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Tribunes
L'ignorance doublée d'incurie du gouvernement provisoire !
11/06/2013 | 1
min
L'ignorance doublée d'incurie du gouvernement provisoire !
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Par Hédi Sraieb *

 
A l’évidence, ceux qui sont en charge des affaires du pays ont eu le temps de prendre connaissance des dossiers, de se familiariser avec les rouages et les personnels de l’Etat.

Ce qui saute aux yeux c’est la méconnaissance « crasse », l’inculture inexcusable, de tout un aréopage de ministres, de conseillers spécialisés, d’experts censés établir le diagnostic des maux dont souffre cette société, formuler des recommandations consensuelles, élaborer une feuille de route. Rien de tout cela. Loin s’en faut.

La crise révolutionnaire se réduirait à la corruption, les mouvements sociaux à une croissance économique trop faible. Une boucle infernale désordre-instabilité-sous-investissement se serait installée, totalement indépendante de leur volonté.

Des raisonnements inconsistants, inconséquents. Resterait, alors, à déterminer ce qui est de l’ordre de l’inconscience, de l’incompréhension, et ce qui est de l’ordre de la duplicité fourbe, de l’hypocrisie sournoise. Difficile à démêler !

D’un coté, ils se ruent sur les maigres recettes de l’Etat, offrant à qui, augmentations de salaires et indemnités, à d’autres réparations et dédommagements, répondant ainsi à une logique de revanche de possession, de boulimie inextinguible des artefacts (privilège, faveur, honneur et prestige) de la fonction.  Mais qu’à cela ne tienne, il suffit de recourir à l’endettement quitte à alourdir la charge de remboursement.

De l’autre, et se rendant compte que ces nouvelles dettes ne paient que pour les dépenses courantes de l’Etat, les apprentis sorciers sont prêts à vendre tout ce qui leur tombent sous la main: sites phosphatiers et d’hydrocarbures, banques nationales, et selon toute vraisemblance, la cession « soldée » du secteur public (car lui aussi endetté) au bénéfice de capitaux étrangers. Des entreprises publiques, déjà, en ligne de mire, taxées de gestion inefficace. Toujours ce raisonnement simpliste et perfide.

En moins de temps qu’il ne faut pour le dire, c.a.d en deux ans, 5 points de plus d’endettement soit, en gros, 6 milliards, pour payer des dépenses courantes en croissance exponentielle. Une impéritie qui le dispute à l’imposture.

Tout de même, un gouvernement grotesque, si les choses n’étaient pas aussi sérieuses, incapable de la moindre action préventive ou correctrice. Qu’il s’agisse des caprices du climat (inondations non secourues, coupures d’eau potable comblées par des eaux minérales importées) ou de réorganisation économique (la vente de parts d’une banque à une société inconnue basée au Luxembourg) ou encore de braderies et de ventes aux enchères. On croit rêver ! Difficile ici de dresser un inventaire à la Prévert.

Mais il paraît qu’il faut les prendre au sérieux. Revêtus des habits de la légitimité publique (ils ont horreur du mot provisoire), ils ont adopté, à s’y méprendre, des postures mimétiques de celles du gouvernement déchu : pléthore de vrais-faux conseillers, de responsabilité ministérielle en cheminée (ce n’est pas moi, c’est la porte à coté). Mais cette inconséquence aveugle s’accompagne tout de même d’un raisonnement éminemment politique et d’un calcul politicien : Consolider pour conserver le pouvoir.

Pas étonnant alors ces vagues de remplacements, de nominations, de recrutements, sous le regard sidéré et médusé d’une population en émoi, mais aussi de celui non moins décontenancé des fidèles parmi les fidèles de cette coalition contre nature. Mais alors pour combien de temps encore ?

Ce triumvirat ne manque pas, à l’évidence, non plus d’habilité et de ruse.

Il a su multiplier les diversions, instrumentalisant, - mais non sans risque d’effet boomerang-, les mouvements de l’islam fondamentaliste, se donnant ainsi et à bon compte, une image d’islamisme « modéré ». La Troïka a entretenu des divisions artificiellement montées en épingle. Du temps, du temps pour conserver le pouvoir !

Il est vrai aussi que les « provisoires » ont réussi à s’attirer les sympathies et les bonnes grâces des monarchies du golfe, tout en « neutralisant » des alliés traditionnels du pays pour le moins embarrassés et timides. Une géopolitique pour l’instant favorable.

Mais d’autres forces sont à l’œuvre, invisibles et sournoises, qui sapent tous les jours et en toute discrétion le projet de cette coalition. L’imperceptible dégradation de la situation d’ensemble (perte de pouvoir d’achat des couches moyennes et populaires, du creusement du déficit courant, de celui des finances publiques). De plus, une dévaluation rampante qui renchérit des importations incompressibles et qui réduit la valeur d’exportations toujours plus gourmandes en intrants importés. Nous avons même frôlé de peu la catastrophe. Un surcroît de sorties de devises pour lequel le gouverneur de la BCT aux abois et otage de cette politique, a du lâcher quelques semaines précieuses de réserves de devises. Un matelas qui fond comme neige au soleil !

Une nasse ou un nœud coulant, qui se resserre à la dérobée, et dans lequel s’enferrent les choix de cette coalition. Une fuite éperdue en avant !  Inexorablement cette politique va être rattrapée par les dures réalités économiques. Il faudra bien redresser les comptes !
 
D’ailleurs les signes avant-coureurs sont là. L’annonce de réformes structurelles sonne comme l’imminence d’une politique d’austérité. Pas question de trop toucher à la fiscalité du capital. Trop dangereux. Mais en revanche, autre diversion, une refonte complète du système de subventions aux produits de première nécessité (qui ne sont jamais que des dépenses de transfert et de soutien au pouvoir d’achat). Pas étonnant que la caisse de compensation soit la bête noire, le bouc émissaire, de ces réformes qui vont s’en prendre aux revenus familiaux, sous le prétexte fallacieux que seuls 20% (les plus pauvres) bénéficient réellement de ces subventions. Suivront logiquement hausses de tarifs publics, mais aussi coupe-sombres dans les budgets sociaux des caisses de sécurité sociale comme des retraites. Passez en force ! Encore difficile.

Les semaines à venir seront décisives, mais aussi celles de tous les dangers. Le recul des recettes en devises (tourisme, phosphates, textiles, mécanique) pourrait fort bien de se traduire en une crise d’insolvabilité. Les crispations autour de la constitution risquent fort de se transformer en un épiphénomène. On ne badine pas avec les lois économiques. Reste que cette stratégie de la tension orchestrée, par une troïka aux abois, pourrait bel et bien se retourner contre elle-même et être emportée par une lame de fond du mécontentement généralisé. Mais restera alors et aussi à une opposition encore traversée de contradictions à se constituer en véritable alternative, ce qui admettons-le est encore loin d’être le cas…. A suivre

 
* Hédi Sraieb, Docteur d’Etat en économie du développement
11/06/2013 | 1
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