Vous avez tout résumé.. ..et bien résumé !
J'ajoute seulement que certains (certaines) porteurs d'oeillères(*) gagneraient à vous lire "attentivement" !
Maxula.
(*) BN itou !
Le « lawfare » est un concept nouveau signifiant l’instrumentalisation de la justice pour éliminer un adversaire politique. Bien en vogue en Amérique du Sud, le mot vient de faire son entrée en Europe et, récemment en Tunisie avec les affaires Nabil Karoui et Slim Riahi.
Pour la présidentielle 2019, l’Histoire retiendra que l’on a un candidat recherché par la justice, en fuite dans un ranch à l’étranger, un autre candidat en prison sans aucune condamnation, deux candidats ayant un redressement fiscal et des démêlés avec la justice, mais qui continuent à faire ce que bon leur semble et, enfin, un candidat-chef du gouvernement poursuivi dans plusieurs affaires en justice, mais qui n’a fait l’objet d’aucune convocation judiciaire pour le moment.
Y a-t-il une ingérence du politique dans la justice ? Une instrumentalisation politique de la justice ? Rares sont ceux qui ne le pensent pas. Les magistrats eux-mêmes sont outrés par ce qui se passe actuellement en Tunisie sur la scène politico-judiciaire.
Les affaires en question sont celles de Slim Riahi, poursuivi dans plusieurs dossiers liés à la sûreté de l’Etat et de blanchiment d’argent ; Nabil Karoui poursuivi dans du blanchiment d’argent ; Seïfeddine Makhlouf qui a un redressement fiscal de 260 mille dinars ; Abir Moussi qui a été condamnée par contumace à quatre mois de prison ferme pour évasion fiscale ; et Youssef Chahed poursuivi dans plusieurs affaires dont la dernière en date est l’utilisation de deniers publics pour des raisons électoralistes.
Pourquoi la justice est-elle sévère avec les uns et souple avec les autres ? Que doivent faire les magistrats face à des cas avérés d’infraction à la loi commis par des hommes politiques candidats à des élections ? Comment peut-on prémunir la justice de ces suspicions d’instrumentalisation ?
Les questions sont nombreuses, les avis sont partagés, mais la finalité est la même : le processus démocratique, tout comme la justice, sont entachés par ces affaires.
Pour le cas de Nabil Karoui, le plus spectaculaire et le plus injuste de tous, l’affaire est claire, on est bel et bien face à un « lawfare ».
Le « lawfare » est un concept ramené d’Amérique du Sud qui désigne une instrumentalisation de la justice pour éliminer un adversaire politique. Le concept est une contraction de deux mots anglais, « law » signifiant loi et « warfare » signifiant guerre.
Sans aller jusqu’à définir la chose par ce nom, Salwa Smaoui épouse de Nabil Karoui considère, et à raison, son mari comme étant un prisonnier politique. Mais c’est tout comme puisque cela revient au même. Elle a rappelé, hier jeudi 5 septembre, la définition de ce qu’est un prisonnier politique. Il faudrait quatre caractéristiques pour définir un prisonnier politique, dit-elle : « la qualité de l’homme ; le timing de l’arrestation ; l’emballage non politique à une affaire judiciaire ; la forme et la manière de l’arrestation ». Nabil Karoui est bien un homme politique puisqu’il est candidat à la présidentielle. Le timing est suspect puisqu’il a été arrêté à trois semaines du scrutin, pour une affaire qui date de 2016 et alors même que le juge chargé de l’instruction l’a laissé en liberté. L’emballage est plus que suspect puisque cette affaire de blanchiment n’est toujours pas avérée (la preuve, le juge l’a laissé en état de liberté) et a été déclenchée par l’ONG I Watch financée par des organisations politiques (l’Union européenne). La forme et la manière sont bien scandaleuses puisque, comme le rappelle Mme Smaoui, « Toute cette violence n’a même pas été utilisée avec les terroristes. Pourtant, Nabil Karoui a toujours respecté la justice. Il s’est rendu à toutes les auditions sans aucune objection ! ».
Mais il faudrait dépasser le cas de Nabil Karoui pour s’arrêter sur ce qui est cent fois plus grave, à savoir cette pratique du « lawfare » par Youssef Chahed. Aujourd’hui, c’est Nabil Karoui, demain c’est vous ! Et il n’est jamais superflu de rappeler ce principe basique de justice, qu’est la présomption d’innocence. Aujourd’hui, et indépendamment de tout ce que l’on peut penser de Nabil Karoui et de Slim Riahi, leur présomption d’innocence est bafouée et leur honneur sali devant l’opinion publique. Les deux ont pourtant bien clamé leur innocence et les deux ne désespèrent pas d’être blanchis par la justice. Imaginons alors un seul instant les dégâts causés pour eux et pour la démocratie tunisienne, une fois le « lawfare » établi.
