
Zied El Heni est l’un des doyens de notre profession de journaliste. Selon l’expression consacrée, Zied El Heni parlait quand la majorité « n’ouvrait la bouche que chez le dentiste ». D’ailleurs, de ces combats et de cette persécution, il n’aura récolté que des maladies et une santé fragile. Pourtant, tout cela s’est avéré insuffisant pour empêcher que le journaliste Zied El Heni soit interpellé chez lui de manière spectaculaire, conduit à la caserne de l’Aouina puis placé en garde à vue pour passer la nuit en prison. Zied El Heni paye le prix d’une explication, que certains trouvent irrespectueuse, concernant l’accusation d’outrage au président de la République.
Tout ce déploiement sécuritaire, le fait d’interpeller un journaliste à son domicile en lui laissant à peine le temps de se changer et de prendre ses médicaments, le fait de mobiliser une brigade de l’Aouina : tout ça pour une intervention en tant que chroniqueur dans l’émission radiophonique quotidienne à laquelle participe Zied El Heni sur les ondes d’IFM. Le commentaire était peut être maladroit, l’image était peut-être un peu trop osée, la blague n’était peut-être pas drôle, soit ! Mais est-ce que cela mérite d’envoyer en prison un journaliste souffrant de problèmes de santé chroniques ? Est-ce que cela justifie cette interpellation musclée au domicile d’une personne qui ne s’est jamais dérobée à la justice ? La réponse est évidente : non.
De manière générale, le Tunisien n’a que peu d’intérêt pour ce qui se passe à l’étranger et est insensible aux analogies impliquant ce qui pourrait se passer en France ou aux Etats-Unis. Par conséquent, il est inutile d’invoquer, à titre de comparaison, les moqueries dont fait l’objet l’épouse du président français, Emmanuel Macron, ou encore les blagues sur l’âge du président américain Joe Biden. Ce genre d’arguments n’a que peu d’impact. Toutefois, il est utile de rappeler que la Tunisie a, quand même, un héritage historique certain dans la dérision et la moquerie. Depuis le début du 20ème siècle, des journaux satiriques ont vu le jour en Tunisie où tout le monde en prenait pour son grade. Des années plus tard, sous le régime de Ben Ali, les blagues les plus croustillantes s’échangeaient dans les cercles privés sur le président et sa famille. Plus tard, ceci avait lieu au grand jour. Que de blagues et de quolibets ont été dits et répétés, même sur les plateaux médiatiques, concernant Moncef Marzouki. Un peu plus tard, un humoriste a blagué sur l’âge de feu Béji Caïd Essebsi en insinuant qu’il portait des couches. Aucun des auteurs de ces blagues n’a été jeté en prison à cause de ce qu’il a dit.
Cela s’applique également au président actuel, Kaïs Saïed. Ce dernier, du moins au niveau du discours, a toujours exprimé son attachement à la préservation des libertés. Nous l’avons vu recevoir la ministre de la Justice et le président du conseil supérieur provisoire de la magistrature pour leur rappeler que le juge est le gardien des droits et des libertés. Il avait également, à cette occasion, rappelé que les mesures telles que la mise en garde à vue ou l’emprisonnement préventif devaient être parfaitement justifiées. Ce même président, Kaïs Saïed, s’était déplacé à la libraire El Kitab pour montrer qu’aucune censure n’a pris pour cible un livre dont la couverture représentait une caricature du chef de l’Etat. Cela est assez exceptionnel dans nos contrées maghrébines et arabes pour être souligné.
A moins que nous soyons tous victimes d’une énorme machination ourdie par le président de la République lui-même, il est clair que l’arrestation musclée d’un journaliste est contraire à toutes les valeurs défendues par le président de la République, Kaïs Saïed. Les actions du pouvoir sont en contradiction avec les paroles de son chef. C’est même contreproductif pour l’image de ce pouvoir et pour l’image du président de la République. Kaïs Saïed part aujourd’hui, 21 juin, en France pour participer au sommet pour un nouveau pacte financier mondial. Est-ce la meilleure des configurations que d’aller à ce sommet en ayant placé, la veille, un journaliste en prison pour une déclaration à la radio ?
Il est évident que non. Cet excès de zèle risque de porter atteinte à l’image de notre pays à l’heure où les autorités négocient un accord, notamment avec l’Union européenne. Il est vrai que les pays composant cette union ont abandonné tout discours concernant les droits et les libertés en Tunisie au nom du « pragmatisme » porté par l’extrême droite qui gouverne l’Italie. Mais l’arrestation de journalistes est de nature à titiller ce qui reste de sensibilité à ce genre de questions.
Zied El Heni est un journaliste respecté par ses pairs. Il n’est ni au-dessus des lois, ni au-dessus de la critique. S’il a violé la loi, il mérite d’être puni. Si la blague qu’il a faite est de mauvais goût, il mérite d’être critiqué par le public. Mais en aucun cas il ne mérite de passer des nuits en détention préventive en attendant de comparaitre devant un juge, juste pour des propos prononcés à la radio. Il faut que cette persécution cesse, il en va du seul acquis réel de ce que l’on a appelé, il y a longtemps, révolution.



La liberté d'expression est géré par des codes et des lois qui délimitent bien ses champs et pour chasue dépassement on connait d'avance les répercussions
Aloes Pourquoi pleurnicher et hurler fort de non respect de la démocratie
Partout dans le monde le respect des lois de chaque pays priment même si on est pas convaincu
Chez ces moins que rien, la fin justifie les moyens.