
Depuis la révolution, le pouvoir d’achat du Tunisien n’a cessé de se détériorer, notamment à cause de la spirale salaires-prix (hausse des prix résultant de la hausse des salaires, ndlr). Aujourd’hui, l’inflation a atteint son plus haut niveau depuis 31 ans. Or, il y a un gouffre entre les chiffres officiels et le ressenti du Tunisien. Explication.
L'Institut national de la statistique (INS) a annoncé le 5 août 2022, que l’indice des prix à la consommation familiale a atteint 8,2% au mois juillet 2022 en Tunisie. Il était de 8,1% au mois de juin 2022, de 7,8% au mois de mai 2022 et de 6,7% au mois de janvier 2022. Le pays n’avait pas atteint ce taux élevé depuis 1991, soit 31 ans en arrière.
L’inflation est expliquée essentiellement par l’accélération du rythme des hausses des prix des produits alimentaires, des prix du groupe meubles, articles de ménage et entretien courant du foyer et des prix du groupe loisirs et culture.
Plus concrètement, en juillet 2022, les prix de l’alimentation ont augmenté de 11% sur un an. Mais, au sein même de ce groupement il y a des disparités. Ainsi, l’INS détaille une augmentation des prix des œufs de 24,2%, des huiles alimentaires de 22,3%, des légumes frais de 19,9%, des fruits frais de 18,6%, des viandes ovines de 11,9%, des dérivés de céréales 11,5%, des poissons frais 10,4%.
Bien sûr, les hausses de prix ont touché d’autres produits. Sur un an, les prix des boissons alcoolisées ont augmenté de 19,3%, de 12,5% pour ceux de l’électricité, du gaz et autres combustibles, de 10,2%, pour ceux des matériaux de construction, de 10,4% pour ceux des produits de l’habillement, etc.
Et la liste des augmentations de prix est longue.
Tableau inflation annuelle juin-juillet 2022
Mais pourquoi ces hausses à deux chiffres ne se répercutent pas sur l’indice de consommation familiale ?
Deux facteurs l’expliquent. Tout d’abord, l’inflation est tempérée par la maitrise des prix des produits administrés, qui sont fixés par l’Etat (pain, pâtes, sucre, huiles végétales, semoule, farine, …). Ce qu’exprime clairement l’institut qui précise que les prix des produits libres (non encadrés) augmentent de 9,3% sur un an alors que les prix des produits encadrés augmentent quant à eux de 4,6%. Pour leur part, les produits alimentaires libres ont connu carrément une hausse de 13,1% contre 0,3% pour les produits alimentaires à prix encadrés.
Deuxième facteur, les experts s’accordent sur le fait que le panier ne correspond plus à la consommation réelle des Tunisiens, la dernière mise à jour datant de 2015 (sept ans alors que la norme est de cinq ans). C’est-à-dire que l’ensemble des produits sélectionnés par l’institut ne reflète pas la consommation réelle des Tunisiens, en termes de pondération et en termes de produits consommés.
Ce qui explique le ressenti des Tunisiens. Pendant leur achat, ils constatent des hausses de prix à deux chiffres, mais côté INS on annonce une inflation, certes jamais atteinte depuis 31 ans, mais à un seul chiffre.
D’ailleurs, plusieurs observateurs s’étonnent du taux d’inflation tunisien, surtout que le pays est touché de plein fouet par la guerre en Ukraine et ses répercussions sur l’Union européenne, son partenaire historique. La Tunisie subit ainsi une inflation importée.
Au niveau international, l’indice des prix à la consommation connait partout des hausses importantes, atteignant des sommets jamais atteint depuis 20, 30 ou même 40 ans.
Aux Etats-Unis, l’inflation a atteint 9,1% en juin sur un an, une hausse des prix la plus forte depuis 1981. Idem pour le Royaume-Uni, où l'inflation a aussi atteint 9,43% au mois de juin sur un an pour atteindre son niveau le plus élevé depuis 40 ans. On s’attend qu’elle poursuive son escalade, à plus de 13% en octobre. Pour l’ensemble de a Zone Euro, l’institut statistique européen Eurostat recense une inflation de 8,9% en juillet, sur les douze derniers mois. Un niveau jamais vu depuis le début de la publication de l’indicateur en janvier 1997.
Aperçu des taux d’inflation internationaux, selon le site Global-rates
Dans une note publiée par trois experts du Fonds monétaire international, on estime que : « Les risques à la hausse qui pèsent sur les perspectives d’inflation demeurent grands et un durcissement plus agressif pourrait être nécessaire si ces risques se concrétisent.
Les banques centrales des grandes économies s’attendaient il y a encore quelques mois à pouvoir durcir leur politique monétaire très progressivement. L’inflation semblait être alimentée par un mélange inhabituel de chocs du côté de l’offre associés à la pandémie et à la récente invasion de l’Ukraine par la Russie, et il était attendu qu’elle recule rapidement une fois ces pressions allégées.
