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Tribunes
Oui au Patriotisme et Non au Nationalisme
07/06/2024 | 13:12
6 min
Oui au Patriotisme et Non au Nationalisme


Par Mohamed Salah Ben Ammar


De nombreux partis politiques intègrent en ce moment le qualificatif "nationaliste" dans leur nom, et il n'est pas rare d'entendre des déclarations voulant vanter les qualités d’une femme ou d’un homme la ou le qualifiant de nationaliste. Cependant, dans bien des cas, on devine à travers le discours que c’est de son patriotisme que l’on parle. George Orwell le dit très bien dans « sur le nationalisme » : « Le nationalisme ne doit pas être confondu avec le patriotisme. Ces deux termes sont en général utilisés de manière tellement vague que toute tentative de définition peut être contestée, mais il est important d’établir une distinction entre eux, car ils représentent deux idées différentes, voire opposées. »

De fait, le nationalisme est une idéologie complexe qui a, dans le passé, été à l’origine de nombreux malheurs à travers le monde. Il met presque toujours l'accent sur la supériorité et la souveraineté de la nation sur l’individu et les autres nations. Cette idéologie s’est manifestée sous diverses formes à travers le monde, parfois fondée sur le contrat social, d'autres fois sur l'appartenance ethnique ou l'idéologie politique et/ou encore la religion. Le nationalisme a été pour les jeunes nations indépendantes utile pour mettre en place des États-nations. Souvenons-nous, des populations diverses ont été regroupées au sein de frontières artificielles, le pouvoir en place a imposé une culture officielle, une langue et une identité communes, souvent au détriment des identités locales. Certains ont parlé de colonialisme interne.

Toujours est-il que George Orwell écrit « Par "nationalisme" j’entends d’abord l’habitude de supposer que les êtres humains peuvent être classés comme des insectes et que des blocs de millions ou de dizaines de millions de gens peuvent en toute tranquillité être qualifiés de "bons" ou de "mauvais". »

Cette approche s’oppose radicalement au patriotisme, qui est un sentiment d'amour et de dévouement pour son pays et les personnes qui y vivent, sans implication d'exclusion ou de supériorité. Le patriotisme repose sur l'attachement aux valeurs universelles, aux institutions et à la culture de son pays, favorisant ainsi la paix sociale et la coopération entre les nations. « Par "patriotisme" j’entends la dévotion à un lieu et à un mode de vie particuliers, que l’on croit être les meilleurs au monde mais que l’on ne souhaite pas imposer aux autres. » G. Orwell. Tout à fait à l’opposé du nationalisme, qui mène tôt ou tard si on n’y prend pas garde et l’histoire l’a prouvé, à l'exclusion et aux oppressions de toutes sortes.

Il existe différentes formes de nationalisme. Le nationalisme ethnique met l'accent sur l'unité d'un peuple partageant une origine, une langue, une zone géographique et une culture, communes. Des exemples typiques incluent le nationalisme arabe, japonais, russe ou allemand. Ce type de nationalisme repose sur l'idée que la nation est un groupe ayant des racines historiques et culturelles communes. L'accent est mis sur un passé mythique, la préservation d’une supposée homogénéité et la glorification des traditions toujours qualifiées d’ancestrales, même si elles ne datent que de quelques décennies.

Le nationalisme civique définit la nation comme une communauté de citoyens unis par des valeurs telles que la liberté, l’égalité et la fraternité, par exemple, et des institutions communes, comme la Constitution des États-Unis, indépendamment de leur origine ethnique. Dans ce cas, l'appartenance nationale est déterminée par l'adhésion à des principes démocratiques et à un cadre juridique commun. Ici, l'unité nationale est fondée sur la loyauté envers des institutions partagées et un engagement envers un idéal commun. Nous constatons aujourd’hui qu’au-delà des slogans, cette construction idéalisée débouche sur l’exclusion de l’étranger.

Le nationalisme religieux fonde l'identité nationale sur une religion commune. C’est une des formes les plus dangereuses du nationalisme. Le nationalisme hindou en Inde montre comment la religion peut devenir un élément central de l'identité nationale et d’oppression des autres, les musulmans en l’occurrence. La religion est devenue le ciment de l'unité nationale, justifiant ainsi l'exclusion ou la marginalisation de ceux qui ne partagent pas la même foi.

Le nationalisme peut également être associé à une idéologie politique particulière, comme le socialisme ou le fascisme. L’idéologie communiste, bien que théoriquement internationaliste, a débouché sur un empire, l’URSS, où le russe et tout ce qui s’en suit étaient imposés à toutes ces colonies. À droite, ces formes de nationalisme ont débouché sur le national-socialisme ou le fascisme. L'exemple de l'Allemagne nazi est évidemment le plus illustratif. Notons au passage qu’il est angoissant aujourd’hui de voir ressurgir un peu partout sur les cinq continents des formes atténuées de ces idéologies.

Malgré leurs différences, tous les nationalismes partagent des caractéristiques communes : l'exaltation de la nation et de son histoire, la grandeur d’un passé mystifié, la conquête de territoires revendiqués au nom de ce passé... Des figures choisis par le pouvoir en place sont glorifiées et élevées au niveau de héros. L’exaltation de l’unité, du peuple et de la cohésion est souvent utilisée pour opprimer les minorités. Les opposants sont désignés comme des menaces au projet national et emprisonnés et même éliminés physiquement.

