
Le dernier recensement national révèle l’existence de 800.000 logements vacants en Tunisie. Ni vendus ni loués, ils incarnent l’absurdité d’un marché immobilier à l’arrêt, où les prix se maintiennent artificiellement hauts, malgré une demande en berne et des promoteurs en crise. Le secteur, pourtant vital pour l’économie, s’enfonce dans une impasse dont personne ne semble vouloir sortir.
La publication des résultats du recensement national, samedi dernier, a mis en lumière un chiffre stupéfiant : 800.000 logements sont aujourd’hui vacants en Tunisie. Autrement dit, près d’un million d’unités prêtes à l’usage, mais sans occupant. Ni vendus, ni loués. Et pourtant, malgré cette offre surabondante, les prix de l’immobilier restent figés à des niveaux déconnectés du pouvoir d’achat des Tunisiens.
Dans n’importe quelle économie normale, une telle situation devrait mécaniquement conduire à une baisse significative des prix. L’immobilier, comme n’importe quel marché, obéit en principe à la loi de l’offre et de la demande. Or, en Tunisie, cette loi semble suspendue. Les logements s’entassent, les invendus s’accumulent, les sociétés immobilières plongent… et les prix, eux, s’obstinent à ne pas reculer.
2024, année noire pour les promoteurs
L’année 2024 a été une véritable hécatombe pour les sociétés immobilières cotées à la Bourse de Tunis. Les chiffres sont éloquents :
Sits a vu son chiffre d’affaires chuter de 33,46%, avec un effondrement trimestriel de 90,5%.
Essoukna a quasiment disparu du radar, avec une baisse de 94,58%.
Simpar, considérée comme l’un des leaders du secteur, a perdu 65,3% de ses revenus.
Et l’année 2025 n’a pas mieux commencé pour tout le monde. Au premier trimestre, Sits poursuit sa chute avec un recul de 34%, tandis que Simpar s’effondre, passant de 1,24 million à 60.000 dinars de chiffre d’affaires. Seule Essoukna affiche un rebond spectaculaire, mais il reste à confirmer. Car une hirondelle ne fait pas le printemps, surtout dans un secteur structurellement bloqué.
Une fiscalité dissuasive qui étrangle la demande
Comme si la situation n’était pas déjà assez critique, l’État avait choisi d’enfoncer un peu plus le secteur en augmentant la TVA de 13 % à 19 % sur les biens immobiliers résidentiels. Heureusement, les députés ont décidé, lors de l’adoption de la loi de finances 2025, de ramener ce taux à 7 % pour les biens immobiliers destinés à l’habitation, construits par des promoteurs immobiliers et dont le prix ne dépasse pas 400.000 dinars. Cette mesure permettra, in fine, aux citoyens tunisiens d’économiser jusqu’à 20.000 dinars lors de l’acquisition d’un logement neuf, selon les déclarations du directeur général de l’Habitat au ministère de l’Équipement, Nejib Snoussi.
Cela dit, le fiscaliste Mohamed Salah Ayari estime que cette réduction n’est pas suffisante et que la mesure devrait être étendue aux biens d'une valeur allant jusqu’à 500.000 dinars.
Dans un marché déjà sinistré, cette fiscalité alourdie achève une demande déjà paralysée par la hausse des taux d’intérêt, la frilosité des banques et la baisse du pouvoir d’achat.
Des entraves administratives qui paralysent le marché
Alors que les promoteurs immobiliers subissaient déjà des retards importants causés par les prestataires de services publics (Steg, Sonede, gouvernorats, Onas, Protection civile, etc.), sans parler de ceux liés à l’obtention des différentes autorisations — avec des délais d’attente dépassant souvent les six mois —, ils font aujourd’hui face à une nouvelle entrave : le refus de signer les PV de récolement par les secrétaires généraux des municipalités.
Rappelons que le président de la République, Kaïs Saïed, avait annoncé en mars 2023 la dissolution de l’ensemble des conseils municipaux. Or, jusqu’à présent, aucune élection municipale n’a été organisée. Les secrétaires généraux, comme plusieurs autres responsables de l’État, refusent ainsi de signer certains documents et de prendre des responsabilités, de peur d’être ultérieurement poursuivis en justice.
Le hic, c’est que les promoteurs ont actuellement des logements prêts à la vente, mais se trouvent dans l’incapacité de les commercialiser, les procédures administratives n’étant pas achevées.
Résultat : leur cycle, déjà long, s’allonge encore. Parallèlement, les charges financières — notamment les frais d’emprunt — explosent, d’autant plus que le taux directeur reste élevé, engendrant des coûts supplémentaires qui se répercutent sur le prix final des logements. Ce qui plonge les professionnels dans un véritable cercle vicieux.
Des prix qui n’obéissent plus à aucune logique
Les données du site spécialisé Mubawab le confirment : les prix de l’immobilier évoluent plus lentement que l’inflation. En d’autres termes, en valeur réelle, l’immobilier perd de sa valeur – sauf que cela ne se traduit pas par des baisses visibles pour les acheteurs.
Quelques exemples :
Gammarth : +6,14 %
Jardins de Carthage : +4,14 %
Raoued : +1,38 %
Borj Cedria : baisse de 5,86 %
Même dans les quartiers les plus huppés du pays, les prix augmentent moins vite que l’inflation, ce qui révèle une perte de valeur masquée par l’illusion de stabilité.
