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Tribunes
Sa première réaction, avant des larmes de rage, a été un rire
28/01/2025 | 12:33
5 min
Sa première réaction, avant des larmes de rage, a été un rire

 


Par Ramla Dahmani Accent*

 

Elle a attendu. Vendredi, Sonia a attendu jusqu’à 21h. Puis elle a compris. Compris qu’il n’y aurait rien. Pas un mot. Pas une annonce. Même pas la décence de lui dire son sort. Rien. Rien à espérer, rien à attendre, rien qu’un mépris glacial. Rien que cette attente, cette torture lente qui broie davantage que n’importe quelle sentence. Alors elle s’est couchée, et a survécu à un week-end coupée du monde.

 

La sentence tombe

Ce matin, la sentence est tombée : un an et demi de prison. Sa première réaction avant des larmes de rage, a été un rire. Un rire amer. Un rire qui vous glace, un rire qui n’a rien de joyeux, qui transperce l’âme de ceux qui l’entendent. Et avec ce sarcasme qui lui reste comme seule arme, elle a dit : « Pourquoi ces six mois en moins ? C’est pour se donner bonne conscience ? »

 

Une haine sans limites

Sonia n’espérait rien. Elle savait. Nous savions. La haine de ceux qui tiennent les chaînes dépasse toutes les limites. Nous savions qu’ils ne s’arrêteraient pas tant qu’ils n’auraient pas tout pris : sa liberté, sa dignité, son humanité. Mais ils se trompent. Parce qu’ils ne pourront jamais briser ce qu’elle est. Ils ne pourront pas la détruire.

 

Une pensée pour les autres

Ses premières pensées ce matin n’étaient pas pour elle. Pas pour ses nuits glacées, pas pour la saleté des lieux, pas pour la faim qu’ils lui imposent. Sonia a pensé aux autres. Toujours aux autres. Elle a parlé de ces jeunes qu’on oblige à prendre des bus séparés selon leur couleur de peau. De ces familles à qui on refuse d’enterrer leurs morts dans des cimetières pour « gens libres ». De ces femmes et ces hommes qu’on déshumanise, qu’on réduit à des ombres parce qu’ils sont nés avec une peau plus sombre. Elle a dit à Mehdi :

« Dire que je mens, c’est dire qu’eux aussi mentent. Dire que je diffame, c’est nier leur existence. Dire que j’invente, c’est dire qu’ils n’ont aucun droit. »

 

La douleur des parents

Mais sa plus grande douleur, sa plus grande inquiétude, c’est pour nos parents. Elle a demandé à Mehdi et aux avocats, encore et encore, dans quel état ils étaient. Ils l’ont rassurée bien sûr. Mais elle sait. Et nous savons. Nous savons que ma mère ne dort plus. Que mon père se lève chaque matin avec ce poids immense sur les épaules. Nous savons qu’ils ne tiendront pas. Qu’ils ne peuvent pas tenir. Cette injustice les brise, les consume, les tue à petit feu. Et Sonia le sait.

 

Une femme exceptionnelle

Sonia est une femme exceptionnelle. Son humanité brille là où eux n’ont que du vide. Sa douleur pour nos parents, pour tous ces Tunisiens oubliés, efface presque la sienne. Voilà pourquoi ils s’acharnent. Voilà pourquoi ils la condamnent. Parce qu’elle refuse de détourner les yeux. Parce qu’elle refuse de se taire.

 

Des gestes d’amour interdits

Et nous, de notre côté, nous faisons tout pour lui montrer qu’elle n’est pas seule. Nos lettres lui sont interdites. Alors, sur les boîtes de nourriture que nous lui préparons chaque semaine, nous avons commencé à écrire son nom, “Sonia Dahmani”, avec un petit cœur dessiné à côté. Juste ça, un geste simple. Une preuve d’amour dans un univers de haine. Une façon de lui dire, sans mots, qu’elle est aimée, qu’elle est pensée, qu’elle est portée.

