
2024 a été une bonne année pour la Banque de Tunisie (BT). L’établissement bancaire a réalisé d’excellentes performances tout en poursuivant sa politique prudente, et cela malgré une conjoncture nationale et internationale difficile.
C’est ce qui ressort de l’assemblée générale ordinaire tenue par la banque mardi 29 avril 2025 à l’hôtel Sheraton, sous la tutelle du président du Conseil d’administration Eric Charpentier et du directeur général de la banque Hichem Rebai.
« Pour la Banque de Tunisie, l’année 2024 a été marquée par des réalisations clés, témoignant d’une dynamique de performance, de sa capacité d’adaptation et de son ambition renouvelée de faire mieux », a affirmé M. Charpentier au démarrage de l’AGO.
La banque a achevé 2024 avec un résultat net de 188,41 millions de dinars (MD) fin 2024 contre 170,33 MD un an auparavant, en hausse de 10,61%, et ce après avoir constitué des provisions pour couverture des risques de 39,84 MD. Elle a payé un impôt sur les sociétés de 98,10 MD (+37,95%), une contribution au fonds national pour la réforme de l'éducation de 618.000 dinars (+21,65%), une contribution sociale de solidarité de 9,89 MD (+21,70%) et une contribution conjoncturelle de 9,82 MD (+20,80%).
Le Produit net bancaire (PNB) s’est situé à 509,98 MD fin 2024, en hausse de 6,70%. Parallèlement, les frais généraux ont augmenté de 7,4% pour se situer à 155,98 MD fin 2024. Le coefficient d’exploitation, « l’un des meilleurs de la place », s’est donc établi à 32,3%.
« La banque a continué à contribuer activement au financement de l’économie tunisienne, tout en maintenant un dispositif rigoureux de gestion des risques », a expliqué le président du Conseil d’administration.
Les créances sur la clientèle ont augmenté de 4,11%, pour se situer à 6,08 milliards de dinars, alors que les dépôts et avoirs de la clientèle ont évolué de 15,4% pour atteindre 6,69 milliards de dinars.
La BT distribuera 94,5 millions de dinars de dividendes, soit 0,35 dinar par action contre 0,29 dinar par action un an auparavant, la banque continuant ainsi sa politique de rémunération avec un payout de 50% contre 43% une année auparavant. Le dividende sera mis en paiement le 7 mai 2025.
L’établissement bancaire a largement respecté les ratios de gestion et de rentabilité, a assuré le management. Il a terminé son exercice 2024 avec un ratio de solvabilité de 17,12%, un ratio de liquidité (LCR) de 299,9% et un ratio crédit/dépôts de 102,84%. Le taux de créances classées (CDL) s’est situé à 6,89%, « le niveau le plus bas depuis 42 ans », alors que le taux de couverture des créances classées est passé à 82,5%, progressant à « son niveau le plus élevé ».
Pour sa part, le groupe BT a réalisé un résultat net de 214,25 MD fin 2024 contre 194,35 MD fin 2023 (+10,24%), pour un impôt sur les bénéfices de 124,38 MD (+30,04%). Le résultat net part du groupe a augmenté de 9,38%. Le PNB consolidé a augmenté de 5%, se situant à 518,34 MD fin 2024.
« Toutes les filiales ou presque affichent des résultats bénéficiaires », a précisé dans ce cadre le DG.
« Toutes ces réalisations sont attribuables à une maîtrise du coût du risque, couplée à une évolution de l’activité et une maîtrise aussi bien des charges d’exploitation bancaire que des charges opérationnelles », a affirmé Eric Charpentier.
Il a rappelé qu’au cours de 2024, la banque a fêté son 140e anniversaire. Et de commenter : « Une longue et belle aventure durant laquelle la banque s’est solidement imposée comme un acteur financier majeur, grâce à son modèle de banque universelle éprouvé, dégageant durablement de la valeur et à des synergies fructueuses entre les lignes métiers et ses filiales.
Forte de ce bel héritage, la BT reste résolument tournée vers l’avenir, aux côtés de ses clients, opérant selon les meilleures pratiques et contribuant activement au développement économique et aux transformations positives de la Tunisie.
L’établissement bancaire affiche, à travers son plan de développement stratégique (2023-2027), une ambition de relever le défi d’une performance responsable et confirmée dans la durée ».
Notons aussi que la banque a présenté son rapport de durabilité. La banque s’est ainsi investie dans des projets écologiques et de responsabilité sociétale.
« La performance des banques ne se mesure plus au seul profit financier, mais à la durabilité de leur business », a affirmé dans ce cadre le président du Conseil d’administration. Ainsi, et juste à titre d’exemple, la BT a lancé un laboratoire d’innovation, un espace dédié à la recherche et au développement de nouvelles solutions. Ses collaborateurs ont pris part à une opération de reboisement par la plantation de 16.000 arbres sur trente hectares dans les zones dévastées par les incendies. En outre, l’établissement a déployé un plan d’énergie solaire pour réduire sa consommation d’énergie : son projet photovoltaïque va couvrir les besoins de 52 agences.
« Au-delà d’être une banque solide et performante, la Banque de Tunisie est une banque engagée », a assuré dans ce cadre M. Charpentier.