Une concentration de logements… au mauvais endroit
Certes, le recensement national révèle l’existence de 800.000 logements vacants en Tunisie, mais le document ne précise pas leur localisation exacte. Il faut dire qu’avec les profondes mutations démographiques, la population tunisienne est de plus en plus concentrée dans les grandes villes, notamment dans les gouvernorats de Tunis, Sfax, Nabeul et Sousse.
Cette concentration se traduit par une forte densité de population, en particulier dans le gouvernorat de Tunis, qui a atteint en 2024 un record de 3.734 habitants par km², la plus élevée à l’échelle nationale.
Il en ressort donc que les habitants des grandes villes peinent à trouver un logement, alors même que de nombreux logements vacants existent… mais ailleurs.
Le marché immobilier est malade… et sous respirateur artificiel
Il faut se rendre à l’évidence : le marché immobilier tunisien est en coma artificiel. Les promoteurs s’accrochent à des prix irréalistes, préférant laisser pourrir des biens vides plutôt que d’en réduire la valeur faciale, mais ne pouvant faire autrement pour couvrir leurs coûts et rembourser leurs emprunts. L’État, censé réguler, injecter de l’oxygène ou au moins éviter l’asphyxie, choisit au contraire d’alourdir la fiscalité et de complexifier l’accès au logement. Et les Tunisiens, eux, regardent tout cela se figer, sans pouvoir ni acheter, ni louer, ni espérer.
Dans n’importe quel pays soumis à la loi du marché, un tel déséquilibre aurait déjà conduit à un krach. On l’a vu en Espagne, où la bulle immobilière des années 2000 a explosé en 2008, précipitant des centaines de milliers de logements invendus à des prix bradés, ruinant des promoteurs mais rendant les biens enfin accessibles aux classes moyennes. Il y a eu souffrance, faillites, reconversions. Mais le marché a purgé ses excès. Il s’est ajusté, parce que la loi économique l’y obligeait.
Rien de tel en Tunisie. Ici, la crise ne crève jamais. Elle s’installe, elle s’incruste, elle devient le nouvel équilibre. On attend un miracle hypothétique. On préfère paralyser tout un pan de l’économie, sacrifier des générations de jeunes Tunisiens qui ne peuvent pas se loger, pour maintenir des prix déconnectés de la réalité. Tout le monde sait que ça ne peut pas durer. Et pourtant, ça dure.
800.000 logements vacants. C’est plus que l’expression d’un marché saturé. C’est le symptôme d’un système sclérosé, nourri par la spéculation, entretenu par la passivité des autorités et légitimé par une société qui a fait de la pierre un totem, même si elle ne rapporte plus rien.
Si la Tunisie ne veut pas d’un effondrement brutal, elle devra tôt ou tard accepter la déflation des prix. Sinon, ce seront les jeunes, les familles, les classes moyennes et tout l’équilibre social du pays qui paieront l’addition de ce mensonge immobilier.
Maya Bouallégui


Cette fois-ci, je ne vous montrerais pas du doigt, les coupables, car ça m'épuise de le faire à longueur de journée.
Cependant, je vais vous donner quelques indices.
Ils sont tous liés aux subtils parfums exotiques qui régnaient en maitres absolus, dans les étables et dans les écuries de l'ex-bledistan !!
> Mesure phare recommandée :
> Créer un "coefficient de décote réglementaire" obligatoire sur les garanties immobilières inertes (non louées, non vendues) utilisé par les banques dans le refinancement ou provisionnement.
Cela forcera les banques à réévaluer les actifs à leur juste valeur de marché et à rompre le cercle vicieux de la spéculation passive.
Imaginons je suis un chirurgien tunisien , qui part en libye faire des operations chirurgicaux payé 10 000usd par jour , quel bien peux me permettre de blanchir 300 000 dinars rapidement , et + le bien est cher et mieux c est ;-) ca marche avec les rolex et les diamants de la communauté d anvers
Les promoteurs finiront ainsi par craquer et ne plus pouvoir maintenir des prix artificiels. Lorsque l inevitable crash aura lieu. , l etat devra subventioner des prix d achat realistes et raisonnables. En attendant l etat doit maintenir sa fiscalite et ne surtout pas aider indirectement au maintien de prix artificiels et grossier et contribuer indirectement a
l enrichissement absurde des promoteurs et a la paralysie du secteur immobilier. Le secteur immobilier dans sa forme actuelle pervertie, finira inevitablement par craquer et que ceux qui s attendent a des prix a abordables attendent un peu plus..
Avant, les pros de la place géraient le parc avec plus de prudence et de logique,sans être trop gourmands.
En fait, les nouveaux pro ont des assises financières très importantes qui leur permet d'accaparer le marché et éliminer les concurrents, ou les forcer à s'aligner
.
Voilà le résultat : 800.000 logements vides, généralement situés dans des "no man's zone" insipides, sans aucun caractère, ou le silence est roi, à l'atmosphère lugubre à la tombée de la nuit, sans aucune possibilité de vie sociale et encore moins culturelle (pas de cinémas, même en plein air, pas de théâtres, pas de musique et des cafés au style "copié-collés" aux standards européens de basse catégorie et affreusement chers pour le citoyen lambda).
En attendant et pour résoudre partiellement la crise du logement dans des zones où elle se fait particulièrement sentir, des réquisitions seront sans doute nécessaires pour que les bâtiments déjà construits ne dépérissent pas ou deviennent des zones de squat ou de beuveries clandestines.