Conscient de la gravité des faits et de leur impact sur l’opinion publique et le processus démocratique, le Conseil supérieur de la magistrature (CSM) a indiqué suivre tous les dossiers judiciaires sans distinction en respectant les principes de l’égalité et du droit à un procès équitable.
L’inspection générale relevant du ministère de la Justice a été chargée d’examiner d’urgence les affaires concernant de près l’opinion publique. Ces dossiers seront introduits également dans l’agenda des travaux de l’assemblée générale du CSM. Plusieurs hommes politiques ont exhorté le CSM à protéger l’indépendance et l’impartialité de la justice vu son rôle dans l’instauration du processus démocratique, et ce en rapport avec l’arrestation de Nabil Karoui.
Faut-il plus que cela pour dénoncer ce « lawfare » qui fait son entrée par la grande porte sous le « régime » de Youssef Chahed après avoir quitté le pays par la petite porte sous Ben Ali ?
A vrai dire, il n’y a pas qu’en Tunisie où l’on dénonce le « lawfare ». En France, le leader de gauche Jean-Luc Mélenchon se plaint également de l’instrumentalisation politique de la justice. « Désormais le lawfare est utilisé sur tous les continents jusqu’en Europe où le procès des insoumis les 19 et 20 septembre prochains en sera la première application organisée comme un spectacle par les amis du pouvoir », écrit-il sur son blog. En tournée en Amérique du Sud, Mélenchon dénonce le « lawfare » qu’il voit partout, en Argentine où l’ancienne présidente Cristina Fernández de Kirchner est persécutée et doit se débattre avec des accusations rocambolesques de corruption (tiens ! comme chez nous !) et les argumentaires bancals de l’accusation. En Argentine on fait nettement un « peu mieux » qu’en Tunisie, car là bas on a bâclé l’instruction de telle sorte que le spectacle du procès corresponde à la campagne électorale.
Ce même concept de « lawfare » a été également utilisé au Brésil, ce qui a conduit l’ancien président Lula en prison et l’ancien président équatorien Rafael Correa à l’exil.
Le « lawfare » est donc de nouveau dans l’air du temps. La mode du « vintage » ne touche pas que les meubles, les vêtements et la décoration, elle touche également le politique. Youssef Chahed, conseillé par de bons spin doctor a-t-il importé ce concept d’Amérique du Sud, aidé en cela par l’organisation dite non gouvernementale I Watch ? Sans aller jusqu’à la théorie du complot, les similitudes avec ce qui se passe ailleurs dans le monde sont pour le moins troublantes.
Youssef Chahed se défend de toute instrumentalisation, bien entendu, et on clame un peu partout l’indépendance de la justice et sa neutralité. Il se trouve cependant que c’est exactement la même ligne de défense utilisée par les dirigeants sud-américains en dépit de toutes les preuves, les coïncidences et les similitudes.
Nizar Bahloul
L’histoire du « lawfare »
Voici comment définit le journal français « L’Obs » le Lawfare :
« Le concept résulte de la contraction des mots law, loi, et warfare, guerre. Il a été employé pour la première fois en 2001 par Charles Dunlap, un officier de l’armée américaine, pour dénoncer l’usage du droit comme arme de guerre, explique Adrien Estève, doctorant au Centre de Recherches internationales (Ceri) de Sciences-Po et auteur d’un article sur le sujet dans la revue « l’Enjeu mondial ».
Au début des années 2000, ce terme a d’abord été adopté par les néoconservateurs américains et l’administration Bush pour dénoncer les organisations internationales, vues comme des freins à la politique étrangère américaine. « L’isolation de l’Iran, notamment via des sanctions économiques, par l’entremise du droit, est un autre exemple de lawfare », illustre Adrien Estève.
Depuis, cette notion utilisée en relations internationales s’est donc élargie à la sphère politique. « C’est une arme utilisée dans une guerre politique qui vise à affaiblir un adversaire. En Amérique latine, et notamment au Brésil, le terme a été mobilisé par la gauche militante et politique ainsi que par des juristes pour pointer les dysfonctionnements de la justice », explique Christophe Ventura, chercheur à l’Institut de Relations internationales et stratégiques (Iris). Mais pour ce spécialiste de l’Amérique latine, rien de comparable avec la France : « La justice brésilienne a atteint des niveaux de dysfonctionnement très avancés par rapport aux justices européennes. »
Le « lawfare » est un concept nouveau signifiant l’instrumentalisation de la justice pour éliminer un adversaire politique. Bien en vogue en Amérique du Sud, le mot vient de faire son entrée en Europe et, récemment en Tunisie avec les affaires Nabil Karoui et Slim Riahi.
