
Dans le cadre de l’adoption d’une attitude "patriotique exemplaire", et conformément à la déclaration du chef de l’Etat, Kaïs Saïed, de février 2022, la Télévision nationale a entamé la diffusion d’une émission spéciale totalement dédiée au débat entre les jeunes et des militants de la société civile tels que Boutheina Ben Kridis. Oui, chers téléspectateurs et téléspectatrices, être membre de la campagne "explicative" du président de la République fait de vous un militant et un activiste !
Cette nouvelle émission s’intitule « Le Dialogue avec vous ». Elle porte exclusivement sur la présentation de la consultation nationale (d’ailleurs pourquoi n’a-t-on pas choisi de l’appeler ainsi ?). Elle est diffusée, de façon hebdomadaire, depuis le début du mois de février. L’émission garantit un espace d’expression exclusivement dédié au projet du président. Durant les quatre épisodes diffusés, la direction de la Télévision nationale a utilisé l’argent du contribuable pour promouvoir la consultation nationale et servir l’image médiatique des sympathisants de Kaïs Saïed et membres de la campagne explicative.
On notera que Boutheina Ben Kridis a été invitée en tant que panéliste contrairement aux opposants au président de la République et à son projet. A quoi s’attendre d’une institution affiliée à la présidence du gouvernement et sous une emprise claire de Carthage ?
La direction de la Télévision nationale a, donc, choisi de convaincre les Tunisiens, usant du service public, de l’importance d’opérer selon de nouvelles méthodes, même si nous avions dans le passé expliqué que Kaïs Saïed n’était pas l’inventeur des consultations et que celle-ci n’était pas la première en son genre en Tunisie.
Bien évidemment, Boutheina Ben Kridis n’a pas manqué de souligner la symbolique de la consultation dans ce grand processus de réformes. Quelle que soit la question adressée par le public, la réponse tournait autour de trois phrases à formulation générale : un rappel de l’instabilité politique de la période d’avant le 25 juillet, l’importance du dialogue et un futur meilleur.
A aucun moment, la panéliste n’a expliqué les structures ou les mécanismes à créer ou à mettre en place dans le cadre de la consécration de la volonté du peuple, même si ce dernier avait choisi de ne pas participer à la consultation nationale. D’ailleurs, Boutheina Ben Kridis a eu l’audace d'affirmer qu’il s’agissait d’une consultation populaire qui reflétera l’avis des tous les citoyens alors que le nombre de participants n’avait pas dépassé les 250 mille personnes, soit moins de 3% de la population tunisienne.
« La révolution de 2011 est une révolution culturelle… Il est temps d’y penser ! », a ajouté Boutheina Ben Kridis à la fin de ce spectacle de très mauvais goût. Mais de quelle culture parle-t-on ? Celle de la politique du président et du gouvernement Bouden basée sur l’exclusion, de l’absence de dialogue et du manque de transparence.
La seule conclusion, la réelle est celle de la soumission d’une entreprise publique au pouvoir politique et l’absence de valeur ajoutée du pseudo-dialogue sans queue ni tête.
Cet épisode n’est pas le premier en son genre. Plusieurs personnes avaient déjà constaté l’absence d’invités de l’opposition lors des émissions à caractère politique. Ce constat avait été confirmé par le président du Syndicat national des journalistes tunisiens (SNJT), Mehdi Jelassi. Il avait affirmé, dans une déclaration médiatique du 11 janvier 2022, que le pouvoir en place a interdit aux médias publics d’inviter les représentants de partis politiques.
De son côté, la vice-présidente du SNJT, Amira Mohamed, a dénoncé une gestion catastrophique de la Télévision nationale. Elle a affirmé que la chargée de gérer l’établissement, Awatef Dali, avait décidé de s’en prendre à l’équipe du bulletin d’informations.
Amira Mohamed a indiqué que Awatef Dali poussait les journalistes à limiter le contenu à de la propagande et à des sujets légers. La directrice par intérim de la Télévision nationale, aurait refusé toute tentative de réforme et se contentait de provoquer des disputes et des accrochages entre les journalistes.
S.G
Nous payons volontairement des chaînes de télévision qui se moquent de nous, n'est-ce pas ?

