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Chroniques
L’Isie ne contrôle pas le processus électoral, elle se l’approprie
Par Marouen Achouri
23/11/2022 | 15:59
4 min
L’Isie ne contrôle pas le processus électoral, elle se l’approprie

 

L’instance des élections est entrée en guerre ouverte contre la Haute autorité indépendante pour la communication audio-visuelle (Haica) à propos du contrôle de la couverture médiatique des élections législatives du 17 décembre. Il ne s’agit là que du dernier épisode d’un long feuilleton pendant lequel l’instance des élections a fourni d’énormes efforts afin de mettre totalement la main sur le processus électoral.

 

L’un des premiers épisodes de ce feuilleton a été d’isoler et de mettre dehors les voix discordantes à l’instar de celle de Sami Ben Slama. On peut être d’accord ou pas avec ses propos ou avec sa manière de les exprimer, mais rien ne justifie que cette instance lui inflige un tel traitement. Après avoir été empêché d’accéder aux locaux et privé de voiture de fonction, il se trouve aujourd’hui même devant la brigade criminelle d’El Gorjani pour répondre d’accusations grossières. Les membres du conseil de l’instance semblent oublier que Sami Ben Slama a été nommé par le président de la République au même titre qu’eux, et de ce fait, il ne peut être écarté ou limogé que par une décision du même président de la République. Les membres du conseil de l’Isie semblent ne pas s’embarrasser de ce genre de détail.

La même Isie s’est ensuite échinée à faire réussir le référendum en claironnant partout que c’était une réussite démocratique inédite, ce qui n’est pas du tout le cas, chiffres à l’appui. Les membres du conseil de l’Isie ont fait en sorte que le « oui » soit favorisé, comme lorsqu’ils avaient proposé que les messages de boycott des opposants ne soient pas diffusés. Une proposition refusée, déjà, par la Haica. Par contre, l’instance pour les élections n’a rien trouvé à redire lorsque le chef de l’Etat, Kaïs Saïed, a allégrement rompu le silence électoral au matin du référendum en prononçant carrément un discours. Par ailleurs, la critique des erreurs commises par l’instance lors de la proclamation des résultats avait particulièrement irrité ses responsables qui ont menacé à tout va de recourir à la justice. A aucun moment les membres de cette instance ne se sont excusés pour leur erreur. Par contre, ils ont procédé au limogeage du chef de cabinet de l’Isie, Amor Boussetta, faisant de lui le bouc émissaire de ce cafouillage.

 

Aujourd’hui, la Tunisie est à l’aube d’élections législatives anticipées prévues pour le 17 décembre. L’Isie s’est appropriée les prérogatives de la Haica en opposant le fait que c’est l’instance responsable de la gouvernance des élections. L’Isie piétine allégrement les prérogatives d’une autre instance dans le but de verrouiller le processus électoral et de se l’approprier. Rien ne doit dépasser et rien ne doit arriver sans l’autorisation de l’Isie ou sans la possibilité d’infliger des punitions à posteriori. L’instance veut élargir son champ de compétence alors qu’elle n’est même pas capable de faire publier à temps les textes législatifs et les décisions au Jort. Le vice-président de l’instance, Maher Jedidi, s’est contenté d’inviter la Haica à porter plainte auprès du Tribunal administratif si elle n’est pas contente. Il ne semble pas perturbé le moins du monde par le fait que deux instances qui se battent devant le tribunal à quelques encablures d’élections législatives est une bien piètre image pour cette « nouvelle République ». Mais il faut dire aussi que leur patron, à savoir le président de la République, a donné son accord pour cette mascarade. Le même Maher Jedidi déclarait le 18 novembre que « Le président ne vit pas sur une autre planète, il sait ce qui se passe et quand nous lui en avons parlé il nous a simplement demandé d’appliquer la loi. L’Isie prend toutes les prérogatives de ces élections et si différend il y a, le Tribunal administratif est là pour trancher ».

En fait, l’instance des élections agit comme le président de la République. Elle veut décider, organiser, contrôler ou infliger des sanctions toute seule. Elle veut avoir les pleins pouvoirs pour verrouiller le processus électoral sans même en avoir toutes les compétences. En faisant cela, cette instance perd le peu de crédibilité et de légitimité qui lui reste. On peut d’ores-et-déjà entrevoir les déclarations qui seront faites après les élections du 17 décembre quels qu’en soient les résultats. Ce sera évidemment un énorme succès et une belle expression démocratique pour le peuple tunisien rendue possible par le travail exceptionnel de l’instance des élections. Celui qui prétendra le contraire se trouvera éventuellement devant une brigade criminelle ou un juge d’instruction pour expliquer sa position.

 

Nous sommes loin de l’effervescence politique et électorale qui a entouré chaque échéance depuis la révolution. Cette Isie a échoué à mettre en place un climat propice aux élections, à sensibiliser à leur importance et à vulgariser le système décidé par le président de la République. Nous allons au-devant d’élections législatives qui n’intéressent personne et dont les candidats sont d’illustres inconnus. Une partie du peuple tunisien ne pourra pas voter car il n’y a pas de candidat ou il n’y en a qu’un seul dans leur circonscription. Comme l’a déclaré le président de la première Isie, Kamel Jendoubi, l’instance est défigurée, mais rien n’est assez cher pour les beaux yeux de la « nouvelle République » voulue par le président Kaïs Saïed.

Par Marouen Achouri
23/11/2022 | 15:59
4 min
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Commentaires
AMMAR BEZZOUIR
Pourquoi pas ?
a posté le 23-11-2022 à 18:09
Lorsque le Putschiste en Chef est capable d´abolir une démocratie, qui va arrêter cette bande de joueurs de chkobba (isie de Kisollah) de se comporter de la sorte ?
Naim
Objection !
a posté le 23-11-2022 à 17:58
Vous insinuez certainement que s'approprier la chose sa garantie sa protéger des mains mises des khwamjias.