Sami Fehri, les grosses merdes et les autres…
L’événement de cette fin de semaine n’a pas été l’interview du chef du gouvernement, et c’est bien dommage car chacune des apparitions de Youssef Chahed est très suivie et très attendue. On aurait aimé voir un Youssef Chahed avec des annonces plus concrètes, plus à l’aise dans son rôle et plus apte à en assumer la responsabilité. Ce sera sans doute pour la prochaine fois…
L’événement de cette fin de semaine était plutôt la démission du journaliste et animateur télé Elyes Gharbi. Certains diront qu’il « faut savoir quitter la table lorsque l'amour est desservi » d’autres reprendront une maxime bien tunisienne pour dire que « lorsqu’il n’y a plus de respect, il n’y a plus de relation ». Et c’est ce qu’a fait Elyes Gharbi samedi.
Celui qui défendait, bec et ongles, il y a à peine une semaine, sa chaîne El Hiwar Ettounsi, aux prises avec le syndicat des journalistes, a préféré lui tourner le dos en déposant une démission irrévocable. Décision courageuse saluée par ses confrères et par certains politiques intéressés par la chose médiatique. Lorsque la censure est là, plus aucun intérêt à faire son métier de journaliste.
Plusieurs personnes ne cessent de répéter que la grande et inaltérable liberté de la presse est le plus grand acquis, et le seul d’ailleurs, de la révolution de 2011. Ces gens-là sont un peu naïfs. De la censure, il y en a encore et il y en aura toujours. Des patrons de médias qui se comportent comme des dieux tout puissants, il y en a aussi.
Elyes Gharbi, qui traitait de « grosses merdes » tous ceux qui osaient critiquer ou dénigrer la chaîne El Hiwar a finalement compris l’ampleur de son emballement. Derrière cet emballement, un seul homme : Sami Fehri. Sami Fehri a très peu digéré « l’affront » fait par Néji Bghouri, président du syndicat des journalistes, qui a refusé sa présence à une rencontre réunissant le SNJT au gouvernement. Pour laver son honneur, il diffuse en boucle sur sa chaîne un communiqué injuriant le syndicat et son président. Pour ça, il est soutenu par son équipe et par ses journalistes vedettes, dont Elyes Gharbi.
Mais Sami Fehri qui était défendu par Elyes Gharbi, contre vents et marées, n’a pas hésité à le censurer « derrière son dos » et de la pire des manières.
Ce même Sami Fehri, qui était lors de ses déboires avec la justice, défendu, contre vents et marées, par le syndicat des journalistes, avec à sa tête Néji Bghouri, et par une bonne partie de la corporation, n’a pas hésité non plus à utiliser sa chaîne pour les dénigrer ouvertement.
Une chaîne qui, il y a à peine une semaine, donnait des leçons de professionnalisme et d’éthique à l’ensemble de la corporation, mais qui s’est, elle-aussi, avouée vaincue par le même mal qui ronge une bonne partie du secteur : la fatale et toute puissante censure brandie par certains patrons de médias pour justifier leurs grands pouvoirs et défendre leur indéfendable droit de « disposer librement de leur média ».
Mais Sami Fehri traine encore aujourd’hui des casseroles trop lourdes pour être ignorées et ses déboires avec la justice n’ont toujours pas été résolus. Entre l’affaire de la télévision nationale et celle, en cours, relative à une supposée malversation dans son émission « Dlilek Mlak », Sami Fehri se devait de faire un choix.
Pour y faire face, deux possibilités: se tourner vers sa corporation et assumer les décisions de la justice, ou alors faire ami-ami avec le pouvoir afin de tenter de se blanchir. C’est la deuxième que Sami Fehri choisit, et ce n’est certes pas la meilleure.
Au lieu de préférer l’appel de la raison, c’est-à-dire, garder sa corporation à ses côtés, Sami Fehri préfère faire les yeux doux à un pouvoir qui n’hésitera pas à le lâcher une fois qu’il n’aura plus rien à lui offrir ou qu’il ne sera plus là pour l’épauler. Ce jour-là Sami Fehri sera seul contre tous et ce jour-là n’est pas très loin…