alexametrics
samedi 20 avril 2024
Heure de Tunis : 02:14
Chroniques
Les raisons de la discorde
Par Houcine Ben Achour
27/03/2020 | 10:00
4 min
Les raisons de la discorde

 

Le plan de sauvetage et de soutien aux entreprises concocté par le gouvernement et la Banque centrale de Tunisie (BCT), l’un par le biais d’un allégement fiscal et l’autre par un desserrement des conditions du crédit, n’a pas manqué de provoquer des grincements de dents chez les uns et chez les autres.

Dès sa présentation par le gouvernement, l’UGTT a saisit l’occasion de demander aux pouvoirs publics un coup de pouce en faveur des salariés. Dans la foulée, des voix se sont élevées au sein du barreau demandant à ce que les avocats bénéficient des mesures de soutien au même titre que les entreprises. Car, eux aussi auront des problèmes de trésorerie dans la mesure où, comme les entreprises, ils ont des impôts à acquitter à l’échéance, des salaires à verser, des crédits à rembourser, des loyers à payer…  Leur situation risque d’être telle qu’ils ne seraient pas en mesure de pouvoir défendre la veuve et l’orphelin (sic). Objectivement, rien n’empêche d’accéder à leur demande. Celui qui peut le plus, peut le moins, dit l’adage. Cependant, le principe d’égalité de traitement face à une égalité de situation oblige à inclure également les autres professions libérales et, pourquoi pas, les salariés dès lors qu’ils ont, eux aussi, des loyers à payer, des crédits à rembourser, des impôts à payer (la retenue à la source)…Si le gouvernement et la BCT en venaient à satisfaire tout le monde, ce serait pousser l’Etat et les établissements de crédit à la faillite.  

Le plus curieux, c’est que ce plan a provoqué une réelle polémique, à la limite de la discorde, entre le gouvernement et l’Utica. L’organisation patronale tunisienne n’a pas toléré que, lors de la présentation des mesures prises en faveur des entreprises pour faire face à l’impact de l’épidémie du coronavirus sur leur activité, Elyes Fakhfakh, le chef du gouvernement, en appelle à leur solidarité en usant de menaces à peine voilées. L’immédiate montée au créneau de Samir Majoul, le président de l’Utica, n’en fut pas moins cinglante, dévoilant toutes les frustrations vécues par les entreprises et les chefs d’entreprise depuis 2011, pour finir par un « on nous a dépouillés » qui fera certaine date. Pour le patron des patrons tunisiens, c’est la goutte qui a fait déborder le vase.

Il est vrai que durant toutes ces dernières années, les chefs d’entreprise n’ont pas eu les faveurs des gouvernements successifs. Ils se sont pliés, de bonne ou de mauvaise grâce, à leurs sollicitations pour préserver l’emploi et le pouvoir d’achat, alors que le contexte pouvait difficilement le permettre. Ils ont accepté que l’Etat satisfasse les revendications salariales au prix d’une pression fiscale de plus en plus lourde à supporter. Ils ont accepté qu’il soutienne financièrement les entreprises publiques devenues structurellement déficitaires à coup de centaines de millions de dinars. Ils ne peuvent admettre dans ces conditions que le soutien qui sera accordé à leurs entreprises pour faire face à l’impact économique de l’épidémie fasse l’objet d’un deal aussi mesquin et d’un traitement aussi méprisant alors qu’ils s’attendaient à un soutien fort et sans réserve. Ils auraient même accepté d’être situés au bas de l’échelle des objectifs assignés à ce plan de soutien et de sauvetage : aider les plus démunis d’abord, préserver l’emploi, ensuite et soutenir l’entreprise, enfin. Mais mettre en doute leur élan de solidarité, en remettre une couche à travers les prises de position du ministre du Commerce d’une part et celui des Domaines de l’Etat et des Affaires foncière, c’est cela qui est inadmissible.

En tout cas, le chef du gouvernement semble agir selon la logique qui était la sienne du temps où il dirigeait le ministère des Finances sous la Troïka. A l’époque, il n’avait pas trouvé le soutien tant espéré des chefs d’entreprise lorsqu’il avait proposé de transférer une partie des charges fiscales directes de l’entreprise vers les dividendes distribués. Il n’avait pas trouvé le soutien espéré lors des fameuses Assises de la fiscalité en vue de dégager une réforme globale du système fiscal du pays. Etait-ce pour autant raisonnable ? Il faut avouer que certaines données sur la contribution des entreprises dans les recettes fiscales directes portent à interrogation. En effet, les statistiques sur les contributions fiscales directes des salariés et des entreprises ont pris une trajectoire divergente. Durant la décennie 2001-2010, l’impôt sur les salaires représentait environ 42% des recettes fiscales directes de l’Etat. Pour la décennie 2011-2020, cette contribution est passée à 44%. Dans le même temps, la contribution fiscale directe des entreprises non pétrolières au total des ressources fiscales directes de l’Etat est passée de 30% à 24% environ entre les deux périodes.

Cela laisse perplexe. Mais ne peut en aucun cas autoriser un écart de propos aussi violents. Les attentes du pays sont déjà énormes pour s’embarrasser d’une nouvelle discorde au bout de laquelle c’est tout le pays qui y perdra.

Par Houcine Ben Achour
27/03/2020 | 10:00
4 min
Suivez-nous
Commentaires
Dr. Jamel Tazarki
@Si Houcine
a posté le 28-03-2020 à 14:18
vous écrivez: "Durant la décennie 2001-2010, l'impôt sur les salaires représentait environ 42% des recettes fiscales directes de l'Etat. Pour la décennie 2011-2020, cