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Révolution, An I - Unité contre Ben Ali, diversité dans la construction de la Tunisie

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Une ambiance de fête, jamais vue auparavant, a caractérisé l’avenue Habib Bourguiba à Tunis ce 14 janvier 2012. Les manifestations politiques ont été les premières à donner de la voix depuis le milieu de la matinée et on a craint le pire.
Pancartes, banderoles et autres slogans de tous bords ont envahi l’avenue. Des contenus antagonistes étaient annoncés et on croyait que des incidents allaient éclater entre les deux bords. Celui qui défendait les réformes du gouvernement et celui qui contestait le même gouvernement, tout en se réclamant tous les deux de la révolution. Mais, l’espace-Tunisie s’est révélé suffisamment large et vaste pour contenir cette diversité. Un point de plus en l’honneur et à l’actif de la Révolution tunisienne.
Jeunes et moins jeunes ont donc pris d’assaut l’avenue Habib Bourguiba à Tunis dès les premières heures du 14 janvier 2012. Personne ne veut, en effet, rater la commémoration du 1er anniversaire de la Révolution, surtout ceux qui n’étaient pas là une année plus tôt. Certains y sont même descendus la veille pour manifester contre la venue de l’Emir du Qatar et déclarer leur attachement à la poursuite du processus révolutionnaire, loin de toute mainmise ou soumission à une quelconque puissance étrangère.
Le ministère de l’Intérieur avait déjà, depuis la veille, annoncé l’interdiction de la circulation sur l’avenue Habib Bourguiba, s’attendant à cette marée humaine, largement plus nombreuse que celle du 14 janvier 2011. Il y a l’esprit d’hommage à la Révolution, de la fêter avec la quiétude en plus. L’année dernière, la foule n’était pas à l’abri de la violence des forces de l’ordre et la manifestation avait dégénéré. Un an après, les Tunisiens sont là pour fêter leur Révolution et ils sont parvenus à éviter l’affrontement malgré les différences des propos.
Ce qui s’est passé le 14 janvier 2012 sur la grande artère de Tunis a reflété la possibilité de coexister dans la différence en Tunisie. Chacun a pu fêter à sa manière cette journée. Chacun a eu la possibilité de scander ses slogans et de lever haut ses pancartes et ses drapeaux. Le sourire était sur tous les visages à l’exception de ceux dont les porteurs n’aiment pas la vie.

En milieu de journée, les manifestations politiques ont cédé leur place à des activités culturelles et des cercles de discussion. L’avenue Habib Bourguiba s’est transformée en un mélange du ‘Hyde Park’ londonien et du quartier latin parisien. Des groupes discutent du politique alors que d’autres développent des expressions artistiques. D’autres encore ‘trinquent’ à la santé de la Révolution. Des tableaux divers mais grandioses reflétant la large dimension de ce 14 janvier.
L’un des tableaux les plus significatifs a été, sans conteste, celui d’un salafiste bradant son drapeau et discutant avec des jeunes à force de versets coraniques, à quelques pas d’un bar où des citoyens picolaient tranquillement. Un tableau dont l’esprit traduit la diversité de cette Tunisie et, surtout, une grande assimilation du respect de l’autre dans sa différence.
Les manifestations de cette journée historique ont également informé les observateurs et le monde politique sur quelques nouvelles caractéristiques du citoyen lambda qui est descendu dans les rues. D’abord, concernant le niveau d’apprentissage politique en Tunisie. A ce titre, un observateur étranger politisé a comparé l’opposition entre les jeunes d’Ennahdha et ceux du POCT à celle de deux virages dans un stade de Football, tellement les rythmes des slogans sont similaires. Certains contenus de slogans ont frôlé le dénigrement. Mais, bon, la politique ne s’apprend pas du jour au lendemain.
Ensuite, cette journée a donné un aperçu sur les différents groupes politiques actifs en Tunisie et qui sont parvenus à s’implanter au sein de la population. Ainsi, Ennahdha a prouvé encore une fois sa capacité de mobilisation. Mais, fait intéressant, Ennahdha n’était pas seule sur le terrain. La mouvance démocratique et progressiste a marqué son territoire et il n’était pas du tout négligeable. Encore faut-il qu’elle soit aussi active lors des échéances électorales.
Il y a également lieu à observer enfin que le peuple tunisien a valorisé cet événement du 14 janvier et il est descendu dans la rue comme il ne l’avait jamais fait auparavant. Toutes les couches sociales et tous les âges étaient là, preuve de l’intérêt qu’ils accordent désormais à cet événement. Un tel constat indique que la chose publique fait désormais partie de l’espace citoyen.
Tous ces phénomènes sont certes encore dans leur stade préliminaire. La Tunisie ne fait qu’aborder les premiers pas de l’édification de sa Révolution. Tout reste pratiquement à faire, notamment, une feuille de route des mesures à prendre sur le plan économique et une loi de finances complémentaire, plus adéquate aux perspectives réelles de l’année 2012.
Toutefois, les festivités du 14 janvier ont donné une bouffée d’oxygène à toute la population
Mounir Ben Mahmoud
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