
Durant une décennie, l’activité économique a fonctionné au ralenti, autour d’une moyenne annuelle de 1%. Soit à peu près au rythme du croît démographique. Autrement dit, globalement, l’économie du pays a fait du sur-place. Cela fait dix ans que les années « difficiles » se succèdent. Que dire alors des années qui se profilent. Elles risquent d’être plus pénibles encore.
La publication coup sur coup des résultats de la croissance et de l’emploi pour l’année 2020 par l’Institut national de la statistique (INS) et des « évolutions économiques et monétaires » de 2020 par la Banque centrale de Tunisie (BCT) illustre une fois de plus le seuil critique dans lequel se situe l’économie du pays en raison de choix économiques qui obéissaient plus à des considérations politiques clientélistes qu’à des impératifs socioéconomiques logiques.
Durant cette période, on a complètement démantelé les acquis engrangés avant 2011 au lieu de s’attaquer aux problèmes qui minaient insidieusement le développement socioéconomique du pays durant la décennie 2000. Car, en fait, la seule performance dont peuvent se prévaloir ceux qui étaient aux commandes du pays avant 2011, c’est la gestion des finances publiques et extérieures du pays et que les gouvernements successifs après 2011 ont totalement dilapidées. Hormis, ce ne fut que broutilles ou poudres aux yeux.
Certes, la Tunisie a enregistré une croissance réelle de 4% en moyenne au cours de la décennie 2000. Mais elle a été répartie de façon inéquitable. Le taux d’investissement durant cette même période a stagné en raison de l’émergence d’une oligarchie qui a mis à genou les banques publiques d’une part et de l’apparition concomitante du phénomène de l’économie de rente qui a phagocyté la libre entreprise. Au cours de cette décennie 2000, on a beau tenter de réduire le taux des créances irrécouvrables du système bancaire, le péril d’un effondrement du système bancaire était évident. L’évaluation de la stabilité du système financier effectuée par une équipe du FMI en 2013 a été sans appel sur le risque d’insolvabilité de certaines banques de la place et particulièrement des banques publiques dont le sauvetage s’est fait à coup de centaines de millions de dinars de recapitalisation. Au niveau social, il n’y a vraiment pas de quoi pavoiser. Et si le taux de chômage avoisinait les 12% à l’époque, il subissait souvent quelques « ajustements » par le biais de l’emploi dans le secteur agricole dont les statistiques sont souvent aléatoires, prêtant à de sérieuses réserves ou bien par le biais de phénomènes conjoncturels comme l’offre d’emploi émanant de notre voisin libyen. Quant à la pauvreté, le pouvoir en place a tenté par plusieurs circonvolutions d’en minimiser l’ampleur usant du taux de pauvreté absolu au lieu du taux de pauvreté communément admis qui affichait 15% environ. Il ne s’agit pas de croire qu’avant est meilleur qu’aujourd’hui. C’est la situation d’aujourd’hui qui est pire que celle d’avant.
En effet, le pays est au bord de l’effondrement. Et ce n’est nullement le gouvernement de Hichem Mechichi, même dans sa nouvelle version, qui changera quoi que ce soit. Ce n’est pas tant l’absence de vision de moyen et long terme qui lui est reproché. Ces prédécesseurs n’en avaient pas non plus. Ce sont ses prévisions et ses anticipations de court terme qui font totalement défaut. Car, enfin, tout un chacun savait pertinemment que le projet de loi de finances et celui du budget de l’Etat étaient irréalistes. Le déséquilibre entre les ressources et les dépenses du budget est trop important pour être comblé. L’épreuve des faits vient de le confirmer et la nécessité d’une loi de finances complémentaire ne tient plus de l’hypothèse mais est devenue une nécessité impérieuse.
Aujourd’hui, le gouvernement n’a plus d’autres choix que de trancher dans le vif pour sauver ce qui reste encore à sauver. Il n’est plus question de considérer les dépenses d’investissement comme une variable d’ajustement budgétaire dans la mesure où cette démarche va altérer irrémédiablement la croissance potentielle du pays. Maintenant, il va bien falloir opérer des coupes sombres sur les dépenses de subvention et les dépenses de rémunération. Il va bien falloir se résoudre à céder tout ou une partie de certaines entreprises publiques en espérant qu’elles trouvent preneur. Il va bien falloir opérer un véritable toilettage de l’administration et de la fonction publique et mettre fin à des rentes de situation proprement aberrantes dans certains établissements et entreprises publics. C’est par ce biais que la lutte contre la fraude et la corruption devient plus probante.
Tout cela et d’autre encore, le gouvernement Mechichi pourra-t-il le réaliser, à tout le moins engager un processus dans ce sens ? Rien n’est moins sûr. Ce gouvernement semble mort-né.


