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Tribunes
Quand la chasse devient virale
30/04/2025 | 10:39
3 min
Quand la chasse devient virale


Par Saïma Mezoughi*


Une vidéo a récemment circulé sur les réseaux sociaux tunisiens. On y voit un homme, téléphone posé dans sa voiture, filmer avec fierté ce qu’il considère comme un « coup de filet » : la remise de migrants subsahariens aux autorités. Ce n’est pas une blague de mauvais goût. Ce n’est pas une fiction dystopique. C’est un fait. Et c’est une gifle.

Il a posé son téléphone dans la voiture, l'objectif pointé sur lui et son « prisonnier ». Au volant, il conduit sans hâte, un regard concentré sur la route, comme s’il accomplissait une mission patriotique. Pourtant, la violence imprègne chaque seconde de cette vidéo. Elle est dans le ton, dans la légèreté, dans la joie mesquine, presque enfantine, qu’il manifeste en annonçant le « fruit de sa chasse ». « J’ai déjà livré deux. Voilà un wahid de plus ». Le mot résonne. Petit. Réduit. Infantile. Pas un « homme », ni une « personne ». Non, juste un wahid, comme on dirait un objet, une pièce, une unité, un déchet ramassé sur le chemin.

 

Quand la banalisation remplace l’indignation

Ce qui choque le plus, ce n’est pas la scène en soi. Ce qui est le plus choquant, c’est que cette scène n’ait pas choqué tout le monde. Au contraire, elle a fait sourire certains. Elle a été partagée, likée, commentée avec des émojis de pouces levés, des applaudissements, des « bravo khouya », comme si cette mascarade était un acte de bravoure. Comme si nous assistions à une comédie et non à la banalisation d’une chasse à l’homme.

Il ne s’agissait pas d’un simple citoyen. C’était le symptôme d’une dérive collective : celle qui nous fait croire que livrer des êtres humains à la police n’est plus grave, à condition qu’ils ne nous ressemblent pas. Tant que leur peau est plus foncée. Tant que leur langue est étrangère. Tant qu’ils sont seuls, pauvres, vulnérables, et silencieux.

Mais que raconte cette vidéo au fond ? Elle ne parle pas seulement de racisme. Elle ne parle pas uniquement de xénophobie. Elle parle de cette jouissance perverse de l’exercice d’un petit pouvoir sur un plus faible que soi. Ce pouvoir d’abattre quelqu’un. De le livrer. De le désigner. Et pire encore : d’en être fier.

 

Le reflet d’un effondrement moral

Nous vivons à une époque où l’humiliation devient spectacle. Où l’on brandit la souffrance d’autrui comme trophée. Où filmer un migrant menotté ou à genoux devient, pour certains, une occasion de récolter des likes, du capital social, une illusion de supériorité.

Ce n’est pas une dérive personnelle. C’est un effondrement moral collectif. Parce que lorsqu’un individu se permet de filmer un acte de délation, de le commenter avec enthousiasme, de le publier, et que rien – ou presque – ne lui rappelle que cela est inacceptable, c’est qu’il y a quelque chose de pourri dans notre espace commun. Dans notre imaginaire collectif.

Ce n’est pas une question de loi. C’est une question de regard. De dignité. De ce qu’on accepte de montrer. De ce qu’on laisse faire. De ce qu’on transforme en divertissement.

Et à ceux qui diront : « Mais ils sont en situation irrégulière », je répondrai simplement : l’irrégularité n’efface pas l’humanité. L’irrégularité ne justifie ni le mépris, ni la chasse à l’homme amateur, ni la jouissance de filmer l’humiliation. Ceux qui fuient la guerre, la faim, l’instabilité, les persécutions, ne devraient pas finir dans le téléphone d’un passant, fier de son « coup du jour ».

Alors non, ce n’était pas un héros. Et ce n’était pas un acte anodin. C’était une blessure infligée à l’idée même d’humanité. Et cette blessure porte notre silence comme complice.

Peut-être que dans cette scène, le seul à avoir gardé sa dignité, c’est ce wahid. Ce wahid. Ce trop. Ce migrant fatigué. Peut-être qu’il était le seul à marcher encore debout, même à genoux. Et les autres, debout mais éteints, avaient déjà oublié ce que cela signifiait : être humain.

*Journaliste

30/04/2025 | 10:39
3 min
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Commentaires
Houda
Le vrai visage
a posté le 30-04-2025 à 19:08
De la tunisie post 25 juillet vidéo de la honte pauvre tunisie '?uvres de nous
DHEJ
Le violeur est arrêté...
a posté le 30-04-2025 à 15:52
En flagrant crime...