Pour la présidentielle 2019, l’Histoire retiendra que l’on a un candidat recherché par la justice, en fuite dans un ranch à l’étranger, un autre candidat en prison sans aucune condamnation, deux candidats ayant un redressement fiscal et des démêlés avec la justice, mais qui continuent à faire ce que bon leur semble et, enfin, un candidat-chef du gouvernement poursuivi dans plusieurs affaires en justice, mais qui n’a fait l’objet d’aucune convocation judiciaire pour le moment.
Y a-t-il une ingérence du politique dans la justice ? Une instrumentalisation politique de la justice ? Rares sont ceux qui ne le pensent pas. Les magistrats eux-mêmes sont outrés par ce qui se passe actuellement en Tunisie sur la scène politico-judiciaire.
Les affaires en question sont celles de Slim Riahi, poursuivi dans plusieurs dossiers liés à la sûreté de l’Etat et de blanchiment d’argent ; Nabil Karoui poursuivi dans du blanchiment d’argent ; Seïfeddine Makhlouf qui a un redressement fiscal de 260 mille dinars ; Abir Moussi qui a été condamnée par contumace à quatre mois de prison ferme pour évasion fiscale ; et Youssef Chahed poursuivi dans plusieurs affaires dont la dernière en date est l’utilisation de deniers publics pour des raisons électoralistes.
Pourquoi la justice est-elle sévère avec les uns et souple avec les autres ? Que doivent faire les magistrats face à des cas avérés d’infraction à la loi commis par des hommes politiques candidats à des élections ? Comment peut-on prémunir la justice de ces suspicions d’instrumentalisation ?
Les questions sont nombreuses, les avis sont partagés, mais la finalité est la même : le processus démocratique, tout comme la justice, sont entachés par ces affaires.
Pour le cas de Nabil Karoui, le plus spectaculaire et le plus injuste de tous, l’affaire est claire, on est bel et bien face à un « lawfare ».
Le « lawfare » est un concept ramené d’Amérique du Sud qui désigne une instrumentalisation de la justice pour éliminer un adversaire politique. Le concept est une contraction de deux mots anglais, « law » signifiant loi et « warfare » signifiant guerre.
Sans aller jusqu’à définir la chose par ce nom, Salwa Smaoui épouse de Nabil Karoui considère, et à raison, son mari comme étant un prisonnier politique. Mais c’est tout comme puisque cela revient au même. Elle a rappelé, hier jeudi 5 septembre, la définition de ce qu’est un prisonnier politique. Il faudrait quatre caractéristiques pour définir un prisonnier politique, dit-elle : « la qualité de l’homme ; le timing de l’arrestation ; l’emballage non politique à une affaire judiciaire ; la forme et la manière de l’arrestation ». Nabil Karoui est bien un homme politique puisqu’il est candidat à la présidentielle. Le timing est suspect puisqu’il a été arrêté à trois semaines du scrutin, pour une affaire qui date de 2016 et alors même que le juge chargé de l’instruction l’a laissé en liberté. L’emballage est plus que suspect puisque cette affaire de blanchiment n’est toujours pas avérée (la preuve, le juge l’a laissé en état de liberté) et a été déclenchée par l’ONG I Watch financée par des organisations politiques (l’Union européenne). La forme et la manière sont bien scandaleuses puisque, comme le rappelle Mme Smaoui, « Toute cette violence n’a même pas été utilisée avec les terroristes. Pourtant, Nabil Karoui a toujours respecté la justice. Il s’est rendu à toutes les auditions sans aucune objection ! ».
Mais il faudrait dépasser le cas de Nabil Karoui pour s’arrêter sur ce qui est cent fois plus grave, à savoir cette pratique du « lawfare » par Youssef Chahed. Aujourd’hui, c’est Nabil Karoui, demain c’est vous ! Et il n’est jamais superflu de rappeler ce principe basique de justice, qu’est la présomption d’innocence. Aujourd’hui, et indépendamment de tout ce que l’on peut penser de Nabil Karoui et de Slim Riahi, leur présomption d’innocence est bafouée et leur honneur sali devant l’opinion publique. Les deux ont pourtant bien clamé leur innocence et les deux ne désespèrent pas d’être blanchis par la justice. Imaginons alors un seul instant les dégâts causés pour eux et pour la démocratie tunisienne, une fois le « lawfare » établi.