 

La déshumanisation comme arme

Mais ça aussi, ils l’ont interdit. La direction de la prison nous a informés que ces petits gestes, ce simple cœur tracé à côté de son nom, étaient désormais strictement prohibés. Ils ont dit que toute boîte de nourriture portant ce signe serait refusée. Refusée. Pourquoi ? Parce qu’aux yeux de ces gens, Sonia n’a pas droit à l’affection. Parce que même un cœur dessiné leur est insupportable.

 

À leurs yeux, la déshumanisation reste leur priorité. Leur arme. Ils ne se contentent pas de l’enfermer, de la condamner, de l’affamer. Ils veulent effacer tout ce qu’elle est, tout ce qu’elle représente. À la prison des femmes de la Manouba, non seulement ils détruisent les corps, mais ils s’attaquent aussi aux âmes. Et aux yeux de la directrice, il semblerait que même un simple cœur soit une menace.

 

La colère de Mehdi

Après l’avoir vu, après avoir entendu ses mots, après avoir dû consoler sa sœur, Mehdi est allé déposer le couffin de nourriture. Dedans, une salade, quelque chose de simple. Mais ils ont refusé. Encore une fois. Ils ont refusé parce que ça semblait bon. Comme si condamner Sonia ne suffisait pas. Comme s’il fallait encore l’affamer, l’humilier, la piétiner. Mehdi, emporté par la colère, leur a dit : « Je ne la reprendrai pas, appelez Sonia, et jetez-la devant elle comme vous l’avez déjà fait ! »

Parce que oui, ils ont déjà fait ça. Jeter une boîte de nourriture devant elle comme on jette un os à un chien. Ils ne se contentent pas de la condamner. Il faut l’humilier, la briser, lui rappeler chaque jour qu’ils la considèrent comme rien.

 

Une colère qui brûle

Mehdi est sorti de là brisé. Quand il m’a appelée, sa voix oscillait entre la rage et le désespoir. Et moi, je me noie avec lui dans une colère qui me brûle.

Notre colère est légitime. C’est le cri de ceux qui savent que la justice n’existe plus dans ce pays. Que la Tunisie est en train de se perdre. Ils détruisent Sonia. Ils détruisent ma famille. Ils détruisent la vérité. Mais ils ne nous détruiront pas. Sonia est toujours là. Et tant qu’elle tiendra, nous tiendrons. Dévastés, oui. En colère, oui. Mais toujours debout.

 

L’humanité contre la haine

Parce que si eux n’ont plus d’humanité, nous avons encore la nôtre.

Et si eux n’ont plus de justice, nous la trouverons ailleurs.

Ils peuvent condamner Sonia. Ils peuvent briser nos cœurs. Mais ils ne pourront jamais nous faire taire. Aujourd’hui, je suis en feu. Et ce feu, je le jure, ils ne l’éteindront jamais. Ils n’auront pas Sonia. Ils n’auront pas notre dignité.

 

*Ramla Dahmani Accent est la sœur de l’avocate et chroniqueuse Sonia Dahmani détenue pour ses opinions dans les prisons du régime de Kaïs Saïed

 

  • Le titre et les intertitres sont de la rédaction
28/01/2025 | 12:33
5 min
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Commentaires
Thb
Incompréhensible
a posté le 30-01-2025 à 08:49
Vraiment incompréhensible et désolante sentence à l'encontre de Sonia Dahmani.
D'autres cas sont incompréhensibles aussi.
Ces dérives de la justice ne sont pas de nature à apaiser le climat politique et social.
Vladimir Guez
Aohhh mais ça suffit!
a posté le 28-01-2025 à 20:15
Comme ci votre s'?ur souffrait comme une ouvrière agricole qui préféreraient être à sa place plutot que à l'arrière d'une 404 bâchée.
Le déçu
Je supplie le Presdent ....
a posté le 28-01-2025 à 17:30
Je supplie Mr le President de la République d'intervenir de toute urgence pour mettre fin aux dérives tels que rapportés par les parents de maître Sonia Dahmani Ces comportements s'ils s'avèrent véridiques sont indignes d' un pays dirigé par un enseignant de droit constitutionnel, en l'occurrence Baies Saied
Slim
Tu le supplies?
a posté le à 19:54
Walah 7chemt mazelet 3bed hakka tetwassel b sidi el président ? 7ala wala c le peuple qui crée son propre dictateur
A4
La haine ! Il n'a que ça !!!
a posté le 28-01-2025 à 16:37
LE CLOU
Ecrit par A4 - Tunis, le 03 Février 2023

