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Chroniques
Pourquoi cette brutale détérioration du taux de change ?
Par Houcine Ben Achour
17/09/2020 | 21:00
4 min
Pourquoi cette brutale détérioration du taux de change ?

 

L’espoir de voir le taux de change du dinar reprendre du poil de la bête après la dégringolade enregistrée en 2016, 2017 et 2018 est en train de s’estomper au regard de la parité de notre monnaie vis-à-vis des principales devises étrangères et particulièrement de l’euro. Le dinar a perdu environ 3% de sa valeur depuis le début de l’année. Cette dépréciation s’est accélérée depuis le 3e trimestre 2020.

 

Le redressement du taux de change observé à partir du mois d’avril 2019 au cours duquel l’euro s’échangeait à 3,410 DT pour atteindre son plus bas niveau en février dernier avec un euro à 3,118 DT, n’aura duré en fait qu’un an. Depuis, le cours de l’euro a repris le chemin de la hausse pour atteindre, au 15 septembre 2020, la valeur de 3,258 DT.

 

Qu’est-ce qui a bien pu pousser la Banque centrale de Tunisie (BCT) à laisser glisser le dinar sur le marché de change alors que la plupart des indicateurs macroéconomiques, hormis bien entendu le taux de croissance, affichent des résultats qui, comparativement aux années précédentes, ne pouvaient contribuer à une telle trajectoire. A la fin du 1er semestre 2020, le solde de la balance commerciale accuse certes un déficit significatif. Cependant, il est sans commune mesure avec ce qu’on avait l’habitude d’observer les années précédentes. Plus encore, le taux de couverture des importations par les exportations affiche son meilleur résultat depuis cinq ans. Cela n’a pas provoqué de tension sur la balance des paiements courants comme on pouvait le redouter. Le solde des paiements courants par rapport au PIB affichait à la fin du premier semestre 2020 un taux de seulement 4% alors que celui-ci affichait 5,3% durant la même période en 2019, 5,2% en 2018 et 6,1% en 2017.

 

Serait-ce alors l’inflation qui ferait des siennes ? Là aussi, il est permis d’avoir des doutes dans la mesure où notre différentiel d’inflation avec les pays partenaires et concurrents s’est réduit en faveur de la décélération du rythme de la hausse des prix depuis le début de l’année : 5,8% durant le premier semestre 2020 contre 6,8% en 2019 et 7,7% en 2018, pour la même période. La BCT estime d’ailleurs que le taux d’inflation ne serait que de 5,7% pour toute l’année 2020. Un ajustement du taux de change nominal tenant compte du différentiel d’inflation ne peut atteindre une telle proportion en si peu de temps. Alors ? Serai-ce le volume des avoirs en devises qui serait la cause ? Visiblement, il n’en est rien puisque le stock de devises détenues par l’institut d’émission n’a pas connu un niveau aussi haut depuis 5 ans avec l’équivalent de 133 jours d’importation à la fin du 1er trimestre 2020 et l’égal de 141 jours d’importation au 15 septembre 2020, contre seulement 73 jours et 72 jours respectivement en 2019 et 2018, pour la même période.

 

Visiblement, les données statistiques ne permettent pas objectivement de fournir une raison solide à une dépréciation du dinar qui va lui faire perdre tout ce qu’il a grignoté comme marge entre février 2019 et février 2020 vis-à-vis des principales devises de règlement du pays.

 

Il semble qu’il faille chercher ailleurs qu’au niveau factuel la décision de l’autorité monétaire de laisser le dinar se déprécier de la sorte. Ce sont les perspectives économiques du pays en 2021 qui préoccuperaient le plus la BCT et plus particulièrement les perspectives budgétaires. La récession économique de cette année aura un impact sans précédent sur les ressources budgétaires de l’Etat qui, à l’inverse, va avoir des besoins de financement considérable pour répondre aux attentes des citoyens et des entreprises et aux exigences des échéances à venir.

 

D’ores et déjà, un indicateur semble affoler la banque des banques. C’est le coefficient du service de la dette par rapport aux recettes courantes. Autrement dit, c’est la part du total des revenus provenant des opérations avec l’extérieur (exportations, recettes touristiques, transferts des revenus du travail, investissements étrangers, etc.) qui servirait à rembourser les dettes venues à échéance. A la fin du 1er semestre 2020, le coefficient du service de la dette affiche déjà 19,4% alors que ce ratio tourne autour de 10%-12% en moyenne à pareille période de l’année. Il faut remonter à janvier 2016 pour retrouver pire ratio. Sauf qu’à la fin de 2016, ce ratio est retombé 10,9%. Ce qui ne serait probablement pas le cas pour cette année 2020.