Conscient de la gravité des faits et de leur impact sur l’opinion publique et le processus démocratique, le Conseil supérieur de la magistrature (CSM) a indiqué suivre tous les dossiers judiciaires sans distinction en respectant les principes de l’égalité et du droit à un procès équitable.
L’inspection générale relevant du ministère de la Justice a été chargée d’examiner d’urgence les affaires concernant de près l’opinion publique. Ces dossiers seront introduits également dans l’agenda des travaux de l’assemblée générale du CSM. Plusieurs hommes politiques ont exhorté le CSM à protéger l’indépendance et l’impartialité de la justice vu son rôle dans l’instauration du processus démocratique, et ce en rapport avec l’arrestation de Nabil Karoui.
Faut-il plus que cela pour dénoncer ce « lawfare » qui fait son entrée par la grande porte sous le « régime » de Youssef Chahed après avoir quitté le pays par la petite porte sous Ben Ali ?
A vrai dire, il n’y a pas qu’en Tunisie où l’on dénonce le « lawfare ». En France, le leader de gauche Jean-Luc Mélenchon se plaint également de l’instrumentalisation politique de la justice. « Désormais le lawfare est utilisé sur tous les continents jusqu’en Europe où le procès des insoumis les 19 et 20 septembre prochains en sera la première application organisée comme un spectacle par les amis du pouvoir », écrit-il sur son blog. En tournée en Amérique du Sud, Mélenchon dénonce le « lawfare » qu’il voit partout, en Argentine où l’ancienne présidente Cristina Fernández de Kirchner est persécutée et doit se débattre avec des accusations rocambolesques de corruption (tiens ! comme chez nous !) et les argumentaires bancals de l’accusation. En Argentine on fait nettement un « peu mieux » qu’en Tunisie, car là bas on a bâclé l’instruction de telle sorte que le spectacle du procès corresponde à la campagne électorale.
Ce même concept de « lawfare » a été également utilisé au Brésil, ce qui a conduit l’ancien président Lula en prison et l’ancien président équatorien Rafael Correa à l’exil.
Le « lawfare » est donc de nouveau dans l’air du temps. La mode du « vintage » ne touche pas que les meubles, les vêtements et la décoration, elle touche également le politique. Youssef Chahed, conseillé par de bons spin doctor a-t-il importé ce concept d’Amérique du Sud, aidé en cela par l’organisation dite non gouvernementale I Watch ? Sans aller jusqu’à la théorie du complot, les similitudes avec ce qui se passe ailleurs dans le monde sont pour le moins troublantes.
Youssef Chahed se défend de toute instrumentalisation, bien entendu, et on clame un peu partout l’indépendance de la justice et sa neutralité. Il se trouve cependant que c’est exactement la même ligne de défense utilisée par les dirigeants sud-américains en dépit de toutes les preuves, les coïncidences et les similitudes.
Nizar Bahloul
L’histoire du « lawfare »
Voici comment définit le journal français « L’Obs » le Lawfare :
« Le concept résulte de la contraction des mots law, loi, et warfare, guerre. Il a été employé pour la première fois en 2001 par Charles Dunlap, un officier de l’armée américaine, pour dénoncer l’usage du droit comme arme de guerre, explique Adrien Estève, doctorant au Centre de Recherches internationales (Ceri) de Sciences-Po et auteur d’un article sur le sujet dans la revue « l’Enjeu mondial ».
Au début des années 2000, ce terme a d’abord été adopté par les néoconservateurs américains et l’administration Bush pour dénoncer les organisations internationales, vues comme des freins à la politique étrangère américaine. « L’isolation de l’Iran, notamment via des sanctions économiques, par l’entremise du droit, est un autre exemple de lawfare », illustre Adrien Estève.
Depuis, cette notion utilisée en relations internationales s’est donc élargie à la sphère politique. « C’est une arme utilisée dans une guerre politique qui vise à affaiblir un adversaire. En Amérique latine, et notamment au Brésil, le terme a été mobilisé par la gauche militante et politique ainsi que par des juristes pour pointer les dysfonctionnements de la justice », explique Christophe Ventura, chercheur à l’Institut de Relations internationales et stratégiques (Iris). Mais pour ce spécialiste de l’Amérique latine, rien de comparable avec la France : « La justice brésilienne a atteint des niveaux de dysfonctionnement très avancés par rapport aux justices européennes. »