Tribunes
La visite de François Hollande : un non-événement !

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Par Hédi SRAIEB*
On nous avait promis une refondation des relations tuniso-françaises. On allait voir ce qu’on allait voir !
Les diplomaties, les chancelleries n’avaient pas ménagé leurs efforts pour que cette rencontre soit marquée d’une pierre blanche ; on nous avait annoncé une « visite historique ».
Rien de tout cela. Le bilan est pour le moins mitigé. Les règles de la bienséance de la diplomatie traditionnelle auront manifestement pris le pas sur toute initiative audacieuse, sur l’annonce des mesures exceptionnelles et d’envergure.
Si donc non-événement il y a, les responsabilités ne peuvent être que partagées. Il faut être deux pour vouloir les choses et deux visiblement pour ne pas les vouloir !
Alors arrêtons-nous un instant sur l’attitude du chef d’Etat français.
François Hollande ne se sera pas départi de sa posture du juste milieu, ni-ingérence ni-indifférence, renouvelant la nécessité du respect « des droits de l’homme » et de la poursuite du « processus de transition démocratique ». Il aura réussi à faire plaisir à peu près à tout le monde, sans pour autant soulever le moindre enthousiasme.
Pouvait-il en être autrement ? C’est toute la question !
La reconnaissance des erreurs, des « blessures du passé » a rassuré une opinion troublée par « le savoir-faire français en matière de gestion des manifestations de rue ». La petite phrase « L’islam et la démocratie sont compatibles » a donné du baume au cœur à Ennahdha et ses alliés inquiets par les nouvelles en provenance d’Egypte. La promesse d’activer le processus de récupération des bien mal-acquis aura soulagé les nationalistes les plus ombrageux. Dont acte !
Celle de rajouter au soutien actuel de 500 millions via l’AFD, 60 millions d’euros en conversion de dettes. Pas de quoi soulever émerveillement et admiration !
Comme nous l’avions aussi pressenti dans un précédent papier les délicates et sensibles questions de l’actuel protocole bilatéral régissant l’immigration « choisie », celle de l’assouplissement des conditions d’obtention des visas, ou bien encore de la mise à disposition d’un plus grand nombre de bourses pour nos étudiants auront été soigneusement été évitées.
En réalité, faire porter la responsabilité de cet échec relatif, sur la seule partie française serait une erreur. On ne peut tout de même pas - excusez l’expression triviale - lui demander d’être plus royaliste que le roi si son vis-à-vis n’est pas en mesure de formuler ses exigences avec force et conviction. Car c’est bien là, possiblement, le drame !
Une partie tunisienne timorée, plus attachée à sauver les apparences des poncifs de la diplomatie : l’apparat, la solennité, le cérémonial…que de tenter de faire bouger les lignes de cette coopération, tant dans son contenu que dans sa forme, pour le moins caducs et obsolètes. En forçant le trait on pourrait même s’aventurer à dire que nos dirigeants en ont oublié qu’une révolution était passée par là et qu’ils n’étaient que provisoires. Un contexte de « cause de force majeure » complètement occultée.
La preuve de cette désinvolture, de cet aplomb aux limites de l’effronterie, n’est évidement pas à rechercher dans les déclarations à caractère strictement « politique », mais bien dans celles, bien plus discrètes, en coulisses, à caractère économique.
Le quarteron de responsables en charge de ces questions tient en effet pour acquise l’adoption des lois relatives au nouveau code d’investissement et au partenariat public privé, comme si tout cela n’était que « technique » et allait de soi.
Un simple enregistrement, une question de semaines, ont répété à loisir ministres et conseillers, à tous ceux qui voulaient l’entendre, mais surtout un message à destination de la communauté d’affaires des deux rives. Pas moins de 50 chefs d’entreprises françaises (dont plus de la moitié du CAC 40) qui avaient fait le déplacement (autant coté tunisien) ont ainsi pu, à la suite de leur multiples questions, être quelque peu rassérénés quant aux choix engageants et structurants pour l’avenir que souhaite prendre la troïka.
