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Mort de Jilani Daboussi, un meurtre d'État ?
01/04/2016 | 19:59
5 min
Mort de Jilani Daboussi, un meurtre d'État ?

L’affaire de la mort de Jilani Daboussi refait surface et suscite, de nouveau, la polémique. De nouvelles accusations ont, en effet, été étayées par d’autres, lancées par le fils du défunt, Sami Daboussi, à l’encontre des anciens ministres de la Justice, Noureddine Bhiri, et de la Santé, Abdellatif Mekki. Deux barons du parti islamiste Ennahdha.

 

Qualifiant la mort de son père de « crime d’Etat », Sami Daboussi a réitéré, dans une déclaration accordée à Business News le 21 mars 2016, les accusations lancées il y a déjà plus d’un an.

« Parce qu’il a refusé un racket de 50.000 dinars, Jilani Daboussi est mort lentement en prison », assurait son fils il y a plus d’un an. Il s’agit d’un vrai rebondissement dans la mesure où le fils de l’ancien maire de Tabarka affirme être en possession d’un enregistrement sonore impliquant l’ancien ministre de la Justice, Noureddine Bhiri, et plusieurs autres responsables dans le gouvernement de la Troïka.

 

« Il y a presque un an, j’ai déposé une plainte internationale en France. C’est un crime d’Etat, mon père a été détenu d’une manière illégale bien que la cour de cassation ait confirmé son innocence », nous indique le fils du défunt. Et d’ajouter, qu’il a présenté à la justice française un enregistrement audio, qui affirme que Noureddine Bhiri aurait demandé la falsification du rapport médical de Jilani Daboussi.

 

« Malgré les multiples requêtes des autorités judiciaires françaises, leurs homologues tunisiennes n’ont fait preuve d’aucune coopération à ce sujet » a ajouté Sami Daboussi en précisant qu’il existe, pourtant, un protocole de coopération bilatérale entre les deux pays au niveau des ministères, « qui n’a pas été respecté, même par le gouvernement actuel ».

Et d’enchaîner, qu’il existe, selon lui, « une réelle volonté pour étouffer cette affaire », assurant que les choses vont s’accélérer et qu’il y aura, selon ses propres termes, un mandat d’arrêt international contre les personnes impliquées dans l’affaire de son père. «Ils se surestiment et me sous-estiment…», avait il conclu sur un ton sévère et dans une mise en garde sans équivoque.

A ces accusations directes et aux preuves qu’il affirme détenir, des preuves confirmées à l’époque, par le cadre sécuritaire, Habib Rachdi, l’ex-ministre de la Justice continue à opposer un mutisme total. C’est l’ancien ministre de la Santé et cadre dirigeant d’Ennahdha, Abdelatif Mekki qui s’est chargé de répondre.

 

En effet, le député et dirigeant au mouvement Ennahdha, Abdellatif Mekki, est revenu, le 25 mars 2016, sur les ondes de la Radio nationale, sur cette affaire et sur les accusations lancées par le fils de Jilani Daboussi, pour affirmer que les médecins  « ont fait leur travail sans l’influence de personne » et que  « le ministère de la Justice n’est nullement intervenu et d’aucune manière dans le rapport médical du défunt ».

M. Mekki a estimé que Sami Daboussi « essaie de nous intimider en brandissant la nationalité française de son père afin de ternir l’image de la Troïka et d’Ennahdha en particulier » et dans l’espoir de « soutirer deux sous ».

 

Le dirigeant d’Ennahdha a appelé Sami Daboussi à révéler publiquement l’enregistrement de Noureddine Bhiri qu’il prétend détenir, l’accusant de comploter avec une « police politique » qui lui aurait fourni de telles preuves « surement montées »…

Ainsi, M. Mekki, tout en lançant un défi au fils du défunt de rendre public ledit enregistrement, n’en nie pas totalement l’existence, puisque le document aurait été déjà remis aux autorités judiciaires françaises. Il anticipe, toutefois, en présumant qu’il s’agit d’un faux document.

Et à Abdellatif Mekki de conclure que ce dossier est « nourri de la machine de propagande de Ben Ali dont le but est de détruire tous les acquis de la révolution. Mais elle n’y arrivera pas ! dit-il, même si nous devions ramper à genoux, cette machine ne fera pas revenir le pays en arrière ».

 

Rappelons que Jilani Daboussi est décédé à l’âge de 67 ans après une longue maladie. Il était détenu depuis le mois d’octobre 2011 jusqu’au 7 mai 2014, mais il n’a pas été condamné, bien que la détention préventive ne doit pas dépasser les 14 mois légalement.

Or sa détention s’est étalée durant 30 mois sans accusation avérée et sans procès. « C’est en prison qu’il a été atteint d’insuffisance rénale avec nécessité de dialyse », rappelle son fils qui évoque le jour du décès de son père.

