Chroniques
Quel salaire touche un patron du Tunindex ?

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Par Nizar BALOUL
Autant le dire tout de suite. Cette chronique ne répondra pas à la question de son titre. Ainsi, curieux et indiscrets ne seront pas déçus en arrivant à la fin de la page sans avoir trouvé réponse à cette indélicate, indiscrète, et taboue question qu’est : combien gagnent nos grands chefs d’entreprises cotées en bourse.
Nous sommes en 2009 et, en bons Tunisiens, nous continuons encore à traîner des susceptibilités sur les questions d’argent. Cela fait partie de notre culture franco-arabe. En Amérique du Nord et dans plusieurs pays européens - souci de transparence oblige ! - les salaires des patrons sont connus par tous les bipèdes. En Tunisie, on s’évertue à faire blocage et sur la question et sur la réponse. Idem en France ou presque. Dix ans en arrière, poser cette question à un patron du CAC40 était inimaginable. Ça l’est moins aujourd’hui, mais ça l’est encore et nombreux sont les patrons français frileux qui ne communiquent pas publiquement leurs revenus.
Il s’appelle Nicolas Sarkozy et il est président de la France. La semaine dernière, il a conditionné les grosses aides au secteur bancaire par le fait que les patrons de ces banques abandonnent obligatoirement leurs colossaux bonus. Que pèsent le bonus et le salaire d’un patron d’une banque par rapport à ses charges d’exploitation ? Théoriquement, pas grand-chose. Mais si Sarkozy en fait un lien, en demandant publiquement ce sacrifice, c’est que ces bonus doivent être colossaux. Peut-être même indécents. A moins que, hypothèse plus probable, le président français désire lancer un message entre les lignes aux membres des conseils d’administration: arrêtez d’user de différents subterfuges pour vous servir sans modération les uns les autres !
En est-il de même en Tunisie ? Lorsqu’on sait que la culture bancaire et entrepreneuriale tunisienne est fortement inspirée de la culture française, il y a des chances. Et quand on sait que les présidents et membres de conseil de plusieurs de nos banques et entreprises cotées en bourse sont français, il y a de très fortes chances pour que ceux-ci touchent de gros émoluments, proportionnellement comparables à ce qu’ils touchent en France, sinon davantage. Grand bien leur en fasse !
Seulement voilà, il est du droit des actionnaires (et notamment des petits) de s’interroger pourquoi le conseil d’administration d'une banque ou d'une entreprise les prive d’un dividende ou leur accorde quelques centaines de millimes de rétribution par action alors que les membres de ce même conseil s’autorisent de larges sommes. Inutile de préciser que l’adjectif "larges" reste à vérifier, mais il est fort à parier qu’il n’est pas exagéré.
Un patron de banque pourra-t-il confortablement annoncer zéro dividende à ses petits actionnaires si ceux-ci apprennent que les membres du conseil lui ont autorisé un bonus et une augmentation de salaire se chiffrant en dizaines de milliers de dinars ? Un petit actionnaire (et notamment s’il était représenté au conseil d’administration par une association) pourra-t-il avaliser ces émoluments lorsqu’une entreprise est déficitaire ?
Dans l’état actuel des choses, et au vu de l’"opacité" qui règne, il est tout à fait possible que le dirigeant d’une entreprise déficitaire, voire aux abois, se fasse accorder par son conseil plusieurs milliers de dinars de salaire par mois, sans que personne ne crie au scandale. C’est normal, puisque ceux qui lui ont accordé ce salaire se sont, eux-mêmes, accordé de confortables émoluments. Les bons managers savent toujours renvoyer l’ascenseur.
