues de son village, il avait peut être raison, des qu'il a fait confiance a une personne hors de son village il fut trahi. Bourguiba fut le debut du désastre. Quand a sa politique d'education et de la santé, la Tunisie a été dépassé et de loins par un grand nombre de pays qui ont beaucoup moins de ressources comme le Singapour, la Corée du Sud, la Malaisie, le Chili,....
@istifika : précisions
à partir des années 80, le bourguibisme s'est éteint
Ces deux décennies ont été caractérisées par une gestion de la chose publique rationnelle , pragmatique, humaniste et soucieuse, ,quoi qu'on en dise, du développement du capital humain de ce pays.
Pour Bourguiba, aucun domaine de la gestion de la vie publique ne doit échapper au pouvoir humain de la raison
Le bourguibisme a contribué directement à l'affirmation de notre identité en offrant au peuple une vision stratégique sans cesse actualisée
Bourguiba croyait en l'action fondée sur les possibilités et les opportunités réelles,sans cesse croissantes du fait du développement du niveau d'éducation de la population, et non des aspirations idéologiques sans enracinement dans notre culture et notre histoire.
Voila pourquoi il tenait à équidistance les idéologies importées du marxisme révolutionnaire puis de l'islamisme.
Un chiffre édifiant : en 1975 ; 33% du budget de la Tunisie était voué à l'Education Nationale.
Autre élément fondamental du bourguibisme, le pragmatisme économique marqué par une profonde compréhension du rôle de régulation de l'Etat
Bourguiba, suite à l'échec de la politique collectiviste de Ben Salah a décidé à partir de 1971 de mener simultanément deux politiques économiques, complémentaires à moyen terme :
Une politique d'accroissement du stock de facteur de production, à travers l'investissement public dans les industries lourdes (cimenteries, phosphates, raffineries,etc..)
Une politique d'incitation à l'initiative privée et au offshoring ( l'esprit initial de la Loi 72) en vue de constituer à terme des gains de productivité dans une logique de développement progressif de la valeur ajoutée de notre économie
Ce sont juste quelques faits saillants de l'oeuvre bourguibienne, qui était loin donc d'être un écran de fumée
Cela n'a pas empêché comme vous le soulignez des dérapages majeurs, telle la marginalisation de facto - et non pas de la volonté propre de Bourguiba- des régions de l'intérieur et un autoritarisme de plus en plus injuste,alimenté par un clientélisme sahélien
Mais que peut faire un homme seul à la tête d'un pays,du fait de son autocratie ?
Voila pourquoi je réaffirme la nécessite absolue et salvatrice de revenir aux sources du bourguibisme - l'intention première d'un visionnaire- en vue de mieux de nous comprendre nous même , de reprendre confiance et nous projeter dans l'avenir
Plusieurs variantes.
Je me voyais déjà en haut de l'affiche
Cette guerre intestine va laisser des traces,ne venez pas par la suite pleurer sur votre propre bêtise créer de toute pièce par un manque de vision sur l'avenir.
Ennahdha doit jubiler et se frotter les mains a vous voir
dans cet état de délire total.
Il est vrai que ce genre de duel et de règlement de compte existe au sein tous les partis du monde,mais hélas chez nous ce là ressemble plus à une bagarre de récréation.
Alors de grâce rangez vos lacunes et laver votre linge sale au plus vite avant qu'il soit trop tard.
Vous faites honte à vos lecteurs et à la nation toute entière.
le "toc" attire les foules, mais apres l'avoir toucher et peser, on le balance !
@nephentes
tres loin
Mediocre
Nidaa et Ennahda voues a l'echec

