Ben Ali n’est plus là depuis bientôt 6 ans et pourtant, on ne parle que de lui aujourd’hui.
Le hashtag « 7-Novembre » pullule sur la toile. Des internautes nostalgiques d’une époque où ils n’avaient pas à s’en faire pour leur sécurité, pour leur porte-monnaie, pour l’éducation de leurs enfants et pour la valeur de leur dinar lorsqu’ils quittent le pays. Des citoyens qui vivaient paisiblement et ne se posaient pas les questions existentielles de savoir s’ils pourront payer leurs factures, remplir leur caddie au supermarché, si leurs jeunes enfants devaient intégrer une école publique ou privée et comment faire passer à leurs adolescents l’envie d’aller se faire exploser sur des territoires inconnus ou de mourir en mer, dévorés par les poissons.
Ben Ali est aujourd’hui, pour beaucoup, synonyme de stabilité, de sécurité, d’une économie florissante et d’une image glorieuse de la Tunisie à l’étranger. Du temps où le pays avait encore des dirigeants dignes de ce nom, des ministres bien habillés, des compétences avérées et reconnues internationalement et une image que rien ne pouvait ternir.
Beaucoup de gens sont aujourd’hui nostalgiques de cette époque et espèrent, de moins en moins secrètement, son retour. Un dirigeant à poigne, qui saura mener le pays d’une main de fer, un dictateur éclairé, un despote guidé par de nobles missions et qui voudra le bien du pays. Un retour à la sécurité et à la stabilité, à une vie politique moins rocambolesque et où les minus et les arrivistes n’auront pas droit à la parole. Un homme tout puissant qui saura nous guider, condamner tous les terroristes à la peine capitale et rendre les rues propres et sûres de nouveau.
Autant de formules mielleuses pour maquiller un retour à la dictature politique et à la répression policière. Ceux qui sont aujourd’hui nostalgiques de l’époque Ben Ali oublient que, si nous en sommes là aujourd’hui, c’est à cause justement de cette période. Ils oublient que si le dictateur a pris la fuite, ce n’est pas à cause des milliers de révolutionnaires qui sont sortis manifester dans la rue, mais du laisser-aller, et de la répression qui a fleuri et de la corruption qui a atteint des sommets astronomiques.
Les chiffres sont aujourd’hui en faveur de Ben Ali. L’économie se portait mieux, le pays était plus sûr, les investisseurs venaient et les touristes réservaient en masse. Tout est bon pour alimenter les arguments primaires des citoyens qui préfèrent qu’on leur serve tout sur un plateau que de mettre la main à la pâte. Ces mêmes citoyens qui préfèrent fermer les yeux sur de lourds dépassements afin de ne pas avoir à s’inquiéter des petites choses de la vie. On dit que la corruption est pire aujourd’hui que ce qu’elle était, que l’enseignement ne vaut plus rien, que les diplômés et les compétences ne retrouvent plus de travail et que les puissances internationales nous regardent désormais avec mépris et dédain.
Qu’on se le dise, aujourd’hui, le pays se porte plus mal que ce qu’il était sous Ben Ali. Mais s’il est ce qu’il est aujourd’hui, ce n’est pas parce que Ben Ali a été chassé. C’est parce qu’il a, contribué, 30 années durant, à construire cet équilibre précaire qui ne pouvait durer plus longtemps et dont la fin était plus que prévisible. C’est aussi, et surtout, parce que nous l’y avons aidé et parce que les Tunisiens se sont tellement complu dans la stabilité et la sécurité qu’ils en récoltent les fruits aujourd’hui.
Il y a 30 ans, c’était soit Ben Ali, soit les islamistes. Ben Ali avait gouverné le pays par la peur, à coup de slogans mensongers, et de promesses de changement. Aujourd’hui, les islamistes détiennent le pouvoir grâce, justement, à Ben Ali.
30 ans après, si le pays n’est plus ce qu’il était, les islamistes eux n’ont pas vraiment changé. Les mêmes méthodes pernicieuses et sournoises sont de rigueur. Méthodes revigorées par un discours de victimisation dont ils peuvent se prévaloir. Jetés en prison et malmenés pour avoir été « des opposants politiques », entendez par là takfiristes et même terroristes pour certains, les islamistes détiennent enfin un avantage.
Aujourd’hui, nombreuses personnes voient un nouveau 7-Novembre pointer le bout de leur nez. Un retour à la dictature qui sera applaudi par ceux qui n’hésitent pas encore à dépoussiérer de vieilles méthodes, à aduler les dirigeants et à les accueillir en fanfare. Par ceux qui en ont marre que le changement tant espéré ne vienne pas. Par ceux qui n’en ont que faire des libertés si chèrement acquises et par ceux que trop de libertés exaspèrent au plus haut point. Vous y croyez, vous ?
Commentaires (45)
CommenterUn anniversaire a mettre entre parenthèse.
Election Fiction
1: Béji Caïed Essebsi
2: Moncef Marzouki
3: Rached Ghannouchi
4: Zine El Abidine Ben Ali
5: Samia Abou
Est ce que Sigma Conseil a t'elle la réponse?
@Kameleon78
De toute façon, complot ou pas, aucun Tunisien ne serait sorti manifester si tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes.
Complot ou pas, la troïka ne serait jamais arrivée au pouvoir si les abstentionnistes s'étaient donné la peine d'aller voter contre, ne serait-ce qu'en choisissant le moindre mal.
Complot ou pas, si seuls les islamistes ont la discipline d'aller voter en bloc en 2019, ils gagneront hélas les élections.
Désolé, mais le c'ur des problèmes tunisiens n'est pas à l'autre bout du monde.
Cordialement.
@abdel2
Merci.
Un gros merci leur est dû.
Au temps de ben ali
Jamais 2 sans 3....
- 07 novembre
- 14 janvier
- ???
.... La pression monte et le peuple commence à gronder !
@TeTeM
Je suis perdue moi, donc pas sissi, les gens ne sont pas digne de la démocratie. Pour franche moi je souhaiterais un Bouguiba bis comme n'y aura jamais dans l'autre monde peut être.
Merci je beaucoup d'enfants j'ai une fille et un garçon ça suffit amplement.
Amicalement
@Why
Des élites qui roulent dans de grosse voiture, les écoles préstigieuses? Rien de nouveau. Il ne me semble pas que le clan Ben Ali se pavanait à Carthage à bord d'une sayara chaabiya".
Le terrorisme? Est-ce vraiment un problème propre à la Tunisie? On est certes au coeur du problème mais si ça pete chez nous c'est que notre mode de vie "à l'européenne" dérange les barbus : Paris, Nice, Berlin, New York, Londres, Barcelone.... Voilà aussi des villes dans des nations développée où il y a du terrorisme. Par ailleurs, la propagande de ZABA vous a fait oublier que les terroristes pouvaient aussi passer à l'acte sous ZABA. Avez-vous déjà oublié le camion citerne qui a visé la synagogue de la Ghriba.