Une ode au « new business », un unanimisme suspect au PPP, nouvelle tarte à crème du co-développement. Il faudrait bien entendu plus d’un article pour démonter les mécanismes pervers que contient cette technique tant vantée pour ne pas dire adulée. Un américain passant par là aurait pu, dans son pragmatisme bien connu, dire « I smell dollars now ».
Quoiqu’il en soit la partie tunisienne n’aura fait preuve d’aucune imagination, d’aucune volonté, d’aucun courage, pour signifier à son homologue que l’urgence commandait tout d’abord un allégement du fardeau de la dette sous une forme ou sous une autre, de revisiter les clauses de l’accord d’association de libre échange bien peu favorables aux intérêts du pays, mais aussi et plus gravement, en la circonstance présente, comme des obstacles majeurs au rééquilibrage de nos échanges.
Que n’a-t-on pas entendu les voix de nos sages ! Chedly Ayari et Mansour Moalla, martèlent depuis maintenant fort longtemps que ce « principe de réciprocité » inscrit dans le marbre des textes de ce partenariat est une calamité, une incongruité dont font les frais à des degrés différentiés, les diverses composantes de notre société !
Nos néolibéraux islamo-compatibles n’en ont cure !
Dés lors, cette rencontre ne pouvait aller au-delà de cet indépassable du moment, celui du profil bas, celui d’une continuité de relations « sans vagues » pourtant déséquilibrées mais ignorées, asymétriques à plus d’un égard, qui ne redonnent aucune marge de manœuvre ni à court terme pour retrouver un second souffle, ni à moyen terme pour tenter de redéfinir un modèle de développement aujourd’hui à bout de souffle.
Mais gare au « souffle de cette révolution » qui pourrait bien revenir très fort et balayer ce qui reste d’un mimétisme caduc mais travesti en nouvelle politique de développement.
*Hédi Sraieb, Docteur d’Etat en économie du développement.
On nous avait promis une refondation des relations tuniso-françaises. On allait voir ce qu’on allait voir !
Les diplomaties, les chancelleries n’avaient pas ménagé leurs efforts pour que cette rencontre soit marquée d’une pierre blanche ; on nous avait annoncé une « visite historique ».
Rien de tout cela. Le bilan est pour le moins mitigé. Les règles de la bienséance de la diplomatie traditionnelle auront manifestement pris le pas sur toute initiative audacieuse, sur l’annonce des mesures exceptionnelles et d’envergure.
Si donc non-événement il y a, les responsabilités ne peuvent être que partagées. Il faut être deux pour vouloir les choses et deux visiblement pour ne pas les vouloir !
Alors arrêtons-nous un instant sur l’attitude du chef d’Etat français.
François Hollande ne se sera pas départi de sa posture du juste milieu, ni-ingérence ni-indifférence, renouvelant la nécessité du respect « des droits de l’homme » et de la poursuite du « processus de transition démocratique ». Il aura réussi à faire plaisir à peu près à tout le monde, sans pour autant soulever le moindre enthousiasme.
Pouvait-il en être autrement ? C’est toute la question !
La reconnaissance des erreurs, des « blessures du passé » a rassuré une opinion troublée par « le savoir-faire français en matière de gestion des manifestations de rue ». La petite phrase « L’islam et la démocratie sont compatibles » a donné du baume au cœur à Ennahdha et ses alliés inquiets par les nouvelles en provenance d’Egypte. La promesse d’activer le processus de récupération des bien mal-acquis aura soulagé les nationalistes les plus ombrageux. Dont acte !
Celle de rajouter au soutien actuel de 500 millions via l’AFD, 60 millions d’euros en conversion de dettes. Pas de quoi soulever émerveillement et admiration !
