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Hasna Jiballah loin de ses objectifs, l’échec cuisant des sociétés communautaires
19/06/2025 | 08:38
6 min
Hasna Jiballah loin de ses objectifs, l’échec cuisant des sociétés communautaires
Service IA, Business News

 

Les sociétés communautaires, l’un des projets les plus chers au cœur de Kaïs Saïed, tardent à prendre leur envol. Le chef de l’État a même nommé une secrétaire d’État ad hoc, Hasna Jiballah, pour qu’elle s’occupe de ce projet. Mais rien à faire, elles ne décollent toujours pas. Les chiffres sont là, et ils sont affligeants : la secrétaire d’État n’a même pas atteint 5 % des objectifs qu’elle a elle-même annoncés.

 

Fin 2024, Hasna Jiballah multipliait les déclarations médiatiques et les conférences pour « vendre » son projet de sociétés communautaires. Un projet très cher au président de la République, qui croit dur comme fer que c’est par là que l’économie tunisienne va s’en sortir.

Le 6 décembre 2024, en marge de l'ouverture de la 38e édition des Journées de l'Entreprise à Sousse — la grand-messe annuelle organisée par l’IACE à destination des chefs d’entreprise et des investisseurs — la secrétaire d’État chargée des entreprises communautaires annonçait pompeusement que ces entreprises citoyennes connaissaient une croissance dans divers secteurs, et que leur nombre total devrait dépasser les 1.500 d'ici la fin de l'année 2025, au rythme de cinq nouvelles entreprises dans chaque délégation.

Deux mois plus tard, le 7 février 2025, son patron, le ministre de l’Emploi et de la Formation professionnelle, Riadh Chaouad, déclare sur Jawhara FM que 144 entreprises communautaires ont été légalement créées. Elle surenchérit le lendemain, en annonçant que 160 ont été créées.

 

 

Des promesses grandiloquentes… et une réalité consternante

Six mois après, ni le ministre ni la secrétaire d’État n’osent donner de chiffre sur le nombre réel des entreprises communautaires. Les publications officielles du ministère annoncent différents événements ces derniers mois, mais font très attention à ne donner aucun chiffre. Et pour cause.

Loin de la propagande gouvernementale, l’unique site de référence pour obtenir le vrai chiffre des entreprises communautaires est le Registre national des entreprises (RNE). Alors que le ministre et sa secrétaire d’État pavoisaient et surenchérissaient avec leurs 144 et 160 entreprises communautaires, Business News a consulté le RNE au début du mois de janvier 2025 et n’y a trouvé que 64 entreprises communautaires. En février, on en comptait 66. On était déjà bien loin des chiffres du gouvernement. Il devrait bien y avoir une explication, mais le ministère n’en a jamais donné.

Six mois plus tard, nous avons de nouveau consulté le RNE, en ce jeudi 19 juin 2025, et le nombre d’entreprises communautaires est passé à 100. Ainsi, si l’on suit la propagande gouvernementale, on avait 144 entreprises au début de l’année selon le ministre, et 160 selon la secrétaire d’État. Les deux sources officielles ne s’aventurent à donner aucun chiffre en juin, au beau milieu de l’année.

 

 

Si l’on suit les chiffres du RNE — tout aussi officiels mais nettement plus crédibles — le nombre est passé de 64 entreprises en janvier à 100 en juin. Soit 36 entreprises de plus.

 

Des objectifs délirants, un bilan famélique

Les objectifs annoncés par Mme Jiballah sont bien clairs : elle a dit elle-même qu’elle ambitionnait d’atteindre les 1.500 entreprises avant fin 2025. Théoriquement, elle devrait atteindre les 750 entreprises à la moitié de l’année. Or, seulement 36 entreprises ont été créées, comme Business News a pu le constater. Soit 4,8% de son objectif.

En chiffres — et les chiffres sont bien têtus — l’échec est cuisant. En lettres, pour justifier l’échec, la secrétaire d’État adopte la même dialectique que le président de la République, et évoque des boucs émissaires.

En conseil des ministres, le 29 mai dernier (auquel Mme Jiballah n’était pas présente), Kaïs Saïed a insisté sur la nécessité de simplifier les procédures de création des entreprises communautaires, après que celles-ci ont été volontairement discréditées par les cartels et leurs relais, afin d’en empêcher la réussite et de semer le découragement et le désespoir.

