
« Il faut toujours préférer l'hypothèse de la connerie à celle du complot. La connerie est courante. Le complot demande un esprit rare ». Cette célèbre citation de l’ancien ministre français, Michel Rocard, raisonne bruyamment quand on suit l’actualité nationale en Tunisie. Une quatrième affaire de complot contre l’État a été ouverte par le pôle antiterroriste le 30 mai 2023. Pas moins de 21 personnes sont accusées de terrorisme et de complots dont deux anciens chefs du gouvernement, des sécuritaires de haut rang, des hommes politiques et de hauts responsables de l’État.
Décidément les comploteurs sont partout ! Les services tunisiens se sont rendu compte qu’ils gangrénaient l’État dans ses plus hautes fonctions pendant des années et la justice est bien décidée à y mettre un terme. En quelques mois, quatre complots contre l’État ont été découverts et des dizaines de personnes ont été mises en prison à titre préventif. On ne sait pas encore ce qui leur est précisément reproché ni quels sont les faits relatifs à ces complots, mais on complote.
Le pouvoir actuel semble être la cible de tous. Au début, le pouvoir accusait d’obscurs spéculateurs de tenter d’assécher le marché des produits de base pour provoquer des mouvements sociaux violents. Un décret sévère a été publié pour mettre un terme à ces pratiques. Il s’est avéré ensuite que ce décret était totalement inefficace car le manque de produits de base est dû à la situation des finances de l’État. Ensuite, ce fût au tour des politiciens d’être accusés de complot contre l’État et de terrorisme. Sur cette base, des personnes comme Issam Chebbi, Ghazi Chaouachi et Chaïma Issa ont été emprisonnées. Après, il fallait s’attaquer à Ennahdha et à son président. C’est ainsi que Rached Ghannouchi a été mis en prison pour une déclaration et que le ministre de l’Intérieur a utilisé le décret réglementant l’état d’urgence pour faire fermer les locaux d’Ennahdha et du Front de salut. Mais comme les comploteurs sont partout, on entend depuis quelques semaines la rengaine selon laquelle l’État est infiltré et il faut l’assainir, d’où les nouvelles affaires de complot. A en croire les soutiens et les vociférateurs pro Kaïs Saïed, il y aurait même certains ministres du gouvernement de Najla Bouden, pourtant soigneusement choisis par le Président, qui ne seraient pas en phase avec le projet présidentiel et qui travailleraient pour d’autres intérêts. Peut-être que le prochain complot aura pour théâtre le palais présidentiel tellement les cercles de comploteurs deviennent de plus en plus étroits.
Tout cela sans parler des multiples tentatives d’assassinat du président de la République dont nous avons largement entendu parler sans qu’il n’y ait la moindre avancée. Enveloppe empoisonnée, tunnel menant à la résidence de l’ambassadeur de France, réunions secrètes, complot visant à attenter aux jours du président mené par une personne sous protection sécuritaire etc. Durant ces dernières années, si l’on en croit le président, le complot est partout. Il a même dépassé les frontières puisque même la question de la migration clandestine a été abordée, un soir de février 2023, sous l’angle d’un complot criminel visant à « modifier la composition démographique de la société tunisienne ».
Cette idée selon laquelle les comploteurs sont partout et se recrutent même au sein des chefs du gouvernement, des magistrats, des ministres et des sécuritaires est tout de même bien pratique. Elle permet à la populace de se reconnaitre dans une histoire liée aux croyances qui ont gouverné le monde arabe depuis les années 70 et 80. Les présidents de l’époque évoquaient toujours des complots américano-sionistes visant à déstabiliser leurs pays respectifs. Cette logorrhée s’est installée pendant des décennies et gare à celui qui oserait la remettre en doute car il serait immédiatement classé parmi les comploteurs. Accessoirement, cela a participé à l’installation des dictatures arabes qui ont duré pendant des dizaines d’années, malgré tous les complots supposés. D’un autre côté, la théorie du complot est bien pratique pour justifier tous les échecs. S’il n’y a pas de produits de base sur les marchés, c’est à cause des comploteurs. Si le pays est de plus en plus isolé sur la scène internationale, c’est à cause des comploteurs. Si l’État n’a plus d’argent, c’est aussi à cause des comploteurs. C’est un prétexte très pratique pour justifier l’incapacité à réformer que ce soit ni même à préserver l’existant. En tout cas, un large public semble croire à ces théories et se complait dans la victimisation et la pleurnicherie. C’est tellement pratique de rejeter nos propres défaillances sur d’obscures forces qui nous seraient tellement supérieures.
Le complotisme a le vent en poupe dans plusieurs démocraties du monde. Il s’agit d’un phénomène qui dispense ses partisans de penser, d’agir et de travailler à améliorer les choses. Sauf qu’en Tunisie, la chose est bien plus grave. Dans les démocraties avancées comme celle des États-Unis, il y a des institutions qui préservent un minimum de bon sens et qui empêchent les présidents, aussi farfelus soient-ils, de porter atteinte aux valeurs communes sur lesquelles ces nations se sont construites. En Tunisie, nous sommes loin de cela et le complot devient aisément politique. Les institutions censées circonscrire la tendance sont mobilisées pour la consacrer encore plus. Justice, sécuritaires, certains journalistes et partis politiques adoptent sans détour la théorie selon laquelle l’État et le Président sont encerclés de complots tout aussi diaboliques les uns que les autres. Maintenant, reste à le prouver. C’est une toute autre paire de manches.



monsieur le président, des gens qui enduré quotidiennement juste pour vivre, et personne au monde ne peut comploter s'il est affamé et affaiblie par les populisme qu'il écoute Chaque jour. Je vous espère une longue vie et santé pour voir la Tunisie prospère et les citoyens souriants partout sans la théorie du complot.
Z'êtes pas gâtés :(
Une règle, theorem proverbe..infaillible sa marche à tous les coups et en tou temps