Interrogé récemment par Business News sur le salaire des dirigeants de son groupe, Abdelwaheb Ben Ayed a eu cette réponse à la fois diplomatique et sibylline (mais avec beaucoup de courtoisie) qui, avouons-le, cloue le bec de tout canard : « Nous avons trois grilles de rémunération au niveau du management dont la minimale est conforme à la moyenne. Des bonus sont octroyés en sus en fonction des objectifs fixés, mais également (en sus du sus) en fonction de l’enrichissement de la société et de l’évolution des bénéfices. Nous ne payons pas la fatigue, mais l’argent qu’elle a ramené. Cette politique touche également les ouvriers qui sont récompensés pour leur sérieux, leur ponctualité, leur apparat, etc. J’admets, et cela est dû aux bénéfices générés, que certains de nos dirigeants peuvent toucher de gros salaires ».
- Qu’entendez-vous par gros salaires si Abdelwaheb ?
– « Je ne peux pas vous le dire afin de ne pas créer des animosités au sein de l’équipe et une gêne et un embarras fortement compréhensibles chez les uns et les autres, répond M. Ben Ayed. Vous ne voulez quand-même pas créer un "déséquilibre social" tout à fait improductif chez nos managers ? »
A cette implacable réponse, on ne peut pas, cependant, ne pas opposer ce qui se passe ailleurs, en Europe (Allemagne, Scandinavie, Royaume Uni notamment) et Amérique du Nord. Pourquoi le déséquilibre se créerait ici et pas ailleurs ? Pourquoi la transparence serait fortement productive et génératrice de richesses chez les uns et cesserait de l’être chez nous ?
Par nécessité de transparence, mais aussi pour être juste à l’égard des petits actionnaires, qui ont le droit de savoir combien "ils ont" rémunéré les dirigeants de "leur" entreprise, les salaires des managers devraient être publics et affichés dans les rapports.
De toute façon, et inévitablement, nous allons y arriver si nous tenons à ce que notre management devienne comparable à celui des pays développés. Certains dirigeants (notamment de l’ancienne école) feront tout pour retarder cette échéance, mais un jour viendra où quelqu’un fera briser ce tabou culturel franco-arabe et se distinguera de ses pairs avec son souci (non démesuré) de transparence. Ce manager-là entrera dans l’Histoire et fera, pendant longtemps, parler de lui. Qui sera le premier ?
Autant le dire tout de suite. Cette chronique ne répondra pas à la question de son titre. Ainsi, curieux et indiscrets ne seront pas déçus en arrivant à la fin de la page sans avoir trouvé réponse à cette indélicate, indiscrète, et taboue question qu’est : combien gagnent nos grands chefs d’entreprises cotées en bourse.
Nous sommes en 2009 et, en bons Tunisiens, nous continuons encore à traîner des susceptibilités sur les questions d’argent. Cela fait partie de notre culture franco-arabe. En Amérique du Nord et dans plusieurs pays européens - souci de transparence oblige ! - les salaires des patrons sont connus par tous les bipèdes. En Tunisie, on s’évertue à faire blocage et sur la question et sur la réponse. Idem en France ou presque. Dix ans en arrière, poser cette question à un patron du CAC40 était inimaginable. Ça l’est moins aujourd’hui, mais ça l’est encore et nombreux sont les patrons français frileux qui ne communiquent pas publiquement leurs revenus.
Il s’appelle Nicolas Sarkozy et il est président de la France. La semaine dernière, il a conditionné les grosses aides au secteur bancaire par le fait que les patrons de ces banques abandonnent obligatoirement leurs colossaux bonus. Que pèsent le bonus et le salaire d’un patron d’une banque par rapport à ses charges d’exploitation ? Théoriquement, pas grand-chose. Mais si Sarkozy en fait un lien, en demandant publiquement ce sacrifice, c’est que ces bonus doivent être colossaux. Peut-être même indécents. A moins que, hypothèse plus probable, le président français désire lancer un message entre les lignes aux membres des conseils d’administration: arrêtez d’user de différents subterfuges pour vous servir sans modération les uns les autres !
