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Crise des viandes rouges : la Tunisie importe alors que son cheptel s’exile en Algérie
29/01/2025 | 13:00
6 min
Crise des viandes rouges : la Tunisie importe alors que son cheptel s’exile en Algérie

 

Alors qu’elle était souvent autosuffisante, la Tunisie se voit obligée aujourd’hui d’importer de la viande rouge. Où sont nos éleveurs, où est notre cheptel ? Il a été vendu en Algérie, les éleveurs ne pouvant plus supporter l’interventionnisme de l’État qui leur a causé des déficits et des pertes sèches.

 

Depuis plusieurs années, la filière des viandes rouges en Tunisie traverse une crise profonde. Entre la flambée des prix, la baisse alarmante du cheptel et l’exode des éleveurs vers l’Algérie, le marché tunisien peine à répondre à la demande des consommateurs. Une situation qui, loin d’être le fruit d’un simple contexte économique mondial défavorable, est largement imputable aux politiques étatiques inefficaces et aux décisions hasardeuses du gouvernement tunisien sous le régime de Kaïs Saïed. À force de vouloir tout contrôler, l’État a fini par plomber un secteur qui, auparavant, fonctionnait relativement bien.

 

Une envolée des prix qui pénalise les consommateurs

Les prix des viandes rouges n’ont jamais été aussi élevés en Tunisie. Le kilo de viande bovine se vend en moyenne à 42 dinars, tandis que la viande ovine oscille entre 42 et 48 dinars, atteignant même 51 dinars pour certaines pièces nobles. Cette flambée des prix s’explique par plusieurs facteurs, notamment l’augmentation du coût de l’alimentation animale et la diminution du cheptel national.

Malgré la mise en place d’initiatives comme l’importation de viandes réfrigérées pour tenter de réguler les prix, le marché reste totalement déséquilibré. La première cargaison importée en 2025, comprenant vingt tonnes de viande de veau, est proposée entre 26 et 35,5 dinars le kilo. Une solution temporaire qui ne résout en rien le problème de fond : l’effondrement de la production locale.

 

L’exode des éleveurs vers l’Algérie : un symptôme alarmant

Face à la hausse du coût des fourrages et à une politique de fixation des prix qui les empêche de rentabiliser leur activité, de nombreux éleveurs tunisiens ont choisi l’exil économique. Depuis 2022, plusieurs centaines d’éleveurs ont traversé la frontière pour vendre leurs bovins en Algérie, où les prix de la viande sont plus attractifs. L’ampleur du phénomène est préoccupante : chaque jour, près de 250 bovins tunisiens passeraient illégalement en Algérie, privant la Tunisie de son cheptel et accélérant la crise locale.

Selon le journal électronique algérien TSA, réputé pour son sérieux, ce phénomène paradoxal survient alors que, pendant des années, c’étaient les troupeaux algériens qui migraient illégalement vers la Tunisie. Aujourd’hui, la tendance s’est inversée et les éleveurs tunisiens préfèrent vendre leurs bêtes à l’étranger plutôt que de subir les pertes imposées par l’État tunisien.

 

Une gestion étatique catastrophique qui étrangle la filière

Comme pour de nombreux autres secteurs, l’interventionnisme étatique a contribué à aggraver la situation au lieu de l’améliorer. La fixation des prix du lait, par exemple, a poussé les éleveurs à vendre leurs vaches laitières en Algérie. L’absence de réformes structurelles a également accéléré la chute de la production nationale. Le cheptel bovin est ainsi passé de 646 000 têtes en 2013 à 380 000 en 2024, tandis que le cheptel ovin a chuté de 6,8 millions à 4 millions sur la même période.

L’exemple de l’Office national des fourrages illustre parfaitement l’incapacité de l’État à gérer la crise. Créé en janvier 2024, cet organisme avait pour mission de stabiliser le marché des aliments pour bétail et d’en garantir l’approvisionnement. Pourtant, un an plus tard, il n’avait toujours pas commencé à fonctionner efficacement. Ce n’est qu’en janvier 2025 que son PDG a été nommé, illustrant l’inefficacité administrative et le manque de réactivité des autorités.

