
Une série d’études, publiées par le centre Al Kawakibi et réalisées entre 2021 et 2024, met en lumière la place qu’occupe le tissu associatif tunisien dans l’économie locale ainsi que son poids réel face au manque d’informations et aux tentatives de diabolisation.
Ces dernières années, la Tunisie a été le théâtre de profonds changements politiques, mais aussi sociaux. Depuis 2011, le décret-loi 88 a été une véritable petite révolution. Cette loi garantit la liberté de constituer des associations, d’y adhérer, d’y exercer des activités et renforce le rôle des organisations de la société civile ainsi que leur développement et le respect de leur indépendance. Ce décret-loi a grandement contribué au développement de l’action associative en Tunisie, supprimant toute distinction liée à leur domaine d’activité.
Cette loi a joué un rôle important dans l’organisation des actions liées à la défense des droits de l’Homme et a donné un cadre plus confortable au travail associatif en Tunisie. Ceci a permis de développer la place qu’occupent les associations dans le quotidien des Tunisiens mais aussi dans leur économie.
Économiquement, en effet, les associations sont un acteur non négligeable, à lire les chiffres ressortant des études réalisées par le centre Al Kawakibi entre 2021 et 2024, et publiées en mars 2024. Le tissu associatif participe, en effet, à 1,66% du PIB national.
En matière d’emploi, les associations employaient en Tunisie quelques 12.368 personnes en 2015, d’après les statistiques de la CNSS. Ce chiffre est en augmentation moyenne de 4% chaque année, ce qui pourrait le ramener à 17.600 salariés et vingt mille stagiaires en 2024, soit un total de près de 38 mille employés. Un chiffre important lorsque l’on sait que les employés dans le domaine bancaire sont au nombre de vingt mille et que celui des industries manufacturières emploie près de 32 mille personnes (chiffres 2021). Par ailleurs, les associations participent aux caisses sociales à hauteur de plus de 92 millions de dinars.
Même si les associations ont une activité à vocation non lucrative, la valeur ajoutée qu’elles créent en Tunisie s’élève (selon l’étude de Fathi Lach’hab, 2018) à cent millions de dinars tunisiens. Le tissu associatif fait également participer de nombreux autres secteurs de manière indirecte comme les hôtels, restaurants, les agences de voyages, les services, le transport, etc.
Fiscalement, même si les associations ne payent pas d’impôts sur le revenu, elles restent assujetties à la TVA et paient les taxes de consommation, des frais douaniers et d’enregistrement. En Tunisie, et toujours selon cette étude, six mille associations font partie du tissu fiscal. Elles accomplissent leur devoir fiscal et déclarent leurs revenus.
Par ailleurs, le secteur associatif est considéré comme l’un des plus prolifiques en matière de coopération internationale générant à la Tunisie entre 70 et 90 millions de dinars en devises (selon les plus hautes estimations)
Malgré ces chiffres, la situation des associations en Tunisie est devenue inquiétante. Le peu de données existant à leur sujet et les pressions exercées par le pouvoir rendent leur situation de plus en plus incertaine. Les banques ont de plus en plus de mal à traiter avec les associations de peur de faire les frais des instructions du pouvoir, se trouvant très souvent obligées d’imposer des restrictions et vérifications supplémentaires.
Dans le collimateur du pouvoir, le décret-loi 88 suscite une certaine controverse. Entre ceux qui le qualifient de « révolutionnaire » et ceux qui estiment qu’il a donné des pouvoirs beaucoup trop larges aux associations. Il est notamment critiqué par le régime car accusé de donner « beaucoup trop de pouvoir » aux associations, en les autorisant à se faire financier auprès de l’étranger.
Un projet de loi se prépare actuellement par le Parlement dans le but de « remédier aux nombreuses lacunes » du décret-loi n°88. Les parlementaires reprochent à l’ancienne loi de ne pas imposer de « contrôle sur les financements étrangers, ce qui a entraîné un flux de sommes d’argent énormes qui ont été utilisées pour servir des agendas hostiles au pays », accusant certaines de ces associations de n’être « qu'une couverture pour financer des partis politiques et des bras pour des lobbies et des pays étrangers qui veulent s’immiscer dans la décision souveraine et imposer des agendas politiques, sociaux et économiques à travers ces associations ».
« Établir un contrôle sur les financements étrangers, ce que ce projet vise à réaliser, découle de la volonté de préserver la souveraineté nationale, car un soutien financier est généralement accompagné de conditions, d’instructions et de compromis », lit-on dans la page consacrée aux objectifs du projet de loi.
Ce projet de loi risquerait de compromettre l’un des acquis de 2011 et d’ajouter les associations à la liste des organismes visés par la chasse aux sorcières du régime. Le chef de l’État lui-même ne cesse de multiplier les attaques contre les associations, dans ses discours, allant même jusqu’à qualifier la majorité de leurs dirigeants de « traitres » et de « mercenaires ».
Entre 2011 et 2020, plus de treize mille associations ont vu le jour. Leur nombre total a atteint en février 2024 près de 25 mille associations selon les chiffres du centre. Ce qui donne, en moyenne, une association pour tous les 472 habitants. Un chiffre dérisoire si on le compare avec d’autres pays comme la France (une association pour tous les 65 habitants) ou le Maroc (une association pour tous les 290 habitants).
Face à l’incertitude, ce chiffre pourrait bien diminuer dans les prochaines années, privant les Tunisiens des nombreuses actions associatives qui, parfois même, viennent combler les lacunes et insuffisances du service public…
Synda Tajine
Les études réalisées par le centre Al Kawakibi :
- Les moyens potentiels de contribution des associations à l’économie tunisienne (Anis Wahabi) ;
- La société civile en Tunisie : participation économique et sociale et accès aux ressources (Fathia Saïdi) ;
- Etude préliminaire autour de la vision de la société civile face au traitement des institutions bancaires (Youssef Abid) ;
- Les problèmes d’accès financier auxquelles sont confrontées les organisations de la société civile (Senkita Koswani).

Le financement étranger direct et indirect doit être limité ou même stoppé.
C'est exactement ce que Netanyahu a fait le 11 juillet 20216 avec une loi sur le financement des organisations non gouvernementales (qu'on aime ou pas ce personnage l'idée est venu des députés également).
C'est le seul moyen de stopper les idées et les ingérences étrangère.
Pour une fois que je vois une évolution de ce côté là.
La journaliste Synda tajine essaie tant bien que mal de justifier le besoin de cet argent associatifs et les effets positifs qu'il aurait.
Synda qui vous lisent ne sont pas bêtes et savent encore voir si des profits sont réalisés.
Le projet de loi de ce type existe deja aux USA a l epoque du mac cartisme