 

Ainsi, la BCT prendrait-elle les devants face à l’hypothèse d’une plus importante détérioration de cet indicateur en 2020, et surtout en 2021 ; année qui va enregistrer un pic de remboursement de dettes. Partant, il est logique que la BCT cherche à préserver, voire à renforcer davantage, le matelas de devises qu’elle détient et plus encore ; même au prix d’un glissement du dinar qui serait susceptible de relancer les tensions inflationnistes, alors que le pays vit dans un climat de récession économique sans précédent.

 

On n’est pas loin de la quadrature du cercle. A tout le moins, on n’est pas sorti de l’auberge…de la crise.

Par Houcine Ben Achour
17/09/2020 | 21:00
4 min
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Commentaires
EL OUAFFY Y
@Albatros| 18-09-2020 15:58
a posté le 21-09-2020 à 15:37
Primo : La France n'été pas un colonisateur sur les territoires Tunisien c'est le protectorate le mouvement du Dinar n'a rien savoir avec la langue auquel est rédigé mais la situation politique et le rendement des ressources intérieur qui pourront influes si on fait une comparaison entre le Dinar durant l'après ladite revolution et maintenant effectivement le dinar était mieux que l'instant moins de dépense avant 2011 la production mieux pas de perde de temps les faux problèmes non pas de place dans l'état profond un seul président avec des decisions fermes .
Abdel2.
La dette, une richesse?
a posté le 18-09-2020 à 17:57
La dette est-elle une source de richesse? Cela dépend de ce que l'on en fait. . .
Supposons qu'une entreprise emprunte auprès de sa banque à un taux de 5%. Si l'investissement permet à l'entreprise de générer une plus-value de 10%, elle pourra rembourser l'emprunt tout en gardant un profit de 5%. C'est une relation gagnant-gagnant, source de création richesse.
Transposé au gouvernement, ceci pourrait se traduire par des investissements dans les infrastructures, les transports ainsi que les investissements immatériels (formation, promotion de la destination Tunisie ect.). Les recettes fiscales issues de ces investissements excèderaient largement le taux d'intérêt initial. Là encore, la dette utilisée à des fins d'investissements est source de richesse collective.
Malheureusement, ce n'est pas du tout l'approche du gouvernement, s'endettant principalement pour soutenir le budget de fonctionnement, pour ne pas dire le train de vie de l'?tat (sans oublier bien sûr, les Mercedes de service). La dette est alors source de pauvreté et il n'est pas étonnant qu'elle commence à plomber le dinar.
Il parait que les crises sont une occasion de se redéfinir. . .
Samir
Réduire les importations non utiles
a posté le 18-09-2020 à 16:23
Il faut réduire les importations non essentielles celles même qui empêchent la production locale et augmenter les exportations du pétrole, du gaz et du phosphate.... pour cela il faut travailler à réduire les tentions , mieux gérer les entreprises,
traduire en justice les corrompus et arrêter les grèves et obstacles à la production.
Albatros
dinar ... monnaie mondiale !!
a posté le 18-09-2020 à 15:58
une xplication: les billets de BCT sont rédigés en français et le millime au lieu du centime !!! pwahaha ...
les billets algériens sont rédigés en arabe uniquement. logique, puisque ces billets ne circulent pas à l'étranger.
et tous les touristes ne parlent pas français.
il est temps d'oublier la colonisation et sa langue, et passer au centime comme tout le monde.