 

Les solutions du gouvernement : inefficaces et coûteuses

Face à cette crise, le gouvernement a multiplié les décisions inefficaces. La réduction temporaire des droits de douane sur l’importation de viandes rouges jusqu’en 2027 est l’une de ces mesures. Si cette initiative permet de stabiliser les prix à court terme, elle ne règle en rien la question de la production nationale et accroît la dépendance du pays aux importations en devises.

Par ailleurs, la mise en place de quotas et de plafonds de prix, sans aucune concertation avec les professionnels du secteur, a détruit l’équilibre économique des éleveurs. Le président de la Chambre des bouchers, Ahmed Laâmiri, a plusieurs fois dénoncé l’inaction des autorités et leur déconnexion totale des réalités du marché. Selon lui, les décisions du gouvernement sont prises sans tenir compte des besoins des professionnels, entraînant des pénuries et une explosion des prix.

 

L’interventionnisme d’État : un schéma d’échec répété

Ce n’est pas la première fois que l’État tunisien, sous Kaïs Saïed, précipite un secteur dans la crise. L’interventionnisme excessif et les décisions mal calibrées ont déjà mis en péril d’autres filières essentielles tels le le pain, la farine, le café, l’huile d’olive, le lait, etc.

Chaque fois que l’État tunisien s’immisce dans un secteur, il le plombe. L’exemple des viandes rouges illustre une fois de plus l’échec d’un modèle centralisé et bureaucratique qui empêche les mécanismes du marché de fonctionner normalement.

 

Réformes nécessaires : comment sauver la filière avant qu’il ne soit trop tard ?

Pour sortir de cette impasse, des réformes structurelles s’imposent. La première urgence est d’encourager les éleveurs à rester en Tunisie en leur garantissant un cadre économique viable. Cela passe par la libération des prix, une régulation plus intelligente du marché et une réforme profonde des politiques agricoles.

Ensuite, l’Office national des fourrages doit jouer un rôle actif dans la stabilisation des coûts de production. Son inertie actuelle ne fait qu’aggraver la crise. De plus, le gouvernement doit repenser sa politique d’importation pour éviter une dépendance excessive aux viandes étrangères, qui fragilise encore davantage la filière locale.

Enfin, un dialogue réel avec les acteurs du secteur est indispensable. Les décisions unilatérales, prises dans les bureaux des ministères sans consultation des professionnels, ont montré leurs limites. Il est temps d’écouter les bouchers, les éleveurs et les agriculteurs pour élaborer des politiques adaptées à la réalité du terrain.

 

Un modèle économique à repenser pour éviter un effondrement total

La crise des viandes rouges en Tunisie est le résultat direct d’une mauvaise gestion étatique et d’un interventionnisme mal maîtrisé. Plutôt que de soutenir les éleveurs, l’État les a poussés à l’exode, privant ainsi le pays d’une production nationale pourtant autrefois suffisante. À défaut de réformes profondes, la situation continuera de se détériorer, et les consommateurs tunisiens seront les premiers à en subir les conséquences. L’histoire récente montre que dès que l’État tunisien met la main sur un secteur, il en accélère le déclin. Il est urgent d’en tirer les leçons avant que la filière des viandes rouges ne devienne un nouveau symbole de l’échec économique du régime en place.

 

Maya Bouallégui

29/01/2025 | 13:00
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Commentaires
Hamza Nouira
Et bien....
a posté le 31-01-2025 à 08:19
Mais non arretez le pessimisme BN. Il y a eu des élections non?
Les décisions économique sont donc prises avec beaucoup de réflexion....
Le bonheur va encore durer 5 ans :)
EL OUAFFY Y
Qui est le premier concerné a prendre les mesures pour stopper ces crises qui non jamais existés en Tunisie.
a posté le 30-01-2025 à 23:37
Est ce que le président est informé de ces crises qui non jamais existés durant la résidence de Ben Ali ? Il faut assumer les conséquences de ladite révolution avant cette révolution toute était stable et les éleveurs des animaux étaient encouragée et motivés par le Ministre de L agriculture qui était libre d'exercer ses prérogatives sans L ingérence de quiconque
le financier
personne ne produit pour perdre de l argent
a posté le 30-01-2025 à 07:36
Tout mes amis agriculteurs ont arrêté depuis 2ans de faire du lait de la viande veau boeuf vache et ont arrêté de faire de la batata a cause de KS qui block les prix .
Car ils produisent a perte , tout a augmenter concernant la nourriture de ces betes sans parler l essence et les salaires et kassoune que les agriculteurs doivent s appauvrir travailler pour rien, les leves tot et courageux doivent faire plaisir a ceux qui dorment au café et qui se bourre la gueule .
Donc ils ont arrêté et la tunisie importe de la merde pas cher mais plein d hormone de croissance et autres chose , apres vous vous etonnez des cas de cancer
Assla
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a posté le 29-01-2025 à 20:31
Ici à Annaba (Algérie), je rencontre régulièrement des Tunisiens qui viennent faire leurs emplettes dans les différents Malls ; ils achètent '?eaucoup de produits et entre autres de la viande bovine fraîche (18 TND/Kg) ainsi que la viande ovine fraîche (26 TND/Kg) importées d'Espagne, donc il est clair que le trafic se fait dans les deux sens !
Wissem
Et au Kef
a posté le à 06:38
Au Kef aussi on rencontre énormément d'Algériens qui font leur emplettes...
EL OUAFFY Y
Mieux si c est Tunisiens pays leurs achats en devis.
a posté le à 10:25
@ Wissem : Est ce que ces Algériens sont au courant qu un grand écrivain :Ben Brik Tewfik Zoghlamy avait confirmé qu il n' y a pas de distinction entre Algérien voisin et Tunisien pour lui la majorité de son tribue se trouve en Algérie ça nous rappelle D un certain Zoghlamy propriétaire D un café chic a côté des édifices Romain le Soure à TEBESSA un lieu Touristique par excellence et les Touristes Tunisiens pourront s assurer de ce que je dis .
le financier
URSS de KS
a posté le 29-01-2025 à 15:09
Article complet rien a rajouter , l incompetence et le dogme communiste menera a la haine les rancoeur et a une révolution violente et sanguinaire.
Bcp voudront se venger de ces incompetents
EL OUAFI
Les professionnels de la contrebande
a posté le à 21:21
Suivant les actualités, et tout ce qu'a étais établi, les agriculteurs étaient en manque à l'obtention de beaucoup de produits pour nourrir leurs bétails,et c'est du à quoi d'après vous ?
Le tout simplement, il y avait des LOBBYSTES derrière ce manège !
Et le tunisien tellement cupide, il vend son cheptel au plus offrant.
Ils ont trouvé le filon chez nos amis les Algériens !
Sans jugeote il plonge sans réfléchir, ce qui compte pour lui c'est le présent, la tune !
Son pays il s'en fout éperdument !
Ce qui explique la baisse du cheptel, bovins ou ovins et même les autres espèces. << moutons, chèvres etc . . .
EL OUAFI
Ya ci le financier
a posté le à 21:04
(une révolution violente et sanguinaire.
Bcp voudront se venger de ces incompetents)
Qu'est ce que vous voulez par ceci ?
Incitation à la rébellion, à la haine à la désobéissance et quoique encore, vous n'avez pas oublier autre chose ?
J'ai trouvé pour vous une bonne idée, pour que vous seriez plus connu et leader d'un groupe, d'un mouvement etc . . .
Qu'est vous en dites ?
Slim
Incompétence sur tous les niveaux
a posté le 29-01-2025 à 14:06
Depuis des décennies le contrôle de l'exode des bovins se fait par des systèmes de micropuces liés au gps qui te donne la position de chaque bête en temps réel en plus d'autres informations. Il existe beaucoup de solutions pour soutenir le fourrage, comme la production de l'azola très riche en protéines et dont le rendement est très rapide et surtout très très facile à cultiver et de l'orge germé ('?'?' '?'?'?') dont l'apport nutritif est prouvé et sa production est abondante et ne nécessite pas de larges domaines. Le pays est dépourvu de compétences