C’est ce même discours victimaire, invoquant la complexité des procédures, que répète désormais la secrétaire d’État depuis quelques semaines.

 

Des excuses qui ne tiennent pas debout

En clair, si on n’a atteint que 4,8 % des objectifs initialement fixés, ce serait donc à cause des cartels et des procédures complexes.

Deux excuses qui ne tiennent pas la route. Le président de la République a beau évoquer des cartels, il n’en cite aucun et ne présente aucune preuve pour appuyer ses propos. Et qu’a-t-il fait concrètement pour empêcher ces hypothétiques cartels de nuire ?

Quant aux procédures, elles sont identiques — voire plus simples — à celles de la création des entreprises ordinaires. Celles-ci ont connu une croissance de quelque 25.000 nouvelles entreprises en six mois, selon les chiffres officiels de l’Institut national de la Statistique. En résumé : 36 entreprises d’un côté, 25.000 de l’autre, alors que les deux « subissent » les mêmes procédures administratives qualifiées de complexes par Hasna Jiballah.

 

 

Subventions massives, résultats dérisoires

Il faut dire que même sur le plan symbolique, le projet a été raté. On ne compte plus les photos officielles ridiculisant l’image des promoteurs communautaires : des jeunes et moins jeunes à l’air morne, sans cravate, en jean, parfois coiffés d’une chéchia, posant maladroitement aux côtés de la secrétaire d’État. On est bien loin de l’entrepreneur dynamique, structuré, motivé, porteur d’un projet bancable.

Le contraste est d’autant plus frappant que ces pseudo-promoteurs sont parfois totalement déconnectés du monde des affaires, voire du réel. Certains sont d’anciens vendeurs de vêtements religieux, d’autres de prétendus inventeurs aux projets ubuesques, comme cet homme reçu à Carthage, censé transformer des résidus de carrières en papier révolutionnaire. Rien ne semble trop farfelu dès lors que cela colle à la vision idéalisée du chef de l’État.

Mais ce que ni Kaïs Saïed ni Hasna Jiballah ne semblent comprendre, c’est que l’échec n’est pas seulement quantitatif. Il est aussi qualitatif, sociologique, psychologique. Ces sociétés communautaires sont devenues un objet de sarcasme national, moquées chaque jour sur les réseaux sociaux. L’une cultive des citrouilles, une autre surveille des parkings. Le décalage avec les ambitions planétaires autour de l’intelligence artificielle, des biotechnologies ou des énergies renouvelables est abyssal.

Surtout, l’État continue de dépenser sans compter. Le projet a déjà englouti des millions de dinars. Une enveloppe de vingt millions a été prévue pour 2025, les entreprises reçoivent chacune jusqu’à un million de dinars, et une prime mensuelle de 800 dinars est même accordée aux promoteurs. Malgré tout cet argent public investi, les résultats sont dérisoires. À peine 100 entreprises recensées à mi-année. À peine 21 d’entre elles réellement opérationnelles. Et aucune étude d’impact sérieuse pour justifier de tels choix budgétaires. On ne sait pas comment ces fonds sont alloués, à quels critères d’éligibilité, ni comment leur usage est contrôlé.

 

L’anachronisme d’un projet devenu risible

Alors que la Chine et les États-Unis s’affrontent pour la suprématie dans l’innovation, la Tunisie de Kaïs Saïed, elle, subventionne la culture des courges. Et plutôt que de faire un examen critique, le pouvoir accuse les cartels, les moqueries, la lourdeur administrative. Mais jamais lui-même. Il préfère s’entêter, quitte à enfoncer un peu plus l’économie et à ridiculiser davantage l’État.

Hasna Jiballah, pour sa part, continue de faire bonne figure, mais l’échec est patent. Son projet, qu’elle n’a ni su incarner ni crédibiliser, s’enlise. Et il est peu probable que les mois à venir changent quoi que ce soit à cette trajectoire descendante. À moins d’un sursaut politique. Ou d’un aveu d’échec. Mais ce serait faire trop d’honneur à la vérité.

