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Consensus : Le vilain remake de 2014
14/11/2019 | 19:59
5 min
Consensus : Le vilain remake de 2014

 

L’élection de Rached Ghannouchi à la tête du parlement n’est pas une surprise. Ce qui l’est par contre est qu’il y parvienne grâce aux voix des élus de Qalb Tounes, un parti dont les leaders ont toujours clamé leur opposition à Ennahdha. Ce sont les prémices d’un nouveau consensus entre les deux forces politiques du pays. Mais dans une version bien moins glamour que celle de 2014 entre Ennahdha et Nidaa Tounes.

 

Dimanche 29 septembre 2019 à Médenine, le chef du parti islamiste Ennahdha est en campagne. Il explique à ses troupes la philosophie du consens en 2014. Pour lui, le parti Ennahdha est arrivé deuxième aux élections devant un parti antirévolutionnaire qui incarne le retour de l’ancien régime. Donc, il a fallu s’allier avec Nidaa Tounes pour, en réalité, l’empêcher de nuire et protéger la révolution. Il a même donné l’exemple d’un combat de boxe où l’un des boxeurs est un peu moins fort que l’autre, donc il choisit de coller son adversaire pour réduire sa force de frappe.

Ce brillant exposé de stratégie politique a, semble-t-il, échappé aux leaders et aux élus de Qalb Tounes qui ont voté, en totalité, en faveur de Rached Ghannouchi à la tête de l’Assemblée des représentants du peuple. Eux qui ont basé le gros de leur campagne sur la dénonciation du consensus de 2014 et ont fait porter la responsabilité de la situation à cette entente et au parti Ennahdha, ont échoué au premier test. Il a suffi de la première « difficulté », qui est l’élection du président de l’ARP, pour que les diatribes endiablées de la campagne n’aient plus aucun sens.

 

Il est difficile d’imaginer que Nabil Karoui et son parti Qalb Tounes n’aient pas négocié de contrepartie avec Ennahdha en échange de leur vote à l’ARP. Ennahdha soutient mordicus que les négociations concernant l’ARP et celles concernant le gouvernement sont deux cheminements distincts qui ne s’influencent pas l’un l’autre. Cependant, dans un communiqué daté du 11 novembre 2019, le parti Qalb Tounes invitait toutes les parties prenantes à « unifier les négociations parlementaires et gouvernementales pour garantir l’équilibre politique et éloigner le spectre de la domination ». Alors sur quelle base a eu lieu l’arrangement d’hier si l’on exclut que les négociations ont porté sur le parlement ET le gouvernement ?

 

Même si le parti Qalb Tounes ne date que de quelques mois, il serait difficile de supposer chez eux la naïveté nécessaire pour se faire totalement arnaquer par le parti Ennahdha. Donc il y a forcément une contrepartie dans cette négociation. Le premier indice de l’existence d’une telle transaction est l’élection, dans la foulée, de Samira Chaouachi en tant que vice-présidente de l’ARP.

Le revers de la médaille est le sentiment de trahison ressenti par les électeurs des deux camps. Les électeurs de Nabil Karoui et de Qalb Tounes espéraient voir un parti fort qui s’opposerait à la mainmise des islamistes sur les rouages de l’Etat. Les leaders de ce parti ont surfé sur cette vague en diabolisant Ennahdha et ses alliés comme Tahya Tounes et particulièrement Youssef Chahed. C’est sur cette base que le parti a pu obtenir les 38 sièges à l’ARP qu’il semble vouloir rentabiliser pour la formation du gouvernement.

De l’autre côté, les électeurs d’Ennahdha se sont mobilisés pour contrer la corruption que peut représenter Nabil Karoui. Les leaders du parti, et à leur tête Rached Ghnnaouchi, avaient exclu toute alliance avec un parti sur lequel « il existe des soupçons et des accusations de corruption ». Pourtant, le même Rached Ghannouchi n’a éprouvé aucune vergogne à profiter des voix des « corrompus » pour monter en haut du perchoir en lâchant un laconique « il n’y a que les imbéciles qui ne changent pas d’avis ».

Cette volte-face a provoqué, dans un premier temps, la démission de Abdelaziz Belkhodja qui a décidé de claquer la porte suite au choix fait par la direction du parti de soutenir Rached Ghannouchi. Dans un second temps, cette alliance nouvelle a provoqué des remous au sein d’Ennahdha, particulièrement lors de la réunion du conseil de la Choura qui a lieu le 14 novembre. Plusieurs leaders influents du parti voient d’un mauvais œil cette alliance et ne supportent pas la supercherie. La pastille est bien trop grosse à avaler, même pour des leaders de premier rang du parti islamiste.

