Il faut bien qu'on lui disent qu'il a gagné

Depuis son investiture à la présidence de la République, les activités de Kaïs Saïed à la tête de l'Etat étaient méconnues des Tunisiens et ses appartitions se faisaient rares. Toutefois, ce sont ses propos déconcertants qui font débat. Des propos qui sont indignes d'un chef d'Etat, censé réunir les Tunisiens et préserver la stabilité du pays..
C'est lors de sa visite à Sidi Bouzid, hier mardi 17 décembre, pour commémorer le neuvième anniversaire de la Révolution, que Kaïs Saïed a livré son discours présidentiel. Un discours qui ne peut, en aucun cas, être considéré comme celui d'un chef d'Etat mais plutôt d'un révolutionnaire en colère, compte tenu des termes utilisés à l'instar de complot, manoeuvres, opression, bourreaux, tortionnaires et toutes sortes de termes révolutionnaires.
Evoquer des complots et des machinations qui se tissent quotidiennement dans des chambres obscures contre la volonté du peuple et par des parties nommément connues, sans pour autant préciser les responsables derrière ces manoeuvres, ne nous renvoie certainement pas à un discours qui pourrait émaner d'un président de la République. Un président qui s'est montré vulnérable, dépassé, sans aucun contrôle sur les institutions de l'Etat et qui est, visiblement, incapable de détecter la véritable corruption pour pouvoir y remédier.
Il est probable, aussi, que Kaïs Saïed n'avait pas l'intention de détourner l'opinion publique vers des complots infondés et qu'il croit réellement qui est victime d'un acharnement faisant de lui un adepte des théories du complot.
Des propos inquiétants, certes, qui ne feront que compromettre l'ordre général et déstabiliser le pays relevant des craintes sécuritaires et créant éventuellement un état de chaos et de panique chez les Tunisiens.
Pour Kaïs Saïed, ce complot fictif concerne, également, tout le processus entamé depuis le 14-Janvier ayant ouvertement déclaré que cette date était une arnaque et que la vraie Révolution est celle de 17-Décembre. Il insinue, ainsi, qu'il est nécessaire de repartir à zéro en appelant à un nouveau soulèvement populaire, d'autant plus qu'il avait conçu tout son programme autour de la volonté du peuple. Une volonté qu'il s'est engagé à concrétiser tout en accordant les mécanismes juridiques au peuple afin qu'il puisse réaliser ses revendications (dignité, liberté, justice sociale, emploi, etc).
En tant que chef suprême des forces armées et premier responsable de la protection des citoyens, les discours de Kaïs Saïed doivent, en tout temps, refléter l'image d'un président fort, fédérateur et qui apporte des solutions, loin des théories conspirationnistes nuisibles au climat général.
L'image que Kaïs Saïed a véhiculée à travers ses propos menaçants n'est rien de plus que celle d'un homme impuissant. Un homme fragile qui se laisse guider plutôt par les émotions que par la raison, refuge de toute homme politique.
Par son discours irréfléchi, Kaïs Saïed n'a fait que véhiculer un message négatif aux Tunisiens aussi bien qu'aux pays étrangers. Un message qui suscitera tant d'intérêt notamment lors d'une occasion où tous les yeux sont braqués sur la Tunisie ayant été à l'origine des soulèvements populaires observés la région. Ainsi, son impact néfaste prendra plus d'ampleur et est même capable de décourager l'investissement étranger potentiel qui exige un climat de stabilité, de sûreté et de sécurité.
Néanmoins, il ne s'agit pas du premier discours alarmiste tenu par le chef de l'Etat. En moins de 24 heures et lors d'une séance de travail l'ayant réuni avec les représentants des juridictions judiciaire, administrative et financière et certains organismes juridiques, Kaïs Saïed n'a pas manqué de critiquer violemment la Constitution et de relever ses lacunes.
Pour Kaïs Saïed, le mouvement annuel des magistrats est inscrit dans le cadre d'une Constitution qui a déjà présenté ses limites. D'ailleurs, il avait précisé que la promulgation de cette Constitution était illégale dans la mesure où celui qui l'avait promulguée avait tiré la légitimité requise pour ce faire du texte lui-même avant sa promulgation.
Par ailleurs, l'image qu'a donnée Kaïs Saïed de la justice tunisienne est une image de faiblesse et de corruption et ce en affirmant indirectement l'ingérence du pouvoir exécutif dans le pouvoir judiciaire lorsqu'il avait évoqué les calculs et tiraillements politiques qui portent atteinte à l'indépendance de la justice.
Kaïs Saïed n'a pas eu plus de succès en ce qui concernce les relations diplomatiques. Depuis son investiture, les rencontres avec les leaders des pays frères et amis étaient quasi-inexistantes à l'exception de son entrevue avec Fayez El Sarraj, président du Conseil présidentiel du gouvernement d'Union nationale reconnu par l'ONU.
Une inaction qui avait été, d'ailleurs, dénoncée par le président de Machrouû Tounes, Mohsen Marzouk ayant indiqué son souhait de voir Kaïs Saïed s'occuper davantage des dossiers internationaux notamment ceux inhérents à la coopération militaire et sécuritaire entre la Libye et la Turquie.
Mohsen Marzouk avait reproché à Kaïs Saïed de ne pas tenir une réunion du Conseil de sécurité nationale pour examiner la signature de l'accord de coopération militaire et sécuritaire entre la Libye et la Turquie qui soutient Fayez El Sarraj dans le conflit l'opposant au général Khalifa Haftar.
Il avait, également, contesté l'absence d'une cellule de crise ainsi qu'un dialogue avec les partenaires de la Tunisie, qu'il s'agisse de l'Union européenne, des pays arabes ou encore des pays membres de l'Organisation du Traité de l'Atlantique Nord (Otan) qui appuient la Tunisie uniquement car elle a le statut d'allié majeur non-membre de l'Otan, selon Mohsen Marzouk.
Visiblement, les accusations de mutisme et d'inaptitude étaient parvenues à Kaïs Saïed l'incitant à faire un clin d'oeil à ses détracteurs.
"Je suis en train de travailler en silence en vue de réaliser les revendications des Tunisiens. Je ne souhaite pas parler de mes accomplissements jusqu'à ce qu'ils se concrétisent" a-t-il réitéré dans son discours d'hier devant les habitants de Sidi Bouzid.
Avec 72,71% des votes qui lui avaient permis de remporter la magistrature suprême haut la main, Kaïs Saïed semble bénéficier d'un soutien populaire considérable qui lui vaut une certaine indulgence de la part des Tunisiens voyant en lui le président "antisystème". Un système qui les a longtemps déçus et avec lequel ils souhaitaient rompre.
Toutefois, le président de la République ne doit pas trop se fier à cette confiance souvent aveugle. Si ces positions continuent à être douteuses et ses propos véreux, cette vague de soutien risque de se dissiper rapidement lorsque ces électeurs seront désillusionnés. Kaïs Saïed est appelé, également, à revoir son discours et à s'armer de prudence aussi bien qu'à éviter toute provocation qui pourrait être interprétée comme un appel à la rébellion. Un appel qui survient à un timing extrêmement délicat alors que les concertations autour de la constitution du prochain gouvernement battent leur plein.
Boutheïna Laâtar
Commentaires (33)
CommenterIl réalise pas
Il faut bien qu'on lui disent qu'il a gagné
Pourquoi se moquer du peuple?
Pourquoi le PR se comporte-t-il de cette façon jugée bizarre?
N'est-il pas à cause de ce système qui ne fait qu'appauvrir de plus en plus la population.
Comment voulait-on que les habitants d'El Kammour restent les bras croisés quand ils voient les "Mall " qui poussent comme des champignons et les terrains du lac deux se vendent à 6 mille dinars le mettre carré.
@Abel Chater
Réponse à @Tunisino
Ne cherche s'il te plaît pas à miniaturiser notre Patrie la Tunisie autour de ma personne. Je ne suis rien du tout. Je suis un zéro pointé et je n'ai jamais cherché à être connu ou à avoir la moindre renommée, afin de ne pas perdre ma dignité humaine aux services de quiconque. Je suis un Tunisien pur Tunisois d'origine turque, de famille paternelle entre la Casbah et Halfaouine, et de famille maternelle à Bab Jédid. Ma grand'mère paternelle Sallouha acheta un terrain dans la ville beylicale Hammam-Lif en 1918, pour jouir des eaux thermales. Je suis marié à une Allemande et je suis de double nationalité tuniso-allemande. De toute ma vie, je n'ai jamais écrit ou dit du mal contre mon pays la Tunisie, même pas aux temps des deux dictateurs déchus Bourguiba et Ben Ali. J'ai appris cet orgueil des Allemands, qui n'évoquent leur pays qu'avec une fierté légendaire, malgré la misère et la vie robotique dépressive et suicidaire, qui leur ronge l'âme et le physique, dans une absence mortelle de la moindre sociabilité familiale. Le patriotisme ne se calcule pas par l'argent, par les avantages, par le pouvoir, par les privilèges ou par le régionalisme. Le patriotisme est un amour global de son pays et de son peuple. Mes deux pays l'Allemagne et la Tunisie, ne me donnent que ce que je gagne comme n'importe quel autre citoyen. Mais c'est la Baraka de notre Créateur Allah le Tout Puissant, dont se moquent les autres, qui me comble de satisfaction inébranlable.
Les Tunisiens avaient vécu dans la famine et dans les gourbis, lorsque Bourguiba vivait au palais de Carthage qu'il a construit lui-même par l'argent du peuple. Il n'y avait qu'une poignée d'immeubles en Tunisie. Les mendiants te mangeaient le reste de ton repas de la veille, directement devant ta porte. La grande majorité des Tunisiens vivaient sur une «Hassira» et des peaux d'agneaux. Il n'y avait ni matelas en mousse ni des bibliothèques pour décor. Maintenant, la majorité des Tunisiens roulent en voitures, télévisions plates, ordinateurs et téléphones portables dernier cri, sans même qu'ils ne donnent rendement pour l'argent qu'ils gagnent toujours en rouspétant.
Le mal en Tunisie, comme d'ailleurs partout dans le monde, c'est cette absence totale de satisfaction «Kanèaâ» dans ce nouveau monde d'un capitalisme sauvage, sans le moindre plafond ni la moindre limite. Celui qui n'arrive pas à vivre avec mille dinars, n'arrivera à vivre ni avec deux, ni avec trois ou même cinq et dix mille dinars. Au lieu d'habiter parmi sa famille, il cherchera à habiter seul, puis à habiter une maison style américain où il ne monte à l'étage supérieur qu'une ou deux fois par an et par la suite, il aura besoin d'une piscine, etc.
Non mon ami, ce discours n'aura jamais fin jusqu'au jour de la Résurrection. La preuve, c'est que parmi les Français qui protestent maintenant leur misère en France, il y a plein de Tunisiens. Ces mêmes Tunisiens qui ont faim en France, mais qui rentrent en Tunisie avec leur «chez nouzapparis».
Apporte-moi un casse-croûte Kaftègi en Allemagne, afin que je mange à ma faim. J'ai faim en Allemagne. Je sors manger avec ma femme, je ne trouve que de la viande porcine ou du poulet. Quant à l'agneau ou à la viande bovine, ils te prennent un petit morceau de 100 grammes de viande. Ils le martèlent jusqu'à le transformer en une feuille cartonnée qui te remplit l'assiette. Ils l'accompagnent de quelques feuilles de laitue et des tranches d'un quart de tomate, puis ils te demandent 30,- euros (100,- dinars).
On ne vit nulle part mieux qu'en Tunisie et on ne mange nulle part mieux qu'en Tunisie. Tout le reste n'est qu'un cercle vicieux en rapport direct avec ceux qui savent dire : «Alhamdou Lillah» et les autres, qui ne savent que pleurer les privilèges dont ils jouissaient chez les deux défunts dictateurs déchus Bourguiba et Ben Ali. Ceux-là mêmes qui tremblent en entendant ou en lisant:
Allahou Akbar.
@lagon: Nos Präsidents etaient toujours des Intellectuels du premiers Rang..
Ben Ali, a même terminé sa deuxième thèse de doctorat et avec sa grande rhétorique, nous en sommes toujours fascinés à ce jour.
Mais sans parler du grand BCE (petit avocat du RCD pour les bonnes affaires!): Tout simplement génial et il se connaît même avec El Alhadith (c ést même sa spezialité!) et de Couran ..
M. Kaiss Saiid, du point sur le papier, est un Intellectel et on verra..
Vous dites président?
@Bourguibiste nationaliste
Pour les leçons vous êtes mieux placé que moi pour les donner.
@Abel Chater : Allahou Akbar, c'est bien le mot de la fin !
arabe,
et musulmane,
de régime parlementaire,
présidée par l'un des Leurs (?),
tout ce parcours pour aboutir au satisfecit d'un imbécile, il y a de quoi désespérer de Dieu !
Allahou akbar, oui...
Rideau !