À chaque nouvelle crise, l’État tunisien se dérobe de ses responsabilités, en trouvant un bouc-émissaire à qui imputer la situation. Les crises s’enchaînent mais ne se ressemblent pas, sauf qu’à chaque fois, elles ont un seul dénominateur commun, l’État. La dernière en date est celle du pain, où on a trouvé un nouveau souffre-douleur : les boulangeries modernes ainsi que le trafic de farine et de semoule. Or, plusieurs éléments et chiffres prouvent, sans équivoque, la responsabilité, en grande partie, de l’État.
Depuis le début de la crise du pain, les autorités n’ont cessé de pointer la responsabilité des autres, sans pour autant se remettre en cause. Pain de riche et pain de pauvre, trafic, spéculation, usage de la farine compensée dans d’autres produits, etc. Mais à aucun moment, elles n'ont parlé de la hausse des prix des céréales ainsi que de la crise des finances publiques, qui pousse l’État à rationaliser certaines de ses dépenses et à diminuer l’importation de certains produits, notamment ceux dont les cours se sont littéralement envolés.
D’ailleurs, si on observe de plus près la situation, on remarque que ce sont les produits importés par l’État qui sont touchés le plus par les pénuries (sucre, riz, farine, semoule, huile végétale, café, carburants…). Bien que cela ait été camouflé, avec les restrictions d’importation qui ont fait que pleins d’autres denrées manquent sur le marché ou ne sont pas disponibles en quantité suffisante, dans les faits les plus grosses problématiques se posent avec les produits importés par l’État.
La question que les Tunisiens devraient se poser est : Pourquoi tout au long des dernières années, il n’y a pas eu de pénuries de pain alors que les crises sont devenues récurrentes depuis quelques mois ?
La réponse est simple, chiffres à l’appui. L’État a diminué ses importations de blé tendre, qui sert à la fabrication de la farine.
Ainsi et en se référant aux chiffres de l’Observatoire national de l'agriculture (Onagri), les importations de blé tendre ont diminué de 52.400 tonnes par rapport à 2022. Idem, pour le blé dur même si le contraire apparaît car les importations avaient déjà baissé de 134.500 tonnes puis augmenté depuis de 30.000 tonnes.
Depuis la pandémie du Covid-19, l’État n’a pas repris le niveau des importations de 2018 et 2019, alors que l’économie est supposée avoir repris plus ou moins une activité normale. En parallèle, le pays a subi depuis trois ans une grave crise hydrique, qui a impacté les moissons.
Rappelons que 2023 est une année exceptionnelle en termes de sécheresse. Le Syndicat des agriculteurs de Tunisie (Synagri) s’attend à une récolte en deçà de celle espérée, ne dépassant pas les quatre millions de quintaux, soit seulement 12,5% des besoins du pays estimés à 32 millions de quintaux. Des prévisions revues à la baisse par l'Union tunisienne de l'agriculture et de la pêche (Utap), qui estime que les récoltes de céréales ne dépasseront pas les 1,8 à 2,5 millions de quintaux, ne couvrant même pas les besoins en semence pour l’année prochaine.
En avril dernier, Business News avait évoqué les risques d’une pénurie de céréales. Et avec la crise du pain, ces craintes se sont concrétisées. Et ce ne sont pas seulement les boulangeries qui peinent à trouver de la farine ou de la semoule, mais pleins d’autres professionnels ainsi que les ménages tunisiens. Les rayons de biscuits, de pâtes, de farine et semoule, des supermarchés ne sont plus garnis comme avant. Une multitude de produits manquent à l’appel. Idem chez les épiciers de quartier. D’ailleurs, beaucoup de Tunisiens se sont plaints du manque de semoule pour faire la "Oula" (le couscous à la maison, ndlr). Plein de petits commerces qui font le pain traditionnel tunisien de la "Tabouna" ou de pâtisseries traditionnelles comme le Makroud sont souvent fermés, à cause du manque de matières premières.
Seule bonne nouvelle, dans tout cela la baisse des prix des céréales. En effet, l’Observatoire national de l'agriculture (Onagri) note, dans son rapport de mai 2023 sur la balance alimentaire, que les prix à l’importation de ces denrées ont connu une baisse de -20,7% pour le blé dur, de -15,1% pour le blé tendre, de -11% pour l’orge et de -8,9% pour le maïs. Ceci ne peut que soulager les finances publiques. Mais, sachant que la Tunisie importe 49% de ses besoins de blé tendre et 17% de son orge d'Ukraine (chiffres de mi-2022), la situation pourrait empirer dans les prochains mois, avec de nouvelles hausses des cours et des quantités réduites.