Comme nous l’avions aussi pressenti dans un précédent papier les délicates et sensibles questions de l’actuel protocole bilatéral régissant l’immigration « choisie », celle de l’assouplissement des conditions d’obtention des visas, ou bien encore de la mise à disposition d’un plus grand nombre de bourses pour nos étudiants auront été soigneusement été évitées.
En réalité, faire porter la responsabilité de cet échec relatif, sur la seule partie française serait une erreur. On ne peut tout de même pas - excusez l’expression triviale - lui demander d’être plus royaliste que le roi si son vis-à-vis n’est pas en mesure de formuler ses exigences avec force et conviction. Car c’est bien là, possiblement, le drame !
Une partie tunisienne timorée, plus attachée à sauver les apparences des poncifs de la diplomatie : l’apparat, la solennité, le cérémonial…que de tenter de faire bouger les lignes de cette coopération, tant dans son contenu que dans sa forme, pour le moins caducs et obsolètes. En forçant le trait on pourrait même s’aventurer à dire que nos dirigeants en ont oublié qu’une révolution était passée par là et qu’ils n’étaient que provisoires. Un contexte de « cause de force majeure » complètement occultée.
La preuve de cette désinvolture, de cet aplomb aux limites de l’effronterie, n’est évidement pas à rechercher dans les déclarations à caractère strictement « politique », mais bien dans celles, bien plus discrètes, en coulisses, à caractère économique.
Le quarteron de responsables en charge de ces questions tient en effet pour acquise l’adoption des lois relatives au nouveau code d’investissement et au partenariat public privé, comme si tout cela n’était que « technique » et allait de soi.
Un simple enregistrement, une question de semaines, ont répété à loisir ministres et conseillers, à tous ceux qui voulaient l’entendre, mais surtout un message à destination de la communauté d’affaires des deux rives. Pas moins de 50 chefs d’entreprises françaises (dont plus de la moitié du CAC 40) qui avaient fait le déplacement (autant coté tunisien) ont ainsi pu, à la suite de leur multiples questions, être quelque peu rassérénés quant aux choix engageants et structurants pour l’avenir que souhaite prendre la troïka.
Une ode au « new business », un unanimisme suspect au PPP, nouvelle tarte à crème du co-développement. Il faudrait bien entendu plus d’un article pour démonter les mécanismes pervers que contient cette technique tant vantée pour ne pas dire adulée. Un américain passant par là aurait pu, dans son pragmatisme bien connu, dire « I smell dollars now ».
Quoiqu’il en soit la partie tunisienne n’aura fait preuve d’aucune imagination, d’aucune volonté, d’aucun courage, pour signifier à son homologue que l’urgence commandait tout d’abord un allégement du fardeau de la dette sous une forme ou sous une autre, de revisiter les clauses de l’accord d’association de libre échange bien peu favorables aux intérêts du pays, mais aussi et plus gravement, en la circonstance présente, comme des obstacles majeurs au rééquilibrage de nos échanges.
Que n’a-t-on pas entendu les voix de nos sages ! Chedly Ayari et Mansour Moalla, martèlent depuis maintenant fort longtemps que ce « principe de réciprocité » inscrit dans le marbre des textes de ce partenariat est une calamité, une incongruité dont font les frais à des degrés différentiés, les diverses composantes de notre société !
Nos néolibéraux islamo-compatibles n’en ont cure !
Dés lors, cette rencontre ne pouvait aller au-delà de cet indépassable du moment, celui du profil bas, celui d’une continuité de relations « sans vagues » pourtant déséquilibrées mais ignorées, asymétriques à plus d’un égard, qui ne redonnent aucune marge de manœuvre ni à court terme pour retrouver un second souffle, ni à moyen terme pour tenter de redéfinir un modèle de développement aujourd’hui à bout de souffle.
Mais gare au « souffle de cette révolution » qui pourrait bien revenir très fort et balayer ce qui reste d’un mimétisme caduc mais travesti en nouvelle politique de développement.
*Hédi Sraieb, Docteur d’Etat en économie du développement.
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