Vient de paraitre chez l’Harmattan l’ouvrage de Ghazi Ben Ahmed « Échos de Tunisie : populisme, transition et espoirs de démocratie ».
L’auteur y présente des éléments essentiels pour comprendre la Tunisie et ses interactions avec l’Europe. Le livre se propose comme une clé de lecture indispensable pour comprendre les enjeux contemporains de la Tunisie, mais aussi ses interactions avec l’Europe. À une époque où les débats sur la migration, la montée de l’extrême droite en Europe et les vagues populistes dominent les conversations publiques, ce livre apporte des éclairages essentiels, non seulement pour les Tunisiens, mais également pour les Européens.
Dès les premières pages, le livre nous plonge dans une analyse globale du populisme. Ce phénomène politique, souvent réduit à une simple manifestation locale, est ici replacé dans un cadre mondial. L'auteur explique avec finesse comment le populisme, loin d’être un phénomène isolé, est la réponse aux multiples défis de la mondialisation, de l’injustice sociale et de l’exclusion politique. En analysant les réussites et les échecs de mouvements populistes à travers le monde, il offre une perspective enrichissante sur leurs répercussions spécifiques en Tunisie.
Ce cadre international est crucial pour comprendre les dynamiques internes tunisiennes. Le pays, bien que perçu comme étant à la marge des grandes évolutions politiques mondiales, est en réalité profondément affecté par les courants globaux. Le populisme tunisien, incarné par Kaïs Saïed, s’inscrit dans cette tendance. Élu dans un contexte de rejet des élites politiques, M. Saïed représente une version locale de cette révolte mondiale contre les institutions établies, souvent accusées d’être corrompues ou inefficaces.
Le deuxième chapitre du livre se concentre sur la figure complexe de Kaïs Saïed, qui cristallise les espoirs et les désillusions d’une Tunisie en quête de renouveau. L’auteur nous parle de ce président atypique au style austère et de son discours anti-élite qui ont résonné avec une société tunisienne fatiguée des promesses non tenues des politiciens traditionnels.
Cependant, l’enthousiasme initial s’est peu à peu transformé en inquiétude. M. Saïed, après avoir concentré les pouvoirs entre ses mains et suspendu les institutions démocratiques, est désormais perçu par beaucoup comme un leader autoritaire. Le livre s’attache à explorer cette transition, en analysant les facteurs qui ont permis au président tunisien de maintenir une certaine popularité malgré ses échecs économiques et la dégradation de la situation sociale.
Une des forces de ce livre réside dans sa capacité à déchiffrer les dynamiques complexes qui sous-tendent le maintien au pouvoir de Kais Saïed. Est-ce grâce à une réelle adhésion populaire ou plutôt à une manipulation habile des perceptions publiques ? L'auteur décortique avec rigueur les stratégies de communication du président, notamment son usage des médias sociaux pour renforcer son image de leader proche du peuple. Il met également en lumière le rôle des théories du complot et des discours nationalistes dans la consolidation de son autorité.
Les chapitres suivants se penchent sur l’économie tunisienne et la situation qui s’est aggravée sous la présidence de Kaïs Saïed, la situation a empiré. L’auteur nous livre une analyse pointue des indicateurs économiques, contrastant les discours optimistes des dirigeants avec la dure réalité des chiffres.
Les réalités économiques sont décortiquées avec une clarté qui permet de mieux comprendre pourquoi la Tunisie, autrefois saluée comme un modèle de réussite démocratique dans le monde arabe, traverse aujourd’hui une crise profonde.
L’ouvrage offre par ailleurs une perspective sur les relations entre la Tunisie, l’Europe et les États-Unis. Avec la crise de la mondialisation post-Covid, de nouvelles opportunités se dessinent pour des pays comme la Tunisie, notamment grâce à la réorganisation des chaînes d’approvisionnement.
L’Europe, confrontée à ses propres défis démographiques et économiques, a besoin de partenaires fiables pour relancer sa compétitivité mondiale. La proximité géographique de la Tunisie, ses coûts de main-d’œuvre compétitifs et ses liens culturels avec l’Europe en font un candidat idéal pour devenir un acteur clé dans cette nouvelle configuration. L’auteur souligne à juste titre que la Tunisie pourrait tirer profit de cette situation pour s’intégrer davantage dans l’économie régionale euro-méditerranéenne.
En parallèle, les relations avec les États-Unis, particulièrement en matière de sécurité et de défense, restent essentielles. Le soutien américain a été crucial dans la lutte contre le terrorisme en Tunisie, notamment lors de l'attaque de Ben Guerdane. Le livre rappelle l’importance stratégique de maintenir des liens solides avec ces partenaires occidentaux pour garantir non seulement la sécurité du pays, mais aussi sa stabilité économique à long terme.
Le dernier chapitre du livre se veut résolument tourné vers l’avenir. Face aux multiples défis auxquels la Tunisie est confrontée, l’auteur propose un cadre de réflexion plutôt qu’une solution toute faite. Il soutient que, bien que l’aide internationale soit nécessaire, le véritable redressement du pays dépend avant tout de la volonté et de l’ingéniosité des Tunisiens eux-mêmes.
L’ouvrage se termine sur une note d’espoir, en évoquant l’histoire riche et complexe de la Tunisie. De Carthage à l’indépendance, en passant par les réformes bourguibiennes, la Tunisie a toujours su faire preuve de résilience et d’innovation.
Ce livre est bien plus qu’un simple essai politique, il s’agit d’une œuvre rigoureuse et nuancée, qui offre une analyse profonde et objective des dynamiques internes tunisiennes tout en les reliant aux transformations globales. Indispensable non seulement pour les Tunisiens qui cherchent à comprendre les défis auxquels leur pays est confronté, mais aussi pour les Européens désireux de mieux saisir les interactions complexes entre migration, populisme et relations internationales.
R.B.H
Éditeur : l’Harmattan
Nombre de pages : 272
Prix : 27 euros
"Le populisme tunisien, incarné par Kaïs Saïed, s'inscrit dans cette tendance. '?lu dans un contexte de rejet des élites politiques, M. Saïed représente une version locale de cette révolte mondiale contre les institutions établies, souvent accusées d'être corrompues ou inefficaces."
n'est vrai que concernant l'élection de Saied en 2019. C'était une réaction des électeurs qui ont vu en cet assistant universitaire un homme contre le système établi et surtout ndhif (comme ils croyaient). Aujourd'hui, Saied est l'homme du système. Si on analyse les centres de pouvoir qui supportent Saied, on va reconnaître que ce sont les mêmes centres de pouvoir en place d'avant la revolution.
Saied est en fin de compte la contre-attaque du système. Est-ce qu'ils l'ont contrôlé après les élections ou est-ce qu'ils l'ont lancé dans la course comme cheval de troie en détectant l'instabilité identitaire des Tunisiens, c'est difficile à trancher. Le fait qu'il était le candidat le plus sponsorisé par des pages depuis l'étranger en 2019 peut nous indiquer que le système et ses alliés dans les dictatures de la région ont peut-être trouvé en lui l'oiseau rare pour leur attaque contre la démocratie à son insu peut-être mais en utlisant son amour du pouvoir absolu.