
Condamné à 18 ans de prison dans l’affaire dite de complot contre la sûreté de l’État, Issam Chebbi, secrétaire général du parti Al Jomhouri et prisonnier politique, réagit dans une lettre poignante écrite depuis sa cellule.
Il y dénonce une parodie de justice, réaffirme son engagement pour la liberté et l’État de droit, et rend hommage aux défenseurs des droits humains, aux familles des détenus et aux militants démocrates. Malgré la répression, il se dit prêt à poursuivre le combat jusqu’à l’aube d’une Tunisie libre.
Nous publions la lettre traduite de l’arabe dans son intégralité :
« Nous continuerons de frapper aux portes de la liberté jusqu’à ce qu’elles s’ouvrent et que son étendard flotte haut dans les cieux de cette patrie.
Les simulacres de procès et les prisons ne nous intimideront pas. La tyrannie est une parenthèse qui finira par se refermer, elle est vouée à disparaître.
Je poursuivrai tous ceux qui ont participé à cette injustice politique et judiciaire, dans toutes les arènes, sur toutes les scènes, devant les instances nationales et internationales de défense des droits humains, et devant la justice tunisienne lorsque celle-ci aura retrouvé sa vigueur et son indépendance. Je crois fermement que le plus noble des combats consiste à dire la vérité face à un pouvoir injuste.
Merci aux chevaliers de la liberté, à la voix de la défense, pour ce qu’ils ont donné et enduré pour accomplir leur noble mission. Je suis fier de la résistance de nos familles, de leurs sacrifices et de leur patience, qui nourrissent notre propre endurance et ténacité.
Fier du soutien honorable des militantes et militants des droits humains, des journalistes libres, des acteurs de la société civile, des combattants politiques et de leurs partis, qui défendent la Tunisie de la liberté, de la justice, de la dignité nationale, celle de l’État de droit et des institutions démocratiques.
Alors que je mettais les dernières touches à cette lettre, j’ai appris l’arrestation de Maître Ahmed Souab.
Depuis ma cellule, je lui exprime toute ma solidarité. Sa voix libre, engagée pour les causes justes et l’indépendance de la justice, ne sera pas réduite au silence. Son ciblage ne fera que renforcer notre attachement au droit et notre détermination à poursuivre la lutte.
À mes camarades d’Al Jomhouri : vous demeurez un bastion de la lutte, la pointe avancée de la défense de la démocratie dans ce pays.
Quant à moi, je me considère comme un martyr vivant. Je ne trouve aucun sacrifice trop grand pour ma patrie, et si la liberté exige encore plus d’abnégation, je n’hésiterais pas un seul instant.
La Tunisie appelle à l’union de toutes nos forces, sans plus tarder, pour que le soleil de la liberté brille à nouveau sur elle…
Ils la voient lointaine, nous la voyons proche, si Dieu le veut ».
Le verdict dans l’affaire dite de complot contre la sûreté de l’État est tombé à l’aube du samedi 19 avril 2025. Les peines prononcées à l’encontre des accusés vont jusqu'à 66 ans d’emprisonnement.
Le prononcé du verdict intervienait au terme d’un processus judiciaire vivement contesté, qualifié de « mascarade » par les familles des détenus politiques et de « parodie de justice » par leur comité de défense. L’audience du 18 avril, censée permettre un débat sur le fond, avait été expédiée en l’absence des accusés et s’est résumée à une lecture expéditive de quelques lignes avant que le tribunal ne se retire pour délibérer. De nombreuses entorses aux garanties d’un procès équitable ont été dénoncées.
I.L


