
Pain, semoule, farine, riz, lait, café et beurre voici ce qui manque depuis des mois au couffin du Tunisien. Les pénuries successives excèdent, inquiètent, fatiguent les citoyens contraints à faire la queue, à se disputer un paquet de lait ou de sucre, à acheter ces produits « de base » comme on achète des denrées illicites, sous le manteau. Les scènes de chaos qui sont filmées dans les grandes surfaces sont dignes d’un état de guerre, tout cela pendant que les officiels rassurent, affirment que les quantités sont suffisantes, que c’est la frénésie qui cause la pénurie, que les charges arrivent, que tout va bien dans le meilleur des mondes…
Depuis que les pénuries ont pointé leur nez, les Tunisiens les affrontent par vagues. Comme dans un processus de deuil, d’une époque d’opulence passée, ils ont d’abord opté pour le déni, pensant que ce n’était que temporaire et que les choses allaient s’arranger très vite. Est venue ensuite la colère, contre les lobbies, le monopole, les corrompus puis contre le système tout entier. Les Tunisiens se sont alors mis à troquer leur confort contre des campagnes vindicatives et un discours profondément populiste : tant pis pour le ventre pourvu que les corrompus soient mis sous les verrous. La chasse aux corrompus n’a pas rempli les portefeuilles, ni les couffins, et la crise a plongé le pays tout entier dans la déprime et enfin dans la résignation.
Les vidéos et les photos de rangs interminables devant les boulangeries, de bagarres dans les supermarchés, d’attroupements devant les magasins, sont devenues si courantes, qu’elles ne semblent plus choquer personne. Les prix qui explosent ne sont plus rédhibitoires tant il est déjà difficile de trouver les denrées. On ne cherche même plus à comprendre d’où vient le problème tant on est désormais habitués à naviguer à vue. Aujourd’hui pour survivre dans le marasme et digérer l’intolérable, le Tunisien n’a plus que le choix d’en rire. C’est désormais ainsi qu’il appréhende la crise, en s’en moquant.
Sur les réseaux sociaux on rivalise d’ingéniosité pour lancer la blague qui deviendra virale ou la photo la plus hilarante. On se filme en plein périple pour acheter la farine et le sucre comme on achèterai de la drogue, on propose d’échanger un frère ou une sœur contre un paquet de riz, on photographie ses provisions rangées comme un butin, on rigole de risquer de se faire prendre et accuser de monopole si l’on détient un pack de lait, on prend des clichés de paquet de farine à côté d’une bouteille de champagne et chaque jour on voit défiler sur Facebook des tas de plaisanteries tristement drôles.
@Crédit vidéo: Si Zak
C’est que le Tunisien est ainsi fait. Il est résilient et son humour est à toute épreuve. Il peut se battre pour un paquet de lait et arriver à la caisse content d’être parvenu à l’avoir, il peut regarder avec un certain détachement les drames qu’il subit au quotidien, il peut se dire que faire la queue pour une baguette est désormais normal et faire avec, il peut faire avec tout. Le florilège de facéties qu’on trouve sur les réseaux en atteste bien. Ne dit-on pas, après tout, qu’on peut bien rire de tout…
Myriam Ben Zineb

Et ce n'est que le début .
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Il saura régler le problème de la Palestine...