
Malgré une envolée du prix du sucre et une pression fiscale accrue, la SFBT est parvenue à stabiliser son bénéfice pour l’exercice 2024, démontrant ainsi sa capacité de résilience. L’année 2025 s’annonçant d’ores et déjà difficile, la société entend poursuivre ses efforts d’adaptation tout en explorant de nouvelles pistes de diversification ou de croissance externe.
C’est ce qui ressort de l’assemblée générale ordinaire (AGO) de la Société de fabrication des boissons de Tunisie (SFBT), tenue le mercredi 7 mai 2025 au siège de l’Institut arabe des chefs d’entreprise, sous la présidence de Mustapha Abdelmoula, président du conseil d’administration, et d’Elyes Fakhfakh, directeur général.
« En 2024, la société a connu une légère croissance dans plusieurs segments malgré un contexte difficile. Les ventes de bière ont légèrement progressé (+0,25%), portées notamment par l’augmentation des ventes de certains formats. En revanche, les boissons gazeuses et les jus ont enregistré un recul de 6,27%, principalement en raison de la hausse des prix liée à l’augmentation significative du prix du sucre, passé de 1,4 à 2,9 dinars », a indiqué le directeur général.
Sur le plan des performances financières, la SFBT a réalisé un résultat net de 252,15 millions de dinars fin 2024, contre 253,53 millions un an plus tôt, soit un léger repli de 0,54%. Ce résultat a été grevé par un impôt sur les sociétés de 49,29 millions de dinars (+53,02%), une contribution sociale solidaire de 7,39 millions de dinars (+14,76%) et une contribution conjoncturelle à l’État de 4,93 millions de dinars.
Le chiffre d’affaires s’est établi à 836,58 millions de dinars, en hausse de 1,18%. La bière représente la majeure partie des revenus (582,05 MD, +4,1%), suivie par les boissons gazeuses (172,79 MD, -2,77%).
« Cette progression du chiffre d’affaires s’explique principalement par l’ajustement de nos prix, qui a permis de compenser la hausse du coût du sucre », a précisé le DG. Il a également souligné la forte augmentation des autres charges d’exploitation, passées de 49,41 millions de dinars fin 2023 à 69,99 millions fin 2024, en grande partie en raison de l’instauration d’une redevance de 3%, représentant un montant total de 20,86 millions de dinars. Cette charge, non déductible, a elle-même été soumise à un impôt de 25%, soit 5,21 millions de dinars supplémentaires.
Commentant les résultats, Elyes Fakhfakh a déclaré : « Malgré des conditions de marché complexes, la société a su maintenir une performance stable grâce à une gestion rigoureuse des coûts et à des ajustements stratégiques. Les résultats avant impôts ont progressé, mais la hausse du taux d’imposition a conduit à une quasi-stabilité du résultat net. »
Et de conclure : « L’année 2024 a été marquée par de fortes pressions économiques, mais la SFBT a su faire preuve de réactivité et maintenir sa position sur le marché grâce à une gestion efficace et une stratégie commerciale adaptée. »
Le résultat net consolidé a, pour sa part, progressé de 0,29%, atteignant 296,44 millions de dinars fin 2024 contre 295,58 millions un an plus tôt. Cette évolution a néanmoins été freinée par une hausse de l’imposition, avec un impôt sur les sociétés de 71,78 millions de dinars et une contribution conjoncturelle de 18,54 millions, soit un total de 90,32 millions de dinars (+59,29%), dont 33,62 millions de dinars supplémentaires par rapport à 2023.
Entre impôts et taxes collectés, la SFBT reste l’un des plus grands contributeurs fiscaux du pays. Les montants versés à l’État au titre des droits de consommation, TVA, IS, redevance et contribution sociale se sont élevés à 1,02 milliard de dinars.
« Le résultat d’exploitation consolidé aurait pu être bien plus élevé sans le relèvement brutal des prix des boissons gazeuses, conséquence directe des hausses du prix du sucre, aggravées par l’impact inflationniste de taxes qui atteignent un niveau record », a souligné le DG. Il a précisé que la fiscalité sur les boissons gazeuses en Tunisie atteint 53% (droits de consommation, TVA et redevance inclus), contre 26% au Maroc, 21% en Algérie et 23% en Égypte — un écart qui, selon lui, favorise l’essor des circuits parallèles.
Toujours selon Elyes Fakhfakh, la performance du groupe a été soutenue notamment par les revenus de placements et la baisse des charges financières.
Les actionnaires bénéficieront ainsi d’un dividende de 0,8 dinar par action au titre de l’exercice 2024, contre 0,74 dinar l’année précédente. Le paiement interviendra à partir du 30 mai 2025.
Elyes Fakhfakh a, par ailleurs, précisé que la société a lancé en 2024 plusieurs projets stratégiques destinés à renforcer ses capacités opérationnelles et sa compétitivité. Ces initiatives portent notamment sur l’optimisation des processus internes, avec des actions ciblées pour améliorer les performances commerciale et logistique. Des projets d’extension du réseau de distribution ont également été mis en œuvre afin de mieux répondre à la demande du marché. Parallèlement, des efforts ont été engagés pour réduire les coûts opérationnels, notamment en matière de maintenance et de production. « Ces projets visent à soutenir la croissance durable de la société », a-t-il affirmé.