 

Evidemment, les éléments de langage vont fuser dans les prochains jours pour faire passer cette alliance. Le premier, commun aux deux nouveaux alliés, est d’accuser Attayar et le mouvement Echaâb d’avoir poussé vers cette alliance en refusant de faire des concessions sur leurs revendications. L’objectif est de privilégier l’intérêt de l’Etat.

Ennahdha a confié cette mission à la coalition Al Karama qui s’occupe de dénigrer les deux partis d’opposition avec une grande minutie. Ceci nous rappelle la stratégie adoptée par Nidaa Tounes en 2014 qui ne cessait de répéter qu’il était obligé de s’allier avec Ennahdha puisque le Front populaire refusait de faire partie du gouvernement. Les deux partis vont également réfuter le terme d’alliance et vont mettre en avant des termes comme « coordination parlementaire ». L’autre élément de langage, sans grande originalité, sera celui du respect de la volonté du peuple à travers le résultat exprimé par les urnes. Donc, cette division des poids entre les différents acteurs politiques les obligerait à s’allier et à collaborer. Mais cet argument n’est pas recevable puisque la volonté populaire a voulu punir tous ces partis. Il suffit de voir le résultat du vote pour la présidentielle en faveur de Kaïs Saïed. S’il fallait respecter la même fameuse « volonté populaire », Nabil Karoui devrait arrêter de faire de la politique, ce qui est un non-sens.  

 

Nous nous dirigeons à pas décidés vers une nouvelle troïka qui sera composée par Ennahdha, Qalb Tounes et la coalition Al Karama. La séparation des cheminements, parlementaire et gouvernemental, n’est qu’une chimère qui permet de gagner du temps. Par conséquent, ceux qui votent ensemble gouverneront ensemble, aussi élaborés puissent être les éléments de langage et les argumentaires fallacieux.

 

Marouen Achouri

 

14/11/2019 | 19:59
5 min
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Commentaires (8)

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Olga
| 15-11-2019 12:57
Tu verras, tu verras
Tout recommencera, tu verras, tu verras
Le diable est fait pour ça, tu verras, tu verras- ET TU VOTERAS POUR MOI ET JE TE TROMPERAIS ENCORE UNE N ième FOIS-
.Je ferai le voyou, tu verras, tu verras- ET JE SERAIS LE GRANG LOUP QUI TE MANGERA;
" c'est la chanson de NOUGAROU un peu aménagée pour décrire le tunisien qui a voté contre nakba.

fethia
| 15-11-2019 12:23
Nabil Karoui a fait la prière des morts sur son parti qui ne date que de quelques mois. Bien sûr le but de NK et de son parti est un pouvoir éphémère et pas la pérennité de ce parti et puisqu'il est le parrain du consensus entre nidaa et nahdha il ne recule pas pour faire ce remake comme vous dites . Quand on est en face d'opportunistes c'est ça la scène qu'on vit car beaucoup d'électeurs tunisiens ne sont pas encore mûrs pour voter sans mêler leurs sentiments à leurs jugements. je ne m'étonne pas de voir Ghannouchi et Karoui s'allier car tous les deux sont partis maîtres dans le chantage: Ghannouchi instrumentalise la religion et Karoui instrumentalise la pauvreté et le besoin de ces gens, chantage affectif par excellence pour extorquer les voix de ces pauvres gens.
R'?SULTAT: le beau tableau que nous voyons devant nous.

LAM
| 15-11-2019 11:52
Ces députés se sont déjà fourvoyés. Ce ne sont pas des enfants. S'ils avaient eu une once de dignité, tout comme A. Belkhodja, ils auraient refusé de faire ce vote. Un parti est un ensemble d'individus ayant chacun sa propre identité. Si la Direction dévie des principes annoncés, alors on s'en démarque et on prend ses distances. Si l'on suit comme un mouton une décision contraire à ses principes, c'est qu'on est dénué soi-même d'honneur.
Dans ce cas de figure, le tourisme parlementaire prend toute sa dimension. Fidélité à ses propres électeurs et non à un chef de parti qui ne les respecte pas.