Il est mort suite à une crise cardiaque, après « trente mois de détention arbitraire et d’harcèlement politico-juridico-mafieux », accuse encore Sami Daboussi. « Il aurait, sûrement survécu  s'il avait accepté de payer cinquante mille dinars à un avocat », ajoute t-il, avant d’adresser des critiques même envers le gouvernement de Mehdi Jomâa qui était chef du gouvernement en mai 2014 lors du décès de Jilani Daboussi.

En effet, le sachant mourant, selon les dires de son fils, « les responsables de la prison l’ont libéré la veille de sa mort, tard dans la nuit, pour s’en laver les mains et se dégager de toute responsabilité ».

 

Comme on le constate, d’un rebondissement à un autre, l’affaire Daboussi a fini par être internationalisée et est désormais du ressort des tribunaux français. Mais ces derniers pourront-ils faire bouger les choses ? Les présumés accusés et autres personnes citées, dont notamment Noureddine Bhiri et Abdellatif Mekki, seront-ils contraints de se présenter devant la justice française ?

 

En attendant de voir ce que prévoient les éventuelles conventions entre les deux pays, il est peu probable de voir ces derniers comparaître en France. Il ne faut pas oublier, en effet, les deux nahdhaouis sont des élus au sein de l’Assemblée des représentants du peuple, donc bénéficiant de l’immunité parlementaire.

 

C’est dire qu’il s’agit d’un véritable casse-tête chinois qui devra être démêlé par les juridictions, aussi bien tunisiennes que françaises. Bien entendu, au cas où le procès est engagé. Les observateurs assurant qu’ils voient très mal deux barons d’Ennahdha, du calibre des ex-ministres de la Justice et de la Santé, accepter de gaieté de cœur de répondre présents à un pareil appel de la justice.

Et puis, jusqu’à présent, on n’a jamais vu un député admettre sa traduction devant la justice. Que dire alors pour le cas d’espèce !...

 

Sarra HLAOUI

 

01/04/2016 | 19:59
5 min
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Commentaires (48)

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Carthage Libre
| 05-04-2016 09:53
Cela ne suffit pas ce que vous nous avez dit, car l'on sait fort bien que le Procureur général de Nabeul a été assassiné, tout comme Chokri Belaid, et aussi Maître M'rad par une technique de "crise cardiaque" sans traces extrêmement facile à mettre en oeuvre. Parlez nous de ce fameux juge N°13, parlez nous des infiltrations islamistes dans votre corps de la magistrature, parlez nous des complots ourdis par cette secte qui en veut à la Tunisie dans votre domaine, on a hâte de vous lire!

Épicure
| 03-04-2016 21:28
Merci pour l'article dont voici le lien:

http://www.tunisie-secret.com/Enquete-exclusive-La-justice-antiterroriste-tunisienne-noyautee-par-les-islamistes_a1506.html

H.Dallagi
| 03-04-2016 20:14
Je vous renvoie à l'article, paru sur le site du journal électronique, Tunisie secret, sous le titre "enquête exclusive: La justice antiterroriste tunisienne noyautée par les islamistes"
cet article évoque le mode opératoire des magistrats islamistes installés par BHIRI aux postes névralgiques de l'appareil judiciaire avec les noms des magistrats concernés dont le juge d'instruction près le 13ème bureau et la chambre d'accusation n°13 et le président de la cour d'appel de Tunis.

Arsène
| 03-04-2016 14:43
@aziza
Madame, je partage tout à fait votre opinion s'agissant de la justice avec un i miniscule qui prévaut dans notre pays inféodée et tiraillée de toutes parts par des groupes de pressions, partis politiques et autres groupes occultes. A ce rythme, si ceux qui sont aujourd'hui aux commandes de l'Etat et je pense tout particulièrement au Président de la République de prendre les décisions qui s'imposent et revenir sur les errements politiques commis à l'encontre de hauts fonctionnaires qui n'ont fait qu'obéir aux ordres de leurs supérieurs hiérarchiques et d'arrêter cette parodie de justice et de déclarer la récréation finie. Si cela ne se réalisait pas les portes sont grandes ouvertes à la Mafia et autre pègre colombienne.

Épicure
| 03-04-2016 14:33
Votre témoignage me rassure et me réconforte.
Tant qu'il y a des hommes et des femmes de votre trempe, l'espoir est permis et notre pays restera debout.
Merci Madame pour votre engagement.
Je salue au passage kameleon78 et mon amie Tunisienne qui ont partagé le même sentiment.