Rationnel
Ben Achour vs FMI
a posté le 18-09-2020 à 11:30
Le FMI dit exactement le contraire de Monsieur Ben Achour, voici ce que dit le FMI: (voir https://www.imf.org/en/Countries/TUN/tunisia-qandas )
trois facteurs réduisent les risques de viabilité: premièrement, la majeure partie de la dette extérieure et publique est due aux créanciers officiels; ces prêts ont des taux d'intérêt moyens relativement bas et des échéances longues, ce qui réduit les obligations au titre du service de la dette. Deuxièmement, le risque de fortes fluctuations des taux de change, qui pourraient fortement affecter les niveaux d'endettement, est faible par rapport aux autres pays émergents, la Tunisie n'autorisant pas les investissements internationaux dans des instruments à court terme qui pourraient être rapidement inversés. Troisièmement, les banques tunisiennes n'ont qu'une exposition limitée à la dette souveraine et aux engagements libellés en devises, ce qui accroît leur résistance aux chocs imprévus. Les partenaires extérieurs de la Tunisie peuvent contribuer à assurer la viabilité de la dette à l'avenir en fournissant un appui financier à des conditions concessionnelles et sous forme de dons."
Une autre publication du FMI peut expliquer ce déclin négligeable du Dinar, le dollar a un déclin beaucoup plus important par rapport a l'Euro. Le Dollar a perdu 10% vs l'Euro de Mars a Septembre, ce qui est bien reçu par les marches américains, un dollar plus bas permet aux exportateurs américains (Boeing, Apple, Deer, Caterpillar ...) de gagner une plus grande partie du marche.
Un autre papier du FMI explique ce changement d'attitude de la part de la BCT: 'Tunisia Monetary Policy Since the Arab Spring: The Fall of the Exchange Rate Anchor and Rise of Inflation Targeting".
Ce document conclut:
"le ciblage de l'inflation pourrait être l'avenir de la politique monétaire tunisienne. Le ciblage monétaire s'est avéré inefficace en raison de la composition de la monnaie de réserve, du déficit structurel de liquidité et d'une plus grande instabilité du multiplicateur monétaire après 2010. Le ciblage du taux de change n'est plus réalisable en raison du niveau des réserves internationales, du déficit du compte courant et de l'inflation différentiels avec les principaux partenaires commerciaux. La Banque centrale de Tunisie a déjà fait d'importants progrès vers le ciblage de l'inflation. Le document met en évidence l'existence d'une transmission des taux d'intérêt de plus en plus efficace ainsi que l'évolution du taux de change passant par l'inflation avec le mouvement progressif vers une plus grande flexibilité du taux de change."
Gg
Le stock de devises?!
a posté le 18-09-2020 à 05:21
Le fameux matelas de devises n'est pas dû aux performances de l'économie tunisienne, mais aux dons et prêts, considérables, accordés pour soutenir l'économie durant la récession covid.
Or cette manne n'a pas été utilisée pour soutenir les entreprises, elle a simplement été stockée et en partie consacrée à couvrir les déficits publics.
Le glissement du dinar n'est donc que le constat objectif de la situation de la part de la BCT.
Pourquoi l'auteur de l'article fait il semblant de l'ignorer?
Seb
Beaucoup de tkhalwidh
a posté le 18-09-2020 à 01:19
Beaucoup de tkhalwidh... et de fautes d'orthographe

Si on laisse de coté la forme, le fait qu'une devise comme le TND glisse par rapport a l'EUR est un phénomene naturel et mécanique, et ne fait que refléter le différentiel de taux d'intéret dans les 2 devises.

Avec un TMM de 6.80% d'un coté, et des taux a 0% de l'autre, le TND glissera naturellement (en l'absence d'intervention) a hauteur du différentiel de taux d'intéret.
La dépréciation de 3% sur une période de 9 mois parait meme légèrement en dessous de la normale.

Apres, il faut se méfier du niveau de réserves de devises, car on est sur un rythme d'importations au ralenti, et j'entends meme que l'état a différé certains approvisionnements pourtant nécessaire pour se garder une marge de manoeuvre. Sans compter les différents prets obtenus dans le cadre de la lutte contre le Covid, qui ont gonflé les réserves de changes a court terme, mais qu'il faudra bien rembourser un jour. Il y a aussi des dépots des banques centrales Algérienne et Lybienne qui ne sont pas forcement pérennes (surtout si on continue a ne pas payer nos factures de gaz a l'Algérie). Je pense que la situation est bien plus alarmante qu'il n'y parait, et que cette petite dévaluation en douceur n'est rien en comparaison d'une vraie dévaluation a venir en 2021 qui sera sans doute nécessaire pour restaurer certains équilibres.
Skan
Hélas, pas de miracle en vue.
a posté le 17-09-2020 à 23:11
L'anticipation de prochaines difficultés à contracter des dettes auprès des créanciers extérieurs, ne peut que plaider la dépréciation de la monnaie nationale, en vue de prévenir un tant soit peu, l'érosion des réserves en devises, face à l'anachronisme d'une embellie qui n'avait que trop duré.
Tunisino
Une seule mesure ne suffit pas
a posté le 17-09-2020 à 22:14
Il faut jeter toutes les cartes pour informer les citoyens en premier lieu, et les impliquer dans tout effort de salut en deuxième lieu. Cependant, est-ce que nos politiciens sont assez patriotes et assez compétents pour le faire, la réponse est non. On voit actuellement des mauvais indices à tort et à travers sans des vrais politiciens pour nous sauver de la mauvaise gestion qui a trop duré.