La SFBT poursuit aussi ses engagements en matière de développement durable. À ce titre, deux centrales photovoltaïques ont été installées à Médenine, couvrant 45% des besoins en électricité des sites SBT Koutine. Elles permettront de produire 2,8 millions de kilowattheures (kWh) d’énergie renouvelable par an, réduisant ainsi l’empreinte carbone de 1.774 tonnes de CO₂ et économisant 5,6 millions de litres d’eau.
La société mise également sur la trigénération à Bab Saadoun. Le matériel a été commandé, et cette installation, dont la mise en service est prévue pour le deuxième trimestre 2026, permettra de diminuer significativement l’empreinte carbone du groupe. Elle renforcera également son autonomie énergétique, en assurant la totalité de ses besoins en CO₂, et le mettra à l’abri des fluctuations du marché.
Côté débat, et concernant le rachat d’actions, Mustapha Abdelmoula a indiqué qu’une résolution avait bien été prise dans ce sens afin de réguler le cours. Toutefois, face à la perspective de pertes pour la société, le conseil a finalement opté pour laisser le marché s’autoréguler.
Il a précisé que l’offre est très conjoncturelle, certains héritiers préférant céder leurs actions pour financer d’autres projets. Il a également rappelé que l’action SFBT est très liquide, trouvant rapidement preneur, même si ces mouvements peuvent parfois impacter le cours.
Pour le président du conseil, il convient de relativiser la situation : si les actionnaires ont enregistré une perte sur le cours de l’action, ils ont en revanche bénéficié de l’augmentation de capital par incorporation des réserves, réalisée l’année dernière.
« L’attribution d’actions gratuites n’a de sens que si elle s’accompagne d’un dividende supplémentaire. C’est ce que nous avons fait cette année en augmentant le dividende. L’année dernière, l’attribution gratuite a offert 8% de rendement, et cette année, nous avons augmenté le dividende de 8%. Ce qui compte, c’est ce que l’actionnaire perçoit en fonction de son capital », a expliqué Mustapha Abdelmoula.
En réponse à la demande de certains actionnaires d’augmenter encore le dividende, il a rappelé les nombreux défis auxquels la société est confrontée, notamment en matière d’investissement et de diversification.
S’agissant de l’amendement du Code du travail, Elyes Fakhfakh a précisé que la société ne fait pas appel à des intérimaires, mais recourt à des contrats à durée déterminée (CDD).
« Nous suivons les discussions au Parlement afin que ce type de recours soit intégré dans le cadre légal applicable aux activités saisonnières », a-t-il noté.
En ce qui concerne les cours des matières premières, Mustapha Abdelmoula a assuré que la tendance baissière observée en 2024 se poursuit en 2025. Le directeur général a ajouté : « Le prix du sucre, qui représente un poste essentiel pour nous, a fortement pesé sur nos résultats. Aujourd’hui, les prix se stabilisent. Nous les surveillons de très près et optimisons nos achats grâce à des opérations de couverture (hedging) sur l’aluminium et la résine. Notre solidité financière nous permet de gagner en productivité sur les achats. »
Cela dit, il a averti qu’au vu du contexte actuel, notamment en matière de tarifs douaniers, la société n’est pas à l’abri d’un impact sur ses prix d’achat.
Sur le volet export, Elyes Fakhfakh a indiqué que la société s’emploie à explorer le marché du Moyen-Orient, en pleine croissance. Elle étudie également la possibilité d’exporter vers la Libye, en particulier ses bières sans alcool aromatisées.
Côté perspectives, Elyes Fakhfakh a déclaré : « L’année 2025 s’inscrit dans un contexte international marqué par des incertitudes économiques et géopolitiques persistantes. Le ralentissement de l’économie mondiale, les tensions commerciales et les politiques économiques continueront d’influencer les marchés.
Sur le plan national, l’inflation et la pression sur le pouvoir d’achat demeureront des défis majeurs. Toutefois, la stabilisation progressive des prix observée en début d’année pourrait favoriser un redémarrage de l’activité économique.
Dans ce contexte, la société poursuivra ses efforts d’adaptation pour maintenir sa dynamique de croissance et préserver sa rentabilité. Le renforcement du réseau de distribution, l’optimisation des coûts et la modernisation des processus internes resteront au cœur de sa stratégie. Par ailleurs, les initiatives lancées en 2024, notamment en matière de transformation RH et d’amélioration logistique, devraient commencer à porter leurs fruits en 2025, renforçant ainsi la compétitivité de l’entreprise.
En parallèle, une étude de diversification et de croissance externe, notamment par acquisition, sera engagée afin d’explorer de nouvelles opportunités.
Grâce à une gestion rigoureuse et une vision stratégique alignée sur l’évolution du marché, la société abordera 2025 avec l’ambition de consolider ses acquis et d’accélérer son développement. »
Malgré des facteurs imprévus qui ont fortement impacté son activité, la SFBT est parvenue à stabiliser ses résultats en 2024. L’année 2025 s’annonce plus difficile, mais le management s’engage à déployer tous les efforts nécessaires pour améliorer les performances.
Imen NOUIRA