La Tunisie vit une crise financière depuis plusieurs mois. Le chef de l’État avait refusé les réformes proposées par son gouvernement au Fonds monétaire international (FMI), bloquant le processus depuis un an et demi. Si la Tunisie a pu survivre l’année dernière grâce aux aides des pays amis et frères, cela ne peut se poursuivre éternellement et cela se ressent de jour en jour avec la multiplication des crises et des pénuries.
Or, pour 2023, les autorités tablaient selon la Loi de finances sur l’engrangement de 14,86 milliards de dinars de ressources provenant d’emprunts extérieurs, qui permettraient de ravitailler le pays en devises nécessaires pour le remboursement de la dette et pour financer les importations tunisiennes.
Notons dans ce cadre, que selon le "Budget du citoyen 2023", la compensation des céréales est située à 1.736 MD (soit 145 MD par mois ou cinq MD par jour), représentant 2,5% du budget.
Autre chose très importante, le système de la compensation a atteint ses limites et montré son inefficacité. Ainsi, ses défauts sont utilisés par les trafiquants pour détourner la compensation de ses véritables bénéficiaires. Il y a tellement d’intermédiaires qu’à chaque étape la manipulation est facile.
Prenons pour exemple le pain, le système est tellement compliqué et il y a tellement d’intermédiaires, qu’à chaque étape, le trafic est possible : avec des meuniers qui détournent leurs produits pour de la nourriture animalière, des boulangeries classées qui utilisent la farine et la semoule pour en faire des pâtisseries au lieu du pain ou qui les vendent à des boulangeries modernes, à des industriels ou carrément à des contrebandiers. Ou mieux, le pain compensé fabriqué est vendu aux hôtels et restaurants.
Dans l’absolu, la pénurie et le manque en approvisionnement créent la spéculation, le trafic et la frénésie ou du moins les accentuent. Or, les pénuries sont devenues récurrentes, ouvrant la voie à tous les genres de pratiques frauduleuses.
Autre problème de taille et qui pousse certains au trafic : l’État ne s’est pas acquitté de la compensation qu’il doit aux professionnels, vu les problèmes des finances publiques. Au total, on parle de 965 millions de dinars d’impayés en termes de compensation, jusqu’à fin juillet 2023.
En ce qui concerne les boulangers, l’État n’a pas honoré ses dus pendant quatorze mois en comptabilisant le mois de juillet 2023 qui s’élèvent à 262 millions de dinars. 3.317 boulangeries sont concernées. Pour leur part, les meuniers n’ont pas été payés depuis mai 2022 (quatorze mois) pour un montant total de 91 millions de dinars. Les industriels des pâtes alimentaires et couscous n’ont pas été payés, non plus, depuis août 2021 (22 mois) pour un montant de 172,5 MD.
La partie cachée de l’iceberg réside dans les dettes de l’Office des céréales envers la BNA Bank, l’État n’honorant pas aussi ses dus à l’office et l'effet boule de neige s’est répercuté sur la banque. Dans leur rapport pour les états financiers clos au 31 décembre 2022, les commissaires aux comptes ont précisé que « les engagements de l’Office des céréales envers la banque totalisent 4,77 milliards de dinars fin 2022 (27% du total des engagements clients de la clientèle, en bilan et hors bilan). Ils sont refinancés directement auprès de la BCT pour un montant de 1,96 milliard de dinars fin 2022. Ces engagements ont connu une hausse de 827,19 MD (+21%) par rapport à une année auparavant et enregistrent un dépassement significatif du seuil de 25% des fonds propres nets de la banque imposé par l’article 51 de la circulaire de la BCT n°2018-06 du 5 juin 2018.
Le financement de l’office a impacté de façon significative la trésorerie de la banque qui a enregistré un solde négatif de 4,54 milliards de dinars fin 2022, contre 3,42 milliards de dinars fin 2021. Et de noter que les chèques tirés par l’Office des céréales sur la Trésorerie générale de la Tunisie au titre de ses droits à la compensation, qui ne sont pas encore encaissés par la BNA au 31 décembre 2022, totalisent 2,38 milliards de dinars. Les garanties de l’État accordées à la Banque au titre des engagements de l’Office des céréales s’élèvent, au 31 décembre 2022, à 4,77 milliards de dinars, ce qui lui confère une couverture totale du risque de contrepartie sur ces engagements (composés de principal, intérêts et commissions) ».
Pire, selon Ezzeddine Saidane l’importation avec les cours mondiaux actuels demanderait un budget d’au-moins quatre milliards de dinars. Selon lui, la Tunisie devra importer 100% de ses besoins en céréales.