La peur de l'autre est constante. Elle sert à nourrir les discours xénophobes et protectionnistes. Le discours paranoïaque n’est jamais loin chez les nationalistes, car l’autre, celui qui est différent, ne peut qu’être un ennemi. Cette peur est entretenue et exploitée à la moindre occasion par les partis nationalistes. Cette paranoïa s’enracine dans le groupe et l’autre est toujours perçue comme une menace pour l'identité nationale et non une richesse. Elle s’étend rapidement : l’ennemi extérieur d’abord, puis rapidement l’ennemi intérieur, tous accusés de tous les malheurs et des inéluctables échecs. L’idéologie nationaliste renferme la société, le pays, la région sur elle-même, la divise et génère de la violence.

C’est des situations que les leaders populistes, toujours autoritaires, exploitent pour renforcer leur pouvoir, réprimer, éliminer les opposants et, en fin de compte, instaurer des dictatures. De nos jours, comme l’avait prévu Bertolt Brecht, « Le ventre de la bête immonde est encore fécond. ». Il est crucial de comprendre les dynamiques actuelles qui ravivent ce phénomène. Les ingrédients de la guerre sont plus que jamais présents, et le nationalisme est le bois dont se chauffent les guerres.

Le patriotisme, en revanche, inclut et valorise la diversité. Il se fonde sur une fierté respectueuse et un attachement aux valeurs universelles sans pour autant exclure les minorités. Le patriotisme cherche à unir la nation à travers des valeurs communes et un engagement civique. C'est un attachement sain et positif à son pays, basé sur l'amour et le respect des valeurs communes.

Le but constant de tout nationaliste est de s’assurer plus de pouvoir et plus de prestige au prétexte qu’il défend la nation contre ses ennemis, qui ne sont rien d’autre que ses opposants. C’est en comprenant les dynamiques du nationalisme que nous pouvons construire des ponts entre les cultures et les nations, plutôt que des murs. Il est important d’identifier les différentes formes de nationalisme et leurs conséquences afin de pouvoir anticiper et en contrer les effets négatifs. La promotion d’une société plus ouverte, inclusive et pacifique, une société où l’épanouissement individuel est possible ne peut pas se faire dans un climat de haine et d’exclusion. Le patriotisme inclusif, l’attachement à ses racines, à sa terre, à ses concitoyens permet au contraire de construire un avenir juste et apaisé.

07/06/2024 | 13:12
6 min
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Commentaires
Vladimir Guez
Le patriotisme et le nationalisme sont les deux revers d'une même médaille.
a posté le 09-06-2024 à 11:44
Le premier est une construction affective , l'autre est intellectuelle. Mais c'est le même mensonge.
Votre citation d'Orwell est mignone
« Par "patriotisme" j'entends la dévotion à un lieu et à un mode de vie particuliers, que l'on croit être les meilleurs au monde mais que l'on ne souhaite pas imposer aux autres. »
On souscrit tous à cela, mais que faites vous lorsque vous sentez que votre lieu et mode de vie tels que vous les chérissez sont menacés ? Vous faites exactement la même chose que tout nationaliste. C'est la même cochonnerie .
CVD123
n importe quoi
a posté le 08-06-2024 à 22:07
ce genre de discours importé bêtement de l'europe n a aucun sens en Tunisie, le racisme et la suprématie des races ont été théorisés en Europe chez l homme blanc et chrétien contre en particulier les minorités juifs, et nous savons les conséquences de ces théories.
Hamza Nouira
@Mohamed Salah Ben Ammar
a posté le 08-06-2024 à 09:11
Je résumerais votre article par une seule phrase rapporté par Charles de Gaulle:

"Le patriotisme, c'est aimer son pays. Le nationalisme, c'est détester celui des autres."


veritas
Oui et non
a posté le 07-06-2024 à 14:34
Oui au patriotisme absolu'?'comment voulez vous ignorer le nationalisme en ces moments difficiles quand vous voyez en Europe que le nationaliste bat son plein depuis 1995 en Autriche et ne cesse de se propager en Europe et même aux '?tats Unis '?'rester indifférent a tout cela aujourd'hui il y'a un risque de le payer trop chers très prochainement il faut un minimum de conscience en ces moments très gravissime.
Concernant la dictature c'est un mal nécessaire avec certaines populations '?'est il nécessaire de rappeler que l'islam a été imposer par une dictature sans égal '?'les gens ont été obliger de choisir entre le coran ou l'épée.
ourwa
@ veritas
a posté le à 17:27
" 'est il nécessaire de rappeler que l'islam a été imposer par une dictature sans égal '?'les gens ont été obliger de choisir entre le coran ou l'épée." sic. Pas tout à fait, car une 3ème option était offerte aux conquis : survivre et garder sa religion mais en payant une dime de " protection" aux conquérants, ce qui constitue une frange inférieure dans la société globale, " les gens de la dhimma", chrétiens, juifs, hindous etc... Et pourtant, l'islam s'est toujours targué d'être une religion égalitaire, même en istituant la zakat annuelle, impot religieux en fonction des richesses foncières et pécunières de chaque famille. Cette zakat n'est rien d'autre que la traduction islamique de la fameuse dime chrétienne due à l'Egtlise.

juan
islam sans épée
a posté le à 13:10
..."choisir entre le coran ou l'épée."
les arabes n'ont jamais été en malaisie, indonésie ....
2 pays islamisés pas par l'épée, mais par conviction , par iman
Citoyen_H
DESOLè L'AMI. C'EST TRES LOIN D'ETRE VRAI
a posté le à 15:23
Vérifiez vos sources

"les gens ont été obliger de choisir entre le coran ou l'épée."