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Kaïs Saïed et les juges : une guerre silencieuse contre l’indépendance judiciaire
20/01/2025 | 09:49
6 min
Kaïs Saïed et les juges : une guerre silencieuse contre l’indépendance judiciaire
Service IA, Business News

 

L’Association des magistrats a été empêchée samedi dernier de tenir sa réunion à son siège sis au Palais de Justice. Une scène qui ravive les souvenirs de 2005, sous l’ère Ben Ali, et rappelle les différentes violations de l’indépendance de la justice et des droits des magistrats depuis 2022 sous l’ère Kaïs Saïed.

 

 

Le samedi 18 janvier 2025, une scène inhabituelle s’est déroulée au Palais de Justice de Tunis. Les membres du bureau exécutif de l’Association des magistrats tunisiens (AMT), réunis pour discuter des défis actuels de la justice tunisienne, ont été interrompus par l’arrivée inopinée de la première substitut du procureur de la République, accompagnée d’un agent de sécurité. Sur ordre du procureur, elle a exigé l’évacuation immédiate des lieux, menaçant les magistrats de représailles en cas de refus. Cet incident, perçu comme une attaque directe contre l’indépendance de la justice, a provoqué une vague d’indignation au sein de la communauté judiciaire et relancé le débat sur les tentatives du président Kaïs Saïed de soumettre le pouvoir judiciaire à son autorité.

 

Un symbole historique de résistance

Fondée en 1947, l’Association des magistrats tunisiens (AMT) incarne depuis près de huit décennies la lutte pour l’indépendance de la justice en Tunisie. Dès ses débuts, l’AMT a été un bastion de résistance contre les ingérences du pouvoir exécutif dans les affaires judiciaires. Sous le régime de Zine El Abidine Ben Ali, l’association a été confrontée à des pressions incessantes, allant jusqu’à la fermeture de son siège en 2005. Après la révolution de 2011, l’AMT a retrouvé son siège historique au Palais de Justice, symbole d’une justice libre et indépendante. Mais aujourd’hui, sous le régime de Kaïs Saïed, cette indépendance est une nouvelle fois menacée, tout comme son siège historique qu’elle occupe bien avant l’indépendance du pays.

L’incident du 18 janvier 2025 n’est pas isolé. Il s’inscrit dans une série d’actions visant à réduire au silence les voix critiques au sein de la magistrature. Pour les membres de l’AMT, cette intrusion dans leur réunion est un « précédent dangereux » qui rappelle les pires heures de la répression sous Ben Ali. « Ce qui se passe aujourd’hui est une répétition de ce que nous avons vécu en 2005 », a déclaré un membre du bureau exécutif de l’AMT. « Le pouvoir exécutif cherche à contrôler la justice, à museler les juges et à faire taire toute opposition. »

 

Kaïs Saïed et la justice : une relation tumultueuse

Depuis son arrivée au pouvoir en 2019, Kaïs Saïed n’a cessé de remettre en question l’indépendance de la justice. En février 2022, il a franchi une étape décisive en annonçant la dissolution du Conseil supérieur de la magistrature (CSM), l’organe chargé de garantir l’autonomie du pouvoir judiciaire. Cette décision, prise dans la nuit du 5 au 6 février 2022, a été justifiée par des accusations de corruption et de népotisme au sein du CSM. Cependant, pour de nombreux observateurs, il s’agissait d’une manœuvre visant à placer la justice sous le contrôle direct de l’exécutif.

La dissolution du CSM a marqué le début d’une série de mesures répressives contre les magistrats. En juin 2022, Kaïs Saïed a révoqué 57 juges, accusés de corruption, de laxisme ou d’entrave à la justice. Bien que 49 d’entre eux aient été blanchis par le tribunal administratif, ils n’ont toujours pas été réintégrés en janvier 2025, laissant ces magistrats sans ressources et sans emploi. Pire encore, l’Ordre des avocats a refusé de les intégrer, les laissant dans une situation professionnelle et financière désastreuse, bien qu'il ait encaissé les 20.000 dinars de ticket d'entrée.

Les mutations punitives sont également devenues une pratique courante. Les juges qui osent prononcer des verdicts contraires aux attentes du régime sont mutés dans des régions éloignées, souvent à des centaines de kilomètres de leur domicile. La juge Essia Laabidi, présidente du tribunal de première instance de Manouba, en a fait les frais en septembre 2024. Après avoir ordonné la libération du candidat à la présidentielle Ayachi Zammel, elle a été mutée au Kef, une décision perçue comme une sanction pour son indépendance.