Désormais, avec une inflation qui atteint des niveaux sans précédent depuis des décennies et des pressions sur les prix qui s’étendent au logement et à d’autres services, les banques centrales reconnaissent qu’il est nécessaire d’agir plus rapidement pour empêcher un désancrage des anticipations d’inflation et pour éviter que leur crédibilité en pâtisse. Les décideurs devraient tirer les enseignements du passé et être déterminés à éviter des ajustements ultérieurs potentiellement plus pénibles et déstabilisants ».
En Tunisie, et vu qu’on a toujours pas conclu d’accord avec le FMI, le budget de l’Etat reste très serré. Le gouvernement œuvre ainsi à rationaliser la compensation pour mieux maitriser les prix, en particulier des produits administrés.
Ainsi, la ministre de l'Industrie, de l'Energie et des Mines, Neila Nouira Gongi, a annoncé une nouvelle et imminente hausse des prix du carburant. Selon elle, suite à la guerre en Ukraine, la priorité, quant à la compensation, a été donnée à l’importation de céréales et en particulier à l’importation de blé.
En effet, la loi de finances 2022 a été bâtie sur l’hypothèse que la moyenne de prix du baril ne dépassera pas les 75 dollars le baril de Brent. Or, aujourd’hui, la moyenne de prix a atteint 108 dollars le baril de Brent.
Sachant qu’un dollar supplémentaire dans le prix du baril représente 140 millions de dinars (MD) de dépenses en plus pour l’Etat tunisien alors que pour le glissement du dinar, chaque 10 millimes de moins par rapport au dollar se répercutent par 40 millions de dinars (MD). En prenant en compte ce nouveau prix, il faudra débourser 8 milliards de dinars de compensation en 2022, alors que les prévisions étaient de 2,9 milliards de dinars (des besoins qui ont presque triplé).
Selon elle, les besoins de financement en produits pétroliers (carburant, gaz, électricité) étaient de 5,2 milliards de dinars, aujourd’hui avec la flambée des prix ils ont grimpé à 10,2 milliards de dinars.
Et d’expliquer que la non-rationalisation de la compensation a un coût énorme sur la communauté et sur les projets d’investissement sur le pays.
« La rationalisation de la compensation nous permettrait la réalisation de huit lignes du réseau ferroviaire rapide (RFR) dans les grandes villes tunisiennes ou l’achat de plus de 4.000 bus électriques ou la construction et l’équipement de plus de cinquante hôpitaux. Ce qui montre le lourd poids sur la communauté d’une compensation qui ne va pas à ses destinataires », a-t-elle affirmé.
La Tunisie a enregistré le plus haut niveau d’inflation depuis 31 ans. Ce taux reste en deçà du ressenti du Tunisien qui constate chaque jour des hausses à deux chiffres. D’où la nécessité que l’INS actualise le panier utilisé dans ces calculs pour avoir des chiffres plus proches de la réalité et du ressenti du Tunisien. Il s'agit là d'une vieille polémique que le suatorités n'ont toujours pas tranché.
Imen NOUIRA
Il met en évidence la variation des prix de la quasi'?'totalité des biens et services consommés par les ménages entre une période de base ( et une période variable (mois courant).
L'IPC est censé synthétiser, en un seul chiffre, une multitude de variations de prix élémentaires en accordant à chaque bien et à chaque service l'importance qu'ils ont dans le budget des consommateurs.
Ce chiffre est grossièrement manipulé par des bidouillages honteux : sans pouvoir détailler ici, il faut être conscient que l'INS intègre frauduleusement dans le choix des familles de biens et des services des familles non significatives et ce de manière délibérée afin de biaiser le véritable chiffre qui est très certainement supérieur a 15 %
Dans un contexte de hausse continue des prix de l'alimentation et de l'énergie, l'inflation au Royaume-Uni a atteint un niveau record. En juin, les prix à la consommation ont augmenté de 9,4 pour cent par rapport au même mois de l'année précédente, a annoncé mercredi l'office des statistiques ONS. Il s'agit du taux d'augmentation le plus élevé depuis le début des relevés en 1997. Il est supérieur aux estimations des experts économiques interrogés par Reuters et dépasse le record précédent de 9,1 pour cent enregistré en mai.
Selon un calcul rétrospectif de l'ONS, la dernière fois que l'inflation a été plus élevée, c'était en 1982, année pour laquelle les taux de croissance de l'indice des prix à la consommation ont été estimés à près de 11 pour cent en janvier et 6,5 pour cent en décembre.
L'office britannique des statistiques a également indiqué que les plus fortes hausses de prix ont été enregistrées pour le carburant et les produits alimentaires. Ces derniers ont augmenté de 42,3 pour cent par rapport à l'année précédente, ce qui constitue également un record depuis le début des relevés en 1989.
Selon le portail d'information CNBC, la Banque d'Angleterre, la banque centrale du Royaume-Uni, s'attend à des taux d'inflation allant jusqu'à onze pour cent pour le reste de l'année. En attendant, l'ONS a enregistré au cours des trois derniers mois la plus forte baisse des salaires réels depuis le début de l'enregistrement en 2001, ce qui signifie un risque élevé de récession pour l'économie britannique basée sur la consommation, a commenté un expert financier de la société de gestion d'actifs HSBC Asset Management pour CNBC.
C'est pourquoi les gouvernements ne veulent pas pratiqués la politique des prix réels pour des dépenses réels.