En est-il de même en Tunisie ? Lorsqu’on sait que la culture bancaire et entrepreneuriale tunisienne est fortement inspirée de la culture française, il y a des chances. Et quand on sait que les présidents et membres de conseil de plusieurs de nos banques et entreprises cotées en bourse sont français, il y a de très fortes chances pour que ceux-ci touchent de gros émoluments, proportionnellement comparables à ce qu’ils touchent en France, sinon davantage. Grand bien leur en fasse !
Seulement voilà, il est du droit des actionnaires (et notamment des petits) de s’interroger pourquoi le conseil d’administration d'une banque ou d'une entreprise les prive d’un dividende ou leur accorde quelques centaines de millimes de rétribution par action alors que les membres de ce même conseil s’autorisent de larges sommes. Inutile de préciser que l’adjectif "larges" reste à vérifier, mais il est fort à parier qu’il n’est pas exagéré.
Un patron de banque pourra-t-il confortablement annoncer zéro dividende à ses petits actionnaires si ceux-ci apprennent que les membres du conseil lui ont autorisé un bonus et une augmentation de salaire se chiffrant en dizaines de milliers de dinars ? Un petit actionnaire (et notamment s’il était représenté au conseil d’administration par une association) pourra-t-il avaliser ces émoluments lorsqu’une entreprise est déficitaire ?
Dans l’état actuel des choses, et au vu de l’"opacité" qui règne, il est tout à fait possible que le dirigeant d’une entreprise déficitaire, voire aux abois, se fasse accorder par son conseil plusieurs milliers de dinars de salaire par mois, sans que personne ne crie au scandale. C’est normal, puisque ceux qui lui ont accordé ce salaire se sont, eux-mêmes, accordé de confortables émoluments. Les bons managers savent toujours renvoyer l’ascenseur.
Interrogé récemment par Business News sur le salaire des dirigeants de son groupe, Abdelwaheb Ben Ayed a eu cette réponse à la fois diplomatique et sibylline (mais avec beaucoup de courtoisie) qui, avouons-le, cloue le bec de tout canard : « Nous avons trois grilles de rémunération au niveau du management dont la minimale est conforme à la moyenne. Des bonus sont octroyés en sus en fonction des objectifs fixés, mais également (en sus du sus) en fonction de l’enrichissement de la société et de l’évolution des bénéfices. Nous ne payons pas la fatigue, mais l’argent qu’elle a ramené. Cette politique touche également les ouvriers qui sont récompensés pour leur sérieux, leur ponctualité, leur apparat, etc. J’admets, et cela est dû aux bénéfices générés, que certains de nos dirigeants peuvent toucher de gros salaires ».
- Qu’entendez-vous par gros salaires si Abdelwaheb ?
– « Je ne peux pas vous le dire afin de ne pas créer des animosités au sein de l’équipe et une gêne et un embarras fortement compréhensibles chez les uns et les autres, répond M. Ben Ayed. Vous ne voulez quand-même pas créer un "déséquilibre social" tout à fait improductif chez nos managers ? »
A cette implacable réponse, on ne peut pas, cependant, ne pas opposer ce qui se passe ailleurs, en Europe (Allemagne, Scandinavie, Royaume Uni notamment) et Amérique du Nord. Pourquoi le déséquilibre se créerait ici et pas ailleurs ? Pourquoi la transparence serait fortement productive et génératrice de richesses chez les uns et cesserait de l’être chez nous ?
Par nécessité de transparence, mais aussi pour être juste à l’égard des petits actionnaires, qui ont le droit de savoir combien "ils ont" rémunéré les dirigeants de "leur" entreprise, les salaires des managers devraient être publics et affichés dans les rapports.
De toute façon, et inévitablement, nous allons y arriver si nous tenons à ce que notre management devienne comparable à celui des pays développés. Certains dirigeants (notamment de l’ancienne école) feront tout pour retarder cette échéance, mais un jour viendra où quelqu’un fera briser ce tabou culturel franco-arabe et se distinguera de ses pairs avec son souci (non démesuré) de transparence. Ce manager-là entrera dans l’Histoire et fera, pendant longtemps, parler de lui. Qui sera le premier ?
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