 

Un parallèle troublant avec l’ère Ben Ali

Les similitudes entre les méthodes de Kaïs Saïed et celles de l’ancien président Ben Ali sont frappantes. En 2005, sous Ben Ali, l’AMT avait été confrontée à des pressions similaires. Le siège de l’association avait été fermé, et ses membres les plus actifs avaient été mutés dans des régions reculées. La juge Essia Laabidi, déjà ciblée à l’époque, avait été envoyée à Kasserine, puis à Monastir, dans une tentative évidente de la réduire au silence.

Aujourd’hui, sous Kaïs Saïed, les magistrats sont à nouveau pris pour cible. Les mutations arbitraires, les révocations et les intimidations sont devenues monnaie courante. Les juges qui refusent de se plier aux ordres du régime sont accusés de complot ou de corruption, comme en témoigne le cas du magistrat Hammadi Rahmani, arrêté en décembre 2024 pour avoir dénoncé des affaires de corruption sur les réseaux sociaux. Son arrestation brutale, marquée par des violences policières et des violations de ses droits, a choqué la communauté judiciaire.

Même les magistrats proches du régime ne sont pas à l’abri. Makram Jelassi, ancien conseiller au cabinet de la ministre de la Justice, se trouve aujourd’hui en prison, tandis que le juge Samir Zouabi, qui avait émis des mandats d’arrêt contre des opposants politiques, a dû fuir au Qatar après avoir été accusé à son tour de complot. Ces exemples illustrent la volatilité du régime de Kaïs Saïed, où même les plus fidèles serviteurs peuvent tomber en disgrâce.

 

Une justice sous tutelle

La dissolution du CSM, les mutations punitives, les révocations arbitraires et les arrestations de magistrats montrent que Kaïs Saïed cherche à placer la justice sous sa botte. En supprimant les garanties d’indépendance et en intimidant les juges, il reproduit les méthodes autoritaires de l’ère Ben Ali. Cependant, cette stratégie est contreproductive. En sapant la confiance dans la justice, Kaïs Saïed risque de compromettre les fondements mêmes de l’État de droit.

L’AMT, malgré les pressions, reste déterminée à défendre l’indépendance de la justice. « Nous ne nous laisserons pas intimider, a déclaré un membre du bureau exécutif. Notre combat pour une justice impartiale et intègre continue, malgré les obstacles. » Mais dans un climat de plus en plus hostile, la question reste de savoir combien de temps les magistrats pourront résister à la machine répressive du régime.

En 2025, comme en 2005, la Tunisie est à un carrefour. Le choix est clair : soit le pays revient à une justice indépendante, garante des droits et des libertés, soit il sombre dans un autoritarisme déguisé, où la justice n’est plus qu’un outil au service du pouvoir. L’histoire jugera, mais une chose est certaine : les magistrats tunisiens, comme en 1947, en 2005 et en 2011, ne baisseront pas les bras. Leur combat est celui de toute une nation.

 

Maya Bouallégui

20/01/2025 | 09:49
6 min
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Commentaires
EL OUAFFY Y
Dans un pays demicrate La justice douve être indépendante.
a posté le 21-01-2025 à 21:09
La conclusion de ce ingérence dans les affaires de la justice prouve de le régime devenu totalitaire.Dans des pays de valeur les présidents sont jugés au cas de ils commisent les infractions seul la justice est habilité à prendre les sanctions .Au contraire Ben Ali l'encien président n'a jamais criminaliser les Magistrats ou bien ingérer dans ces prérogatives.
SALIM
LE BUREAU ACTUEL DE L'AMT EST IL LEGAL?
a posté le 20-01-2025 à 19:41
En mettant AMT dans la loupe de recherche sur le site B.N., on decouvre que Mr ANAS HMAIDI a été élu le 25 Fevrier 2018 :

AMT : Anas Hamadi, nouveau président du bureau exécutif B.N 26/02/2018 | 10:10
'Par ailleurs, le magistrat Anas Hamadi, a été élu président de l'association, et ce lors de la 1ère réunion du nouveau conseil exécutif de l'AMT, tenue dans la soirée du dimanche 25 février 2018'.