Il l'a arrêté au nom de la LOI... article 42 du code pénal méconnu de ... alors blablabla...
Gg
Viol?
a posté le à 17:37
Ah oui, quand même.
Donc chronique malvenue!
Gg
Oui ce n'est pas classe!
a posté le 30-04-2025 à 14:10
Mais comme tous ceux qui se réclament du bon côté du Droit, de la pensée et du c'?ur, vous ignorez la question de fond: la Tunisie a-t-elle les moyens d'accueillir tout la misère qui s'invite chez elle, alors qu'elle ne parvient déjà pas à subvenir aux besoins de ses propres miséreux?
Et qu'une fois chez vous, les miséreux venus d'ailleurs ne vous respectent pas?
Le type dont vous parlez est un exhibitionniste pervers, mais il a le droit de dire "chacun chez soi, et les moutons seront bien gardés!"
Il aurait pu le dire autrement, c'est tout.
Lucky Luke
Le cercle vicieux de la Haine
a posté le 30-04-2025 à 13:41
initié et entretenu par et depuis les sommités stratosphériques de cet état zaqafounien !

Pour les daltoniens qui ne voient pas dans ces actes barbares les prémices d'une violence qui pourrait entraîner les Tunisiens eux-mêmes dans une guerre de tous contre tous, devraient sur le champ enlever leurs lunettes de myopes et savourer la réalité dégoûtante d'une décadence collective de toute une nation.

Comme l'expliquait pertinemment T.Hobbes dans son Leviathan, un état absent et défaillant, à l'image des piètres parois de cette grande prison à ciel ouvert qu'est devenue notre cher pays et qui s'écroulent chaque jour encore plus sur nos têtes, un état inexistant sauf peut-être pour s'exalter de ses propres échecs et les maquiller en réalisations et victoires tout en persécutant en passant toute voix dissidente, bientôt donc un bel "Bellum omnium contra omnes" à la façon de l'Irak, de la Syrie ou plus proche de nous de la Lybie.

Wa bi2sa al-masir !

Merci qui ?
Merci hAdhAka.
W ya7ya hAdhAka!
Léon
Une Honte
a posté le 30-04-2025 à 12:13
Chère Madame,
Une honte que j'avais commentée par trois fois avant d'effacer mon commentaire car il arrosait tout le monde. Notre Pays, laissant s'exprimer ses plus viles pulsions, dont le racisme, fait honte à voir.
Mais, tout le monde en Tunisie est responsable de cette situation. En effet, cette dernière est due au séisme de 2011, alors que nous n'étions qu'une poignée de personnes qui dénonçaient cette ingérence étrangère utilisant les traitres locaux et le peuple de moutons de Panurge, sous les insultes de 99,9% du peuple de ces derniers. Aujourd'hui tout le monde s'accorde à jeter ce qui leur arrive sur le dos du monde atlantiste. Moi j'ai le droit de le dire, mais pas ceux qui nous insultaient lorsque nous le disions. En particulier Mezri Haddad qui a dû s'exiler onze années pour avoir dit la vérité au peuple et pour avoir dit leur vérités aux imbéciles sortis crier "dégage".
Mus de sales sentiments, souvent régionalistes, certains avaient décidés qu'ils étaient mal gouvernés et avaient pris fait et cause pour la destitution de Ben Ali sous les applaudissements de BHL, des suppôts otanesques, des encouragements de la commission européenne et du congress obamique. Mais lorsque la trahison est collective, peut-on punir tout un Peuple? Bien sûr que non. Mais la réalité c'est pire: Il vit de par lui-même sa propre punition.
Pour ne citer que les personnes de votre profil, ces idéologues de la "démocratie à tout prix", ces intellos sans recul sur la chose politique; avez-vous soupçonné une seule seconde que le tunisien qui n'est ni de votre bord ni de votre profil pouvait laisser s'exprimer son racisme, son fanatisme, sa bêtise dès lors que tes semblables auraient aidé éjecté Ben Ali. Dans le temps, les vils se la fermaient car il se savaient vils. Aujourd'hui ils se sentent plus fort que jamais, car gouverné par leurs élus, ces gens qui leur ressemblent et qui font qu'aujourd'hui la Tunisie leur ressemble. Si vous respectez la démocratie (votre Dieu sur terre), vous n'avez qu'un seul droit, c'est d'observer le désastre, la mort dans l'âme, et de vous taire.
Vous n'avez pas soupçonné que c'est peut-être ces gens-là qui étaient un obstacle à la Démocratie et non Ben Ali. Moi si; je le savais dès le départ. Ben Ali n'est ni un proche, ni un ami, mais je savais qu'il était là, à sa place, mieux que quiconque d'autre, et qu'un jour, alors que les vils auraientpetit à petit intégré les rangs, avec un peu plus d'éducation (et non d'instruction), la Tunisie serait certainement devenue une Démocratie. En 2014 auraient eu lieu des élections avec des gens et partis" fréquentables".
Ceux qui t'ont envoyé manifester dans la rue le savaient bien, et n'en voulaient pas. Ils t'ont utilisé pour les aider à placer au pouvoir, les fanatiques (Al Nosra fait du bon boulot, parait-il), les nationalistes youssefistes (des idéologues, chtarbés en puissance), bref, tout ce qui pouvait remettre à zéro tout le travail initié par Bourguiba puis poursuivi et amplifié par Ben Ali.
C'est que la bêtise n'a pas de Limites;

A la Mémoire de Tahar Fellous, alias John Wayne, meilleur intervenant dans ce journal,
A la mémoire de Bourguiba et de Ben Ali

Léon, Min Joundi Tounis Al Awfiya,
Résistant,

VERSET 112 de la SOURATE des ABEILLES.