Amor
| 03-04-2016 13:20
Une justice non indépendante sous les ordres de partis politiques, de chefs corporations, de syndicats professionnels, exerçant toutes les pressions du monde, sur les juges, aux fins de donner un semblant de légalité, par des décisions de justice, à un état de fait auquel ils ont contribué , à savoir la fameuse révolution de « Jasmin » avec son lot de dossiers montés de toutes pièces, le faux et usage de faux qui les avait accompagné et avec son lot de gens respectables qui sont morts en prison ou des suites de leur emprisonnement ou des poursuites qui les avaient éclaboussé comme ce fut les cas du Docteur DABBOUSSI, Abdelaziz BEN DHIA , Aziz MILAD, sans oublier M Huimel, procureur de Nabeul, dont vient de parler sa collègue sous le sot de l'anonymat.
Terrible est l'état de ce pays qui va vers la dérive.

Tunisienne
| 03-04-2016 13:03
Bonjour Madame,

Je me joins à @ kameleon78 pour vous remercier de votre contribution. Je vous remercie également de nous avoir confortés dans nos présomptions, quand les islamo-fascistes haineux pseudo-révolutionnaires sont lâchés sans aucune retenue ou pudeur pour déformer toutes les vérités et nous persuader, y compris par la force, que tout ce qui se passe dans le système judiciaire est "normal" et même juste et légitime !

Avec vos confrères, vous restez, Madame, l'un des derniers espoirs de sauver ce pays des griffes de la nouvelle dictature mafieuse et impitoyable. Vous êtes donc priés de résister et de ne pas baisser la garde!

Enfin, il serait souhaitable que vos représentants élus (du moins, ceux qui partagent les mêmes convictions que vous!) soient un peu moins focalisés sur des soucis purement corporatistes et affichent moins de neutralité sur ce genre de questions...

Respectueuses salutations!

kameleon78
| 03-04-2016 11:56
Merci pour votre témoignage et cet éclairage sur le fameux bureau No13.

Vi-f-air
| 03-04-2016 11:28
Le changement de régime a provoqué un système complexe menant vers la démocratie et il suppose l'instauration de procédés et procédures rigoureuses et implacables or, pour ce faire il faut une séparation nette entre les pouvoirs et les liens avec les partis. ce que nous n'avons pas réalisé à ce jour car la mentalité et les intérêts d'une part, et les blessures ouvertes d'autre part, ne permettent de franchir cette étape sans heurts et sans fracas.
Pourtant, il est essentiel de tenir le cap et de ne pas tolérer les confusions des intérêts malgré le prix à payer. C'est la seule issue possible qui prendra du temps. Il est primordial que l'on y croit et qu'on lutte, comme le font déjà certain(e)s magistrat(e)s que nous devons tous soutenir par tous les moyens, se sont les vrais ferments de la nouvelle société tunisienne libre et égalitaire du futur, que nous espérons tous proche.

Mounira
| 03-04-2016 10:39
Il y a tout d'abord lieu de remercier Business News et madame Sarra HLAOUI pour le courage dont ils font preuve, car, par les temps qui courent, rares sont ceux qui résistent encore à l'iniquité, galopante, qui règne dans le pays, bien pire, il faut le croire, que celle de l'ancien régime.
Et la mort de Monsieur Khaled Houimel, haut magistrat Tunisien, ne fait-elle pas partie du lot des victimes ?
La liste de ceux qui sont morts, qui ont souffert ou souffrent encore du fait de l'iniquité de ceux qui avaient mis la main sur le système judiciaire, serait, en effet, bien plus longue que vous ne pourriez le croire, il faudrait, un de ces jours, ouvrir une enquête sur ce thème et recueillir les témoignages, notamment ceux d'une majorité silencieuse de magistrats, appelés, un jour ou l'autre, à se libérer des contraintes qui pèsent encore sur eux.
Moi, je suis, magistrate, encore en exercice, et je ne puis, bien évidemment, me hasarder à divulguer mon identité, mais je me dois, quand même, de rappeler aux ripoux, parmi les magistrats qui ont retournés leurs vestes, la mort de notre collègue M.Khaled Houimel, ancien procureur de Grombalia puis procureur général de Nabeul, une mort en relation directe avec l'interrogatoire inéquitable qu'il avait subi, pour des faits qu'ils n'avaient pas commis, les procès- verbaux , versés au dossier , par ceux qui l'accusent, faisant foi.
Résultat, sur la route du retour vers son lieu de résidence à MSAKEN, le collègue entrera en collusion directe, que certains qualifient de suicide, avec un camion laissant derrière lui une veuve à la fleur de l'âge et des orphelins.
Mais fort heureusement que les bureaux n°13 , instruction et chambre d'accusation, et une chambre criminelle bien identifiée auprès de la cour de cassation sont bien là pour faire le toilettage au nom d'une révolution dont ne restera, en bout de parcours, que de mauvais souvenirs ?