Côté débat, Hichem Rebai, qui a été interpellé par un actionnaire qui affirmait que la Tunisie était très peu impactée économiquement par l’extérieur, a rappelé que le taux d’ouverture du pays, et en particulier envers la zone euro, est de 92%. Donc, ce qui impacte la zone euro touche aussi la Tunisie via des ondes de choc. Pour lui, et vu ce qui se passe actuellement dans le monde, notamment la guerre des tarifs à l’international, la carte géographique des investissements et des délocalisations va changer avec les rapports de force. Et la Tunisie, dans tout ça, doit arriver à convertir ces menaces et risques en opportunités.
En ce qui concerne la politique de la banque en termes d’imposition, le DG a souligné que payer ses impôts est un acte de citoyenneté. Et que la banque est fière de ce fait. Cela dit, il a indiqué qu’« il y a un juste milieu à trouver, pour chercher l'optimum de Pareto en rémunérant le capital mais aussi rester dans cette posture de banque citoyenne ».
S’agissant du cours de la Bourse, il a affirmé que « la valeur BT est parmi les plus performantes du marché. Il faut le voir dans la tendance. Et lorsque vous faites une augmentation de capital par incorporation des réserves, c’est inévitablement un enrichissement. Mais un actionnaire ne peut pas gagner sur tous les fronts ».
En réponse à une interrogation de Business News sur la nouvelle loi des chèques n°41-2024, M. Rebai a indiqué que l’impact est visible. La banque sera impactée à hauteur d’un million de dinars en termes de commissions sur chèque. « Mais nous avons essayé d’aller vers un effet volume et pas un effet prix, pour les commissions », a-t-il soutenu. En termes d’organisation, la banque est aussi appelée à s’adapter à une nouvelle donne, avec l’augmentation du nombre d’effets. « Il faut s’adapter au niveau du Front Office, au niveau des agences, mais aussi au centre et en back office, pour pouvoir traiter le nombre élevé de ces opérations, qui a créé un goulot d'étranglement et un embouteillage sur les effets de commerce. Et heureusement, nous sommes arrivés à nous adapter rapidement », a-t-il expliqué.
S’agissant des comptes gelés, en ce qui concerne les comptes débiteurs, il y aurait un impact de deux millions, alors que pour l'application de la réduction des intérêts sur les crédits à taux fixe, l’impact théorique serait de 1,2 MD pour 2024 et de 1,5 MD pour 2025, toujours selon le DG.
Eric Charpentier a précisé, en réponse à une question, que la Banque fédérative du Crédit Mutuel (BFCM), actionnaire de référence de la Banque de Tunisie, remonte ses dividendes en France comme elle le fait dans toutes les sociétés.
« En revanche, nous sommes présents auprès de la BT. Nous l’avons été l’année dernière, ou il y a deux ans quand la BEI a souhaité un remboursement anticipé de ses crédits, nous nous sommes immédiatement substitués en étant garant. Et nous apportons notamment notre aide et toute une série d’activités de banque de groupes français en Tunisie. Et là, nous ne demandons pas de commissions ou quoi que ce soit. Nous jouons notre rôle d’actionnaire de référence », a-t-il martelé.
Le président du Conseil d’administration s’est montré rassurant en affirmant que « le plan de développement 2023-2027, présenté l’année dernière, commence à porter ses fruits ».
Et d’ajouter : « J’espère que ça finira par se traduire dans les cours, sachant néanmoins que chaque fois qu’il y a des incorporations de capital, normalement et mathématiquement, ça doit diluer le cours ».
Concernant les normes IFRS et bâloises, les responsables ont estimé que la banque est prête, même si des zones d’ombre demeurent en ce qui concerne les règles à appliquer. Cela dit, le passage à ces nouvelles normes ne peut se faire qu’en renforçant les fonds propres. D’où la relative prudence du Conseil d’administration en termes de distribution.
« En 2025, il faut rester sur la tendance de 2024. L’année apportera des défis et il y aura sûrement beaucoup de difficultés tangibles. En tout cas, pour la banque, ce sera une étape clé dans le plan de développement stratégique. Le contour de notre ambition est sans aucune ambiguïté : renforcer notre leadership, accélérer notre transformation digitale et poursuivre notre engagement en faveur d’une croissance durable.
Ensemble, nous continuons à bâtir une banque performante, agile et résolument tournée vers l’avenir, une banque moderne avec l’excellence et la satisfaction client comme unique boussole », a déclaré Eric Charpentier.
Et d’ajouter : « Les années à venir ne seront pas exemptes de risques sérieux ou nouveaux, mais l’impératif de la performance et le diktat du marché appellent plus que jamais à consolider notre modèle économique capable d’assurer une maîtrise totale des charges et des coûts opérationnels ainsi qu’une couverture prudente et anticipative des risques, tout en conservant le client au centre de tous nos projets », en soulignant la nécessité d’avoir « une banque solide, résolument forte sur ses appuis, résolument ancrée dans son marché et tournée vers son avenir ».
2024 a été une bonne année pour la Banque de Tunisie. 2025 s’annonce difficile avec plein de défis à relever. La prudence est de mise. Cela dit, le management reste confiant, surtout que le plan de développement stratégique 2023-2027 commence à porter ses fruits.
Imen NOUIRA