L’économiste a fustigé, d’ailleurs, ce qu’il a considéré comme l’usage abusif, inadéquat et éthiquement incorrect, de deux termes "spéculation/monopole" et "frénésie". Il a estimé que la frénésie du citoyen est un comportement 100% rationnel, à cause du manque de confiance dans le marché. Il a aussi souligné que le manque en approvisionnement a créé la spéculation et le monopole. Donc, concrètement et toujours selon son analyse, l’État est responsable de la pénurie, ayant le monopole et n’ayant pas approvisionné le marché en quantité suffisante.
Pour lui, l’État ne doit plus intervenir dans les secteurs concurrentiels et doit se contenter de son rôle de contrôle et de régulation.
La Tunisie vit depuis quelques mois sous le rythme des pénuries. La dernière en date est celle du pain, un produit primordial pour toutes les familles tunisiennes pauvres ou riches. Or, et depuis le début de cette crise, l’État se trouve des boucs-émissaires pour se dérober à ses responsabilités, tentant de dissimuler la vraie raison de la pénurie : la situation des finances publiques et le retard dans la conclusion de l’accord avec le FMI.
Imen NOUIRA
Distorsion du Marché et Inefficacité '?conomique
Les subventions accordées aux matières à la consommation peuvent fausser le marché en donnant un avantage artificiel à certains produits. Cela peut créer des distorsions dans les choix des consommateurs et des producteurs, car les subventions peuvent inciter les entreprises à produire des biens qui ne seraient pas viables sans le soutien gouvernemental. Par exemple, si l'?tat subventionne massivement un certain type de produit, les entreprises peuvent être tentées de se concentrer sur sa production, même si cela ne correspond pas aux besoins réels des consommateurs ou aux capacités de l'économie.
Cela peut également entraîner une allocation inefficace des ressources. Les entreprises peuvent être incitées à investir dans des secteurs subventionnés plutôt que dans des secteurs plus productifs ou innovants. Cette réallocation des ressources peut freiner le développement économique à long terme en limitant les opportunités d'investissement dans des domaines à plus forte valeur ajoutée.
Impact sur l'Environnement
Les subventions de l'?tat pour les matières à la consommation peuvent également avoir un impact néfaste sur l'environnement. En encourageant la production et la consommation de biens souvent non durables, ces subventions peuvent contribuer à l'épuisement des ressources naturelles, à la pollution et aux émissions de gaz à effet de serre. Par exemple, si l'?tat subventionne massivement l'utilisation de combustibles fossiles pour les transports, cela peut décourager l'adoption de technologies plus propres et retarder la transition vers une économie à faible émission de carbone.
De plus, les subventions peuvent encourager le gaspillage et la surconsommation. Lorsque les produits sont artificiellement moins chers en raison des subventions, les consommateurs ont tendance à les utiliser de manière excessive, ce qui peut entraîner une surproduction et une utilisation irresponsable des ressources.
Solutions Possibles
Pour atténuer les dangers associés aux subventions des matières à la consommation, certaines mesures peuvent être prises :
'?valuation Rigoureuse : Avant d'accorder des subventions, il est crucial de réaliser une évaluation approfondie de leur impact potentiel sur l'économie et l'environnement. Les décideurs politiques devraient tenir compte des externalités négatives et des conséquences à long terme.
Réorientation des Subventions : Les subventions pourraient être réorientées vers des secteurs plus durables et innovants, tels que les énergies renouvelables, la recherche et le développement de technologies propres, et les pratiques agricoles durables.
Suppression Progressive : Si certaines subventions ont des effets néfastes évidents, une suppression progressive peut être envisagée pour permettre aux entreprises de s'adapter et aux consommateurs de faire des choix plus durables.
Promotion de la Sensibilisation : Les gouvernements peuvent jouer un rôle important dans la sensibilisation des consommateurs aux choix responsables et durables, en mettant en avant les avantages économiques et environnementaux de ces choix.
En conclusion, les subventions de l'?tat pour les matières à la consommation peuvent sembler bénéfiques à court terme, mais elles comportent des dangers économiques et environnementaux importants. Il est essentiel que les décideurs politiques prennent en compte les conséquences à long terme de telles mesures et envisagent des solutions plus durables pour promouvoir le bien-être de la société et la protection de l'environnement.
'?pargne nous svp
Il faut être juste, une bonne partie des boulangeries ne sont pas honnête et ne jouent pas le jeux avec l'état, c'est à dire ils ne respectent pas les cahiers de charges qui est tracé pour une bonne production du pain.