Et il a été élu une deuxieme fois le 06/07/2020 POUR UN MANDAT DE TROIS ANS

AMT - Election du nouveau bureau exécutif B.N 06/07/2020 | 09:39

Le nouveau bureau exécutif, élu pour un mandat de TROIS ANS, est composé des membres suivants: Anas Hmadi (294 voix),......
L'ANCIEN PRESIDENT DE l'AMT, Anas Hmadi a déclaré à l'agence Tap, que le nouveau bureau exécutif se réunira, consensuellement, pour examiner la répartition des tâches.

OR NOUS SOMMES EN 2025, soit PLUS QUE 4 ANS après l'élection du bureau exécutif présidé par A.H pour un mandat de 3 ans. Sachant que je n'ai pas trouvé une information sur une 3eme élection de l'association des magistrats en 2023 alors que A.H est poursuivi en justice en 2022.
SALIM
LE MANDAT DU BUREAU EXECUTIF DE L'AMT ETAIT TOUJOURS INFERIEUR A 3 ANS
a posté le à 22:19
Et c'était toujours le cas. En Décembre 2015 Mme RAOUDHA KARAFI a été élue jusqu'au Fevrier 2018

Article de B.N 13/12/2015 | 22:40
Association des magistrats tunisiens : victoire de la liste de Raoudha Karafi

La liste de Raoudha Karafi a remporté, ce dimanche 13 décembre 2015, les élections au sein de l'Association des magistrats tunisiens. L'AMT tenait depuis samedi, les travaux de son 12ème congrès.
Mohamed Obey
Les magistrats sont la première cause de leur malheur !
a posté le 20-01-2025 à 17:45
je tiens à dire avec force que ce qui a poussé le Président de la République à la révocation desdits magistrats est leurs échec à faire valoir la loi. S'il n'y avait pas dysfonction de la justice et du système judiciaire tunisiens alors comment pourraient-ils convaincre leurs détracteurs et tout le peuple tunisien des vrais raisons que de terroristes ont été arrêtés et après deux audiences ils furent mis en liberté? Comment pourraient-ils réopondre à la question "Pourquoi les procès Chokri Bel Aiid et celui de Hadj Brahmi trainent encore alors que les preuves ne manquent plus pour incriminer les auteurs et commanditaires des crimes? Comment pourraient-ils me convaincre que des ministres étaient clairement des escrocs avérés et que les dossiers les incriminant furent, par nonchalance et négligence, volatilisés?
Franchement, le ^pays ne supporte plus le laxisme et la négligence... Il faut un peu plus de sérieux pour mettre un frein à la déliquescence des institutions de l'Etat... La pseudo-révolution a tout mis à genoux, y compris l'Etat et ses appareils... J'espère que la séparation des pouvoirs ne sera pas interprété comme licence à faire comme bon il semblerait à n'importe qui est investi d'un pouvoir ou supposé assumer une fonction... Honnêtement, Je pense que la Tunisie est plus démocratique que la France quand je considère ce que Macron a fait avec les résultats des dernières élections législatives. Bien J.L. Le groupe la France Insoumise récolta le plus grand nombre de voix ( je crois 189 voix), mais le fait de ne pas avoir obtenu la majorité absolue E. Macron le prit pour prétexte pour contourner la loi et nommer des Premiers Ministres ( 2 fois) du centre droite.... La démocratie n'existe nulle part: parcourez le monde et apportez-moi un seul exemple crédible... y en a pas ! Et j'espère que la Tunisie sera une vraie démocratie; juste et égalitaire. et où chaque individu est une véritable citoyen affectivement attaché à sa Cité. Alors soignons nos cécités !
SALIM
ARTICLE PARTIAL ET UNILATERAL.
a posté le 20-01-2025 à 17:27
Le principe du journalisme neutre (incolore et non à la couleur de l'huile d'olive de CHAAAL) impose d'evoquer les avis des deux parties (association et parquet) et non une seule partie(association). Par ailleurs cette association ne represente pas les juges, mais plutots les juges politiciens (NAHDHA et PSEUDO-GAUCHE).Il y a la syndicat des magistrats qui est plus representatif et neutre politiquement. Sachant que le président de l'association des magistrats ANAS HMAIDI est poursuivi en justice pour entrave à la liberté du travail ce qui explique les raison de cette réunion.
Mohamed Obey
Timing
a posté le à 18:43
L'article a été publié le matin alors que le communiqué du parquet a été publié l'apres midi. C'est normal qu'il ny ait pas les deux versions.
Taher
Question à Salim
a posté le à 18:04
Tu peux nous citer un seul média neutre dans le monde ? Tous les médias politiques que je connais sont soit de droite soit de gauche, soit pro gouvernement, soit anti régime. Il ne peut pas y avoir de neutralité dans les médias, ça n'existe nulle part au monde. Arrête tes inepties et de critiquer tout le temps le travail des journalistes. Si tu n'aimes pas ce journal, tu n'as qu'à lire la presse mauve colorée au 25. Y en a un bon paquet
Nephentes
Ne pourrit que ce qui est putrescible
a posté le 20-01-2025 à 17:23
La justice tunisienne est sous influence et sous pression parce qu'elle n'a jamais été indépendante et vertueuse. Jamais.