Ghazi
| 15-11-2019 10:46
Tout d'abord, je tiens à préciser qu'on a (45 personnes) adressés hier une lettre au siège du parti de NK, ainsi qu'à beaucoup de députés, Ci-après un tout petit aperçu très simplifié.

'Nous lançons un appel aux députés du parti de Nabil Karoui, renommé par les soins d'une partie de ses électeurs par le parti des 'Klebs Tounes' dirigé par Nabil Khaznadar : S'il vous reste un micron de dignité claquez la porte contre la gueule de ce fossoyeur qui a trahis ses électeurs sans aucuns remords, votre chef est un menteur et un arnaqueur, il a mis sa main dans la main d'un terroriste, qui a du sang sur le mains, qui n'a jamais eu de l'intérêt pour ce pays, qui hais ce pays, il n'a de loyauté que pour sa secte de faux musulmans et il s'est mis à son service, il lui a permis d'être présidentiable au poste de chef de l'état même, il lui a permis d'avoir tout le trousseau de l'état, des lois et des décisions.
Bravo Nabil Khaznadar'?'.

Vous (député(es)), je ne parle pas de Samira Chaouachi et Sofiene Toubal, ces deux grands voyageurs sont membres de ROTARI Club tellement ils trimbalent entre les partis (Là où il y a de l'argent), mais aux autres, vous êtes étiqueté (es) et la seule façon d'enlever cette étiquette et de quitter ce parti, ni les 3 milles dinars que vous aurez comme salaire ou les autres facilitées n'enlèveront cette étiquette, regardez autour de vous, vous avez plusieurs étiquetés venu(es) d'autres partis entre vous, où sont ils aujourd'hui ? Est-ce qu'ils peuvent sortir en TV ? Même dans la rue, il ne reste que leur cracher dessus. Votre Khaznadar n'a pas assimilé la leçon ne soyez pas comme lui.

Vous (député(es)) savez très bien que vous êtes sous le zoom, votre vie de 'député(e)' au sein de ce parti, pendant la période à venir va être tellement chiante que vous regretterai le jour où vous avez suivi Nabil khaznadar, et c'est une promesse de notre part.
Laissez tomber ce parti qui nuira davantage à votre réputation (Qui est déjà ternie) et chercher un autre parti ou une coalition qui ne se compose pas de brebis et de terroristes'.

Après ces 2 jours, beaucoup d'électeurs n'ont plus l'ombre d'un doute, que ce NK a exploité le décès de sont fils à d'autres fins.
On dit traître un jour, traître toujours, il l'a confirmé et il le vaut bien.

Bourguibiste nationaliste
| 15-11-2019 09:45
En apportant son soutien et celui de son parti, Nabil Karoui a trahi ses électeurs. Il a aussi piétiné les principes démocratiques qui n'ont que les apparences en Tunisie. Se faisant, Karoui a montré que les derrières les apparences, se cache un homme proche, voire très proches des islamistes. Il est même leur serviteur. Karoui ne recule devant rien, y compris en reniant ses engagements et ses déclarations. Il s'est moqué de ses électeurs. Ce qui l'intéresse, c'est échapper à tout procès en se prostituant auprès des islamistes. Les Tunisiens ne le restent plus que lancer un mouvement de protestation et de faire dégager les imposteurs et les traîtres à la patrie.

Maryem
| 15-11-2019 09:02
Voila encore une fois comment les electeurs de Kelb Tounis roulent leurs electeurs dans la farine...la trahison est manifeste.ils n ont que des interets a defendre ...les interets des citoyens tunisiens et de la Tunisie ils s en foutent largement....Avec BCE ce fut un accord secret a Paris entre Ghannouchi ...avec Nabil Karoui c etait une comedie macabre dont le scenario a ete prepare par le trio Ghannouchi/Chahed /Karoui......a vous de revivre les peripeties de ce scenario qui a abouti a une seconde escroquerie des electeurs...et pondu l oeuf du Tawafek Ennahdha/Kelb Tounis...il n y a que les imbeciles qui font la meme erreur..

TEB
| 15-11-2019 06:48
Et c'est pour quand vos excuses pour votre propagande a 2b pour ce parti mafieux? C'est la fuite en avant pour BN...

LAM
| 14-11-2019 21:47
"Les leaders de ce parti ont surfé sur cette vague en diabolisant Ennahdha et ses alliés comme Tahya Tounes et particulièrement Youssef Chahed. ".

Et ils ont bien été aidés en ce sens !