D'un autre côté il faudrait voir le gaspillage du pain, dans chaque poubelle en moyenne vous trouvez une à deux baguettes jetées....mais si le prix du pain était autrement à 500 m ou plus on ne jetterait même pas la moitié d'un pain.
Cette machine de compensation n'est bonne pour personne, ni pour le citoyen ni pour l'état ni pour le boulanger.
N'oublions pas toutes les crises du pains que la Tunisie a eut dans le passé, des têtes du gouvernement ont laissés leurs tête à cause du pain.
Alors on peut faire des calculs budgétaire avec des comparaisons foutaises....
Il faudrait changer ce système de compensation qui ruine l'état en premier lieu, et que le citoyen sache s'adapter à la nouvelle économie de nos jours.
Le peuple veut oui...mais il doit aussi.
Climats de non respect
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Kais Saïd n a pas été pro actif sur ce sujet. Et la première ministre qu'il a mis n'est pas mauvaise mais on réalise que ce n'est pas la bonne personne pour la situation actuelle.
Il est évident qu'on doit revenir à un régime présidentiel fort. La Tunisie dans le temps de ben Ali a en sortait parce qu'elle a réussit à trouver un équilibre entre les pays amis (européens , USA, Europe de l est, Asie (chine)) et pays frères (arabes) et pays voisins
Cet équilibre est trop fragile et nécessite des politiciens de très grands calibres qui savent jouer la balancier entre tout ce monde. Ben Ali savait s entourer de bonnes personnes. Il était capable de faire des affaires avec l Algérie et le Maroc alors qu il y a des tensions entre Maroc et Algérie sans que chacun se fâche.
Ennakba est arrive et a détruit tout cet équilibre. Elle a réduit le pays en miette ne connaissant rien à la diplomatie internationale.
Kais Saïd est une personne parachutée dans ce poste. Il est en train d 'apprendre les bases de ce métier (president de la Tunisie ). C'est un universitaire mais qui apprend vite. Il a osé des choses impensables. Même béni caïd essebsi n a pas osé défier ennakba comme Kais. Finalement BCE s 'est fait dévoré par ennakba. Kais a compris ceci et il est en train de détruire ennakba pierre par pierre et il réussit jusqu a maintenant.
Contre partie: la Tunisie va passer par des périodes difficiles économiquement et il faut s'attendre que ça continue jusqu à 2025. Le temps que les guerres se terminent, le monde se re stabilisé et on va être capable de mieux voir le nouveau équilibre mondiale. Pour le moment des grandes puissances sont en train de se partager le monde et on est les victimes collatérales de cette confrontation. On a rien à faire dans ces conflits mais on les subit. Alors on doit tenir le coup en tant que peuple pour un petit moment encore. Désolé mais les pronostics économiques ne sont pas bons même pour l année prochaine mais ils sont surmontables en 2025.
tu n'as pas honte
On ne voit aucun article qui nous retrace les vrais causes du manque de devises
La semaine dernière la ministre des finances a indiqué que "" l'accomplissement du gouvernement actuel relève du miracle au vu des difficultés auxquelles il fait face .Nous avons également remboursé près de 42% de la dette et nous n'avons manqué aucun remboursement jusque-là. Le 4 août prochain, nous devrons d'ailleurs rembourser une dette en devises de 560 millions de dinars contractée par un autre gouvernement mais la continuité de l'?tat impose que nous nous acquittions de tous ses engagements » " et suite à ses déclarations plusieurs medias se sont moqués de ses déclarations
En tant que simple citoyen j'ai bien constaté un langage de professionnalisme et de patriotisme dans sa déclaration
Sachant que le montant toral de remboursement des credits pour pour l'année 2023 est de 23 milliards de Dinars
Qui a eu ces crédits ?
Qui nous a entraîné dans cette crise de manque de devises?
déficit budget
crise du pain.
emprisonnement arbitraire.
250 000 fonctionnaire à virer
ajoutez ici d'autres points volcaniques
Mais faites attention aux chiffres et évitez de vous perdre avec les gros chiffres comme beaucoup d'autres littéraires...
Vous dites " l'UTAP estime que la récolte des céréales ne dépasserait pas 1.8 à 2.5 quintaux ..."
Vous vous rendez compte de votre grosse bourde en avançant ce chiffre insignifiant de céréales qu'aurait obtenu la Tunisie cette année c'est-à-dire une quantité d'à peine 2 sacs et demi de blé
Prière rectifier comme suit:
1.8 à 2.5 millions de quintaux.
B.N : Merci d'avoir attiré notre attention