Jamais une présidentielle n’aura été aussi tendue…

Alors que soixante candidats – pour l’instant – ont retiré les formulaires de parrainages pour se porter éventuellement candidats à la très convoitée course vers Carthage, les menaces affluent de toutes parts.

On aura attendu des mois pour savoir si présidentielle il y aura, on attendra aussi pour savoir qui de tout ce beau monde aura son nom inscrit sur le bulletin de vote.

En attendant, le climat est des plus tendus. Plusieurs de ceux qui formulent, même à demi-mots, leur volonté de briguer le trône, se retrouvent écartés sans ménagement. À quelques semaines du scrutin, on a eu droit aux mises en garde – véritables menaces – de l’Instance des élections (Isie) et du département de la Justice. Les auteurs de « campagnes malveillantes », les « propagateurs de rumeurs, de fausses informations, de diffamations et de mensonges », visant à « porter atteinte aux institutions de l’État ou à ses cadres », seront – surprise ! – poursuivis.

Sans oublier évidemment les menaces constantes et perpétuelles de la présidence. Le candidat à sa propre succession, le seul qui ne se soit pas officiellement déclaré - a-t-il besoin de le faire ? – ne cesse de menacer ceux qui « ourdissent des plans dans l’ombre », qui « préparent une opération de destruction de l’État » et tous les comploteurs…

Qui sera apte à distinguer le bon grain de l’ivraie ? Certainement pas celui qui se pose comme juge et partie. S’étant tracé une autoroute sans obstacles, il n’aura pas beaucoup de difficultés face à la foule qui ambitionne de le concurrencer.

Et les citoyens dans tout ça ? Jouissent-ils encore du libre arbitre ? De la liberté de choisir le candidat qui les représente le plus ? Devront-ils se satisfaire uniquement de ce qui a survécu à la chasse aux sorcières ?

Le nombre de candidats ne cesse d’augmenter. Ils seront certainement beaucoup plus nombreux d’ici l’expiration des délais de dépôt des candidatures. Qui sont-ils ? Quelles ambitions nourrissent-ils ? Quels programmes présenteront-ils aux Tunisiens ? Et, que nous apprendront-ils ?

Hormis quelques noms, plusieurs de ceux qui se présenteront au scrutin ne sont pas de sérieux adversaires. Certains le font uniquement afin de jouir d’un moment de gloire, de se faire connaitre, de faire entendre leur voix et d’avoir un auditoire. Inespéré pour plusieurs inconnus qui n’ont aucun autre moyen de se faire connaitre. Plusieurs autres sont les soutiens non déclarés de l'un des candidats sérieux et ils se présentent uniquement dans le but de disperser les voix et de donner un coup de pouce à un poulain qu’ils n’ont jamais cessé de soutenir. De très nombreux autres n’ont aucun programme à présenter aux électeurs et leur candidature est loin d’être des plus sérieuses.

De tout ce beau monde, nous verrons émerger les noms habituels. Les malheureux candidats aux scrutins précédents, ceux qui n’ont toujours pas décidé d’abandonner. Nous verrons aussi les candidats loufoques ou inattendus que l’opinion publique n’avait pas vus venir. Ceux-là nous renseigneront sur les besoins et les espoirs les plus profonds des Tunisiens. Ils nous permettront de mieux connaitre ce peuple qui nous étonnera toujours et qui, au final, est toujours aussi incompris.

Quoi qu’il en soit, l’issue - mais avant cela, le déroulement même de cette élection - nous enseignera énormément de choses sur ce peuple que nous sommes. Sur cette démocratie volatile que nous avions saisie à un moment et qui pourrait bien nous échapper, dans l’acclamation populaire. Des aspirations d’un peuple qui, pourtant, a vécu des années difficiles, des années de dictature, de privation, d’oppression, d’appauvrissement, et qui continue d’applaudir les mêmes méthodes, perpétuées par des bourreaux différents.

Cette élection nous offrira un spectacle qui ne sera certes pas palpitant, mais somme toute, édifiant. Un spectacle que nous n’aurons, malheureusement, pas l’aisance de commenter. Et que plusieurs d’entre nous ont été empêchés de le faire. Par la force…