Il existe de par le monde de nombreux systèmes et institutions judiciaires indépendants, à la hauteur de leur mission, composés d'une majorité de magistrats intègres. La Tunisie ne fait pas partie de cette catégorie. Le système judiciaire tunisien n'a jamais été intègre et indépendant.

Jamais.

Les magistrats tunisiens sont d'ailleurs tellement méprisés par tous les gouvernants qui se sont succédés que même au lendemain de janvier 2011 les "juges" tunisiens ont tout simplement été instrumentalisés à grand renfort de dossiers compromettants , sauf une minorité réellement intègre donc irréprochable.

Les manipulations infames de Bhiri ne sont donc pas nées du hasard

Il n'y a jamais eu de réforme véritable du système judiciaire tunisien, qui n'a jamais été un système fiable, digne de respect à l'instar du système judiciaire canadien, espagnol ou même costaricien par exemple.

Ce constat vaut dans sa totalité concernant le système et les institutions sécuritaires de Tunisie. Des centaines d'atteintes très graves aux droits fondamentaux, outre des affaires de complicité avec des réseaux criminels de très grande ampleur, ne sont toujours pas prises en charge par notre pseudo-justice. Ce n'est pas un hasard.

Sous le régime bourguibiste les juges ont en majorité directement été acteurs de la gestion de la terreur instauré par le régime; pareil sous Benali; pareil sous Ennajdha, Caid Essebssi et maintenant Kaes Saed.

En conséquence présenter le système judicaire tunisien comme victime de ce pouvoir, alors qu'il a été TOUJOURS été, en concordance quasi-parfaite avec le système sécuritaire, les deux faces de la même machine à aliéner durablement la Nation tunisienne, est une manipulation.

Voila la vérité.
Momo
un article imprécis
a posté le 20-01-2025 à 13:16
L'article ne précise pas si ces magistrats ont obéi aux exigences de substitut ou pas...normalement, s'ils tiennent bon à faire une bonne publicité, ils devraient s'abstenir de quitter et là on verra si la police utilise la force ou pas, auquel cas ceci éveillerait un peu plus l'opinion publique..
Mis à part ça, les juges en tunisie n'ont jamais été indépendants
Hassine
Differenciation
a posté le 20-01-2025 à 12:26
Il y a bien une différence entre l'indépendance judiciaire quand aux verdics a prononcer dans le cadre de leurs obligations de juger une affaire et la liberté d'une association de juges a faire ce que bon leur semblent dans le cadre de ce cette activité associative qui n'a absolument rien a voir avec l'indépendance du juge. Et si ce juge est membre d'une autre association tel que association de bienfaisance ou de defense du consommateur voir d'association sportive q'en dit il? On ne peut pas brandir la qualité professionnelle a tout azimut. Réveillez vous.
DHEJ
A peuple indépendant...
a posté le 20-01-2025 à 11:00
Une justice indépendante.

Or le peuple tunisien n'est pas indépendant donc la justice n'est pas indépendant...


Le code pénal est une création du colonisateur même cette A.T.M est une création française.


Ma mère est bien dans sa tombe et nous attendons encore le verdict de son affaire qui traîne encore dans les coulisses de cette justice de ....


Justice qui coûte les yeux de la tete... Première instance pour un an ou deux ... puis appel... puis cassation...