
La famille, les amis et le comité de défense de l’animateur et chroniqueur Mourad Zeghidi, emprisonné depuis le 11 mai 2024, ont tenu, le mercredi 7 mai 2025, une conférence de presse au siège du Syndicat national des journalistes tunisiens (SNJT).
S’exprimant lors de cet événement, le président du SNJT, Zied Dabbar, a estimé que Mourad Zeghidi faisait l’objet d’une détention arbitraire. Il a exprimé sa solidarité avec ce dernier et son opposition à toute forme d’oppression visant les journalistes. Il a appelé la justice tunisienne à assumer ses responsabilités et le pouvoir politique à respecter et préserver les droits et les libertés.
L’avocat Fethi El Mouldi a affirmé que Mourad Zeghidi gardait la tête haute et le moral. Il a exprimé le souhait de voir les images de ce rassemblement parvenir aux personnes concernées. Il a assuré que Mourad Zeghidi n’avait accepté de tenir cette conférence qu’après l’insistance du comité de défense. « Mourad l’a dit : "J’assume"… Il continue à le faire… Il ne nie pas ce qu’il a dit… Mourad l’a toujours dit… Il ne se considère pas comme un militant… Malheureusement, depuis le 11 mai 2024, un samedi, vers 19h30, plusieurs voix se sont tues. Beaucoup se sont cachées… Beaucoup sont restées à la maison », a-t-il dénoncé.
Fethi El Mouldi a estimé que l'arrestation de Mourad Zeghidi était un message. Selon lui, la détention de ce dernier, connu pour sa sagesse et sa modération, a provoqué un changement dans le paysage médiatique. Il a assuré que Mourad Zeghidi tenait bon et que, dans plusieurs cas, c’était lui qui remontait le moral des avocats et de la famille. Il a rappelé que la justice avait rejeté deux demandes de libération conditionnelle, alors que ce dernier avait un casier judiciaire vierge et avait purgé la moitié de sa peine. L’avocat a estimé que cette demande aurait été acceptée s’il s’était agi d’un citoyen lambda.
« Le grand choc a eu lieu en décembre… Deux semaines avant la fin de sa peine… Nous avions rendu visite à Mourad il y a deux jours. Et voilà qu’on apprend, via un flash info de Mosaïque, qu’un second mandat de dépôt a été émis contre lui… Alors qu’il s’apprêtait à sortir, il se retrouve face à un nouveau mandat de détention… Le tout dans des conditions catastrophiques…
Vers 13 heures ou 14 heures, alors qu’il était en prison, on l’a informé qu’on allait l’emmener au tribunal… Il a cru qu’il allait être libéré… On l’a conduit au bureau d’instruction n°32… Il était souriant… Il ne comprenait pas ce qui se passait… C’est alors qu’on lui a annoncé qu’il était accusé d’association de malfaiteurs et de blanchiment d’argent… Il s’est interrogé sur l’absence de ses avocats… On lui a répondu que l’instruction allait être reportée et qu’un mandat de détention venait d’être émis contre lui… L’instruction a été reportée au 9 janvier, alors qu’il devait sortir le 9 janvier… Tout cela s’est passé le 3 décembre…
L’affaire est toujours en instruction… Il y a des éléments objectifs… L’enquête a porté sur des faits remontant aux dix dernières années… On a demandé des explications sur des chèques reçus… Je rends grâce à Dieu pour la mémoire d’éléphant de Mourad… Il n’y a pas d’argent venu de l’étranger… Il n’y a pas de devises… L’instruction s’est focalisée sur un chèque de 70.000 dinars… La banque concernée a précisé qu’il s’agissait d’un chèque émis par la Fédération nationale de tennis… J’ai plaisanté en disant que si la fédération de tennis avait 70.000 dinars, elle les aurait donnés à Ons Jabeur… ».
« Heureusement, Mourad s’est souvenu qu’il s’agissait d’un chèque lié à la vente de l’appartement de son père… La défense a présenté le chèque et le contrat prouvant l’absence de tout lien avec la Fédération nationale de tennis… Nous en sommes là depuis deux mois… Nous attendons encore que la banque envoie un courrier confirmant cela… Pourtant, j’ai présenté le numéro du chèque, l’identité du bénéficiaire et l’origine de la transaction… Je ressens des choses étranges… Je suis avocat depuis 44 ans et je n’ai jamais ressenti cela : on dirait qu’on laboure la mer… C’est comme si on attendait la confirmation d’un expert pour dire que "1 + 1 = 2" », a-t-il déploré.
Selon l’avocat, Mourad Zeghidi a choisi de vivre sa détention comme une nouvelle vague du Coronavirus. Il essaie de faire passer cela comme un confinement. Il a également assuré qu’il n’y avait aucun lien, dans l’affaire de blanchiment d’argent, entre Mourad Zeghidi et Borhen Bssais. Il a démenti l’existence de toute transaction financière entre les deux hommes.
L’avocat Ghazi Mrabet a aussi critiqué la détention de Mourad Zeghidi. Il a estimé que ce dernier faisait l’objet d’une injustice et qu’il était harcelé en raison de ses prises de position et de son soutien à la liberté d’expression, ainsi qu’à ses critiques adressées au pouvoir. Il a rappelé que le journaliste a été condamné à huit mois de prison en vertu du décret n°54, pour des déclarations ne contenant ni incitation, ni discours haineux, ni insulte, ni aucune autre forme de violence.
« L’affaire comporte des accusations d’association de malfaiteurs et de blanchiment d’argent… En consultant le dossier, on constate qu’il n’y a ni financement étranger, ni financement public… Il s’agit simplement d’un problème de déclaration fiscale… Peut-être que la justice cherche à nous donner une nouvelle définition du blanchiment d’argent… Mourad est patenté… Il a respecté toutes les procédures légales… Il s’agit d’une infraction fiscale… Tout citoyen peut contacter les autorités fiscales et déposer une demande de conciliation… Il ne finit pas en prison pour autant », a-t-il déclaré.
Ghazi Mrabet a expliqué que la conciliation permet de régulariser une situation fiscale sans entraîner de détention ni de poursuites. Il a estimé que Mourad Zeghidi était un prisonnier d’opinion, détenu en raison de ses prises de position. L’avocat a assuré que son client n’avait pas à blanchir de l’argent. Il a rappelé que l’expertise technique de ses téléphones et la fouille de son domicile n’avaient rien donné.
Ghazi Mrabet a expliqué que Mourad Zeghidi était poursuivi en vertu de la loi de lutte contre le terrorisme et le blanchiment d’argent. Il est également accusé d’association de malfaiteurs, sans qu’aucun autre nom ne soit concerné par cette enquête. Il s’agit d’une instruction visant Mourad Zeghidi et toute autre personne que l’enquête permettrait éventuellement d’identifier.
La sœur de Mourad Zeghidi, Meriem Zeghidi Adda, a indiqué qu’un rassemblement aura lieu le 11 mai 2025, à l’occasion du premier anniversaire de sa détention, à l’espace Le Rio.
Parmi les personnes présentes, nous pouvons citer : les journalistes Fares Khiari, Zied Krichen, Hassen Ayadi, Chaker Besbes, Khouloud Mabrouk, Faiza Arfaoui, Houcem Hamad, le slameur Hatem Karoui, les chroniqueuses Sonia Younsi, Sabra Ouni Manachou et Nawel Bizid, l’ancien député Mahmoud Baroudi, la dirigeante de l’ATFD Ines Chihaoui, et le secrétaire général adjoint de l’UGTT Anouar Ben Kaddour.
S.G