Ce n'était rien qu'une belle planche
Qui avait besoin d'un coup de rabot
Avait des taches brunes et blanches
Des petites bavures et des copeaux

Elle n'était pas en bois d'ébène
Ni dans un bois tendre de poirier
Elle a été, mais non sans peine
Découpée dans un tronc d'olivier

Elle sentait bien la terre fraîche
Reflétait un ciel bas, nuageux
N'était pas lisse mais plutôt rêche
Avec un caractère orageux

Mais je ne sais pourquoi ni comment
Un vieux clou entièrement rouillé
Vint soudain s'y planter bêtement
Avec son air de poule mouillée

Il était complètement tordu
Avec une tête bosselée
Venait du rayon des invendus
Mais ne sachant hélas où aller

Il tenait bon et il s'accrochait
Ne sachant où et comment partir
Comme un rescapé sur un rocher
Il ne voulait jamais déguerpir

Il s'arc-boutait, l'air très menaçant
Pointant vers le haut sa sale tête
Il sortait des cris assourdissants
Et se tortillait comme une mauviette

Il voulait prendre toute la place
Chassant les boulons et les rondelles
C'est certain qu'avec son c'?ur de glace
Il n'avait que la haine pour modèle

Devant toute cette stupidité
Moi je suis certain que pour bientôt
Une grosse main pleine d'agilité
L'assommera à coups de marteau

Il aura la tête au fond du trou
Plus jamais de paroles hystériques
Quitte à ensuite camoufler le tout
D'une bonne couche de mastic !
Citoyen_H
MEME, MANDELA, MARTIN LUTHER KING, GANDHI ET TANT D'AUTRES,
a posté le 28-01-2025 à 15:56
ne sont pas arrivés à assembler autant de passion et tant d'empathie.
Il ne serait pas étonnant que cette dame soit élue présidente, une fois sa peine accomplie.
On n'est pas sorti de l'auberge.



Chelbi
Aucun sacrifice n'ira en vain
a posté le 28-01-2025 à 14:10
Ce cris de détresse comme tous les autres cris des détenus et leurs familles vont aboutir un jour. Aboutir à chasser ces corbeaux qui sont entrain d'asphyxier le pays par leur haine, leur obscurantisme, voire meme leur fascisme décomplexe.

La trajectoire avec laquelle les sociétés évoluent n'est pas une ligne droite. Il y aura des ondulations quelque part. Tout le sacrifice de ces femmes et ces hommes libres de mon pays pour une société juste et un système politique moderne est une force qui nous fera dépasser ces ondulations. Tout ce que je souhaite c'est que ca sera au moindre coût humanitaire.
EL OUAFFY Y
Kais Sayed avait oublier que les prisons ne pourront pas semé lapeur dans les rangs des citoyens
a posté le 28-01-2025 à 14:09
Comment certains individus ne prendront pas des leçons ce que s est passé au président Syrien Bachar le totalitaire une dictature impardonnable envers ses opposants mais avec la patience et le longueur de temps il avait pris sa valise en laissant derrière lui que des mauvaises souvenirs .
Slim
Oui!
a posté le à 19:57
T as raison çà va très mal se terminer pour lui et des geôliers vont pleurnicher comme les expériences récentes depuis 2011 nous ont montrés et vont dire qu'on ne faisait qu'exécuter des ordres venus de très haut, Vénus et Jupiter