
Depuis quelques semaines, un débat s’intensifie en Tunisie autour du rôle de la Banque centrale de Tunisie (BCT) et de la possibilité qu’elle finance directement le Trésor public. Cette mesure, envisagée par les autorités, suscite de vives inquiétudes quant à ses répercussions économiques. Si elle peut sembler être une solution rapide pour combler le déficit budgétaire, elle comporte néanmoins des risques majeurs, notamment en matière d’inflation, de dévaluation monétaire et de fuite des capitaux.
1. Qu’est-ce que le financement direct de l’État par la Banque centrale ?
Le financement direct consiste à permettre à une banque centrale d’acheter directement la dette d’un gouvernement ou de lui prêter de l’argent pour couvrir ses dépenses. En d’autres termes, l’État peut imprimer de la monnaie via la Banque centrale au lieu de lever des fonds sur les marchés financiers ou de recourir à l’aide internationale.
En Tunisie, cette idée a refait surface dans un contexte où les finances publiques sont sous pression, avec un déficit budgétaire croissant et des difficultés à obtenir des financements extérieurs, notamment auprès du Fonds monétaire international (FMI).
2. Quels sont les risques d’un tel mécanisme ?
Si à court terme, ce type de financement peut sembler une solution facile pour éviter des hausses d’impôts ou des mesures d’austérité, il présente de sérieux dangers :
a. Un risque d’hyperinflation
Lorsqu’une banque centrale finance directement un gouvernement, elle crée de la monnaie sans qu’il y ait une augmentation correspondante de la production de biens et services. Cela entraîne une augmentation de la masse monétaire en circulation, ce qui peut provoquer une inflation incontrôlée.
Des exemples historiques illustrent ce phénomène : au Zimbabwe dans les années 2000 ou encore au Venezuela récemment, l’impression excessive de monnaie par la banque centrale a entraîné une hyperinflation qui a détruit le pouvoir d’achat des citoyens.
b. Une dévaluation de la monnaie nationale
Avec une forte création monétaire, la valeur du dinar tunisien pourrait chuter face aux devises étrangères. Cela rendrait les importations plus coûteuses et aggraverait la crise économique en augmentant le prix des produits de première nécessité, notamment ceux qui dépendent des importations (énergie, céréales, médicaments, etc.).
c. Une perte de confiance des investisseurs
Si la Banque centrale est contrainte d’imprimer de la monnaie pour financer l’État, cela envoie un signal négatif aux investisseurs et aux partenaires économiques internationaux. La Tunisie pourrait alors avoir plus de difficultés à emprunter sur les marchés financiers ou à attirer des investissements étrangers.
d. Un isolement économique et une fuite des capitaux
Dans certains cas, une telle politique économique pousse les acteurs économiques à transférer leur argent à l’étranger pour éviter la perte de valeur de la monnaie locale. Cela entraîne une fuite des capitaux qui affaiblit encore plus l’économie nationale.
3. Comparaison avec d’autres pays : des exemples à méditer
Le Venezuela et le Zimbabwe : des mises en garde
Le Venezuela a longtemps utilisé la création monétaire pour financer ses dépenses publiques, entraînant une hyperinflation de plusieurs millions de pourcents. Résultat : une économie effondrée, une population appauvrie et une monnaie sans valeur. Le Zimbabwe a connu une situation similaire dans les années 2000 avec l’impression massive de billets qui a rendu sa monnaie quasiment inutilisable.
Les banques centrales indépendantes : un modèle plus sûr
Dans la plupart des pays développés, les banques centrales sont indépendantes pour éviter toute pression politique. Par exemple, la Banque centrale européenne (BCE) interdit strictement le financement direct des États membres, afin de garantir la stabilité de l’euro. Cette indépendance permet d’assurer une politique monétaire maîtrisée, sans interférences gouvernementales.
4. Quelles alternatives pour la Tunisie ?
Face aux défis budgétaires, la Tunisie dispose d’autres solutions que le financement direct par la Banque centrale :
Réformes fiscales et lutte contre l’évasion fiscale : une meilleure collecte des impôts et une réduction du secteur informel pourraient renforcer les finances publiques.
Amélioration du climat des affaires : attirer davantage d’investissements privés, aussi bien nationaux qu’étrangers, permettrait de stimuler la croissance économique.
Partenariats avec les institutions financières internationales : bien que contraignants, les accords avec le FMI ou d’autres bailleurs de fonds peuvent être des solutions plus viables à long terme.
Optimisation des dépenses publiques : une meilleure gestion des ressources et une réduction des gaspillages pourraient aider à combler le déficit sans recourir à des mesures risquées.
Si le financement direct de l’État par la Banque centrale peut paraître une solution de court terme pour alléger les tensions budgétaires, il est un pari risqué pour l’économie tunisienne. Les expériences internationales montrent que cette approche peut conduire à une spirale inflationniste, à une perte de valeur de la monnaie et à une crise de confiance des investisseurs. Pour éviter ces écueils, la Tunisie doit explorer des alternatives plus viables et préserver l’indépendance de sa Banque centrale afin de garantir la stabilité économique du pays.
Aux '?tats-Unis, le financement est orchestré par la Réserve fédérale (Fed), QE. Les banques centrales de la majorite des pays, qui sont tenues de maintenir des réserves en dollars - 60% de la valeur totale des réserves de toutes les banques centrales.
Le financement d'une économie par sa banque centrale n'a pas de corrélation directe avec l'inflation. Le Japon illustre ce phénomène : malgré des injections monétaires massives depuis 1990, l'inflation est restée proche de zéro pendant des décennies. On observe le phenomene en Chine presentement, ou le pays est en deflation malgre des injections importantes de liquidite.
Japon, Chine, Etats Unis, Europe, Royaume Uni: c'est plus de 60% de l'economie mondiale.