 

Raouf Ben Hédi

19/06/2025 | 08:38
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Commentaires
ourwa
'?tre député/e, ce n'est pas une mince affaire, mais être secrétaire d'Etat, ça promet...
a posté le 19-06-2025 à 12:15
Cette idée géniale des Sociétés communautaires aurait des difficultés à démarrer; elles n'auraient même pas atteint 5% de leurs objectifs, depuis leur lancement. Et pourtant, la députée Hasna Jiballah met les bouchées doubles pour les secouer de leur scandaleuse torpeur. Qu'est-ce qui se passe, sinon le refus de ce peuple fainéant de travailler, malgré les subventions faramineuses de l'?tat qui leur ont été allouées...Des mauvaises langues auraient accusé ces sociétés d'être des Kolkhozes à la mode soviétique, communistes...La bonne blague ! Est-ce que Ahmed ben Salah, du temps de Bourguiba était communiste quand ii a inventé ses fameuses Coopératives, en commençant par le secteur agricole? Manifestement non, comme si Bourguiba et son PSD étaient communistes masqués... Tout le monde connaît la suite.. Ben Saleh était ministre d'?tat de Bourguiba, pourtant il est sorti par la petite porte du pouvoir, tout en ayant franchi les portes des prisons tunisiennes; syndicaliste d'origine, ignorant en matière économique et sociale, il aurait bricolé sa trouvaille comme un chamelier parkinsonien prétendant gagner la coupe du Monde des courses automobiles... Or, le décollage économique n'est pas une mince affaire, surtout pour un pays loin d'être riche par ces temps difficiles; ainsi, par Décision de l'?tat à un très haut niveau, Mme Hasna Jiballah vient d'être promue "secrétaire d'?tat ad hoc", "pour qu'elle s'occupe de ce projet." sic. Dans ce cas, ne doutons pas que ça va changer.
ObjeKtif mollahrdeux qui ceint Stal' toujours plus...
Loin des yeux du Marché, près du Koeur enturbané...
a posté le 19-06-2025 à 11:38
Sociétés Kommunautaires ou écheKS assurés.

POUR UNE ECONOMIE DIGNE DE CE QUART DE 21 SIECLE LOIN DES EKONOMIES ATTERRANTES PLANNIFIEES QUINKHANNALES ?

POUR UNE ECONOMIE LOIN DES LUBIES LENI(NE)NIFIANTES PSYKORIGIDES D'UN AUTRE TEMPS ?

RETOUR AUX PRINCIPES FONDAMENTAIX DEMOCRATIQUES D ESPRIT 2011 ET LETTRE 2014 COMMUNE SANS CONCESSIONS NI KONTORSIONS NI KKKOMPROMISSIONS NI CENSURES BaNanantes !
Abir
Perte du temps et de l'argent
a posté le 19-06-2025 à 11:36
Le peuple Tunisien assiste à une perte du temps et de l'argent jusqu'à la corruption, puisque ces projets bouffent de l'argent sans produire !
Jha
Pourquoi ...
a posté le 19-06-2025 à 11:14
Voici le classement des pays pour l'innovation en 2024 (voir site wipo.int)

Suisse/ Suède/ '?tats-Unis/ Singapour/ Royaume-Uni/ République de Corée/
Finlande/ Pays-Bas/ Allemagne/ Danemark/ Chine/ France/ Japon Canada/ Israël/ Estonie/ Autriche/ Hong Kong/ Irlande/ Luxembourg/ Norvège/ Islande/ Australie/ Belgique/ Nouvelle-Zélande/ Italie/ Chypre/ Espagne/ Malte/ République tchèque

La Tunisie est à 81/133 en global et 99/133 pour le capital humain et la recherche.....
Continuez à remplir les cafés bonnes gens...
riri
quelle surprise...
a posté le à 12:26
Ces pays ont tous en commun un climat des affaires sain, stable et transparent, un system juridique indépendant, un system politique démocratique où le débat contradictoire est encouragé et un secteur médiatique qui met la lumière sur les problèmes.

Quelle surprise...
Artus
et..et
a posté le à 13:40
et ils ne sont pas muslmants salafistes, baarouistes, moulakministes, avec des peids paunts la mycoses des mosqueés.
Lotfih
Article très bien structuré, chiffres à l'appui
a posté le 19-06-2025 à 10:31
Toute nouvelle dépense sur ce semblant de projet économique devra être considérée comme du gaspillage de l'argent public, passible de poursuites judiciaires
Ahmed
a cause de forces occultes externes et internes
a posté le 19-06-2025 à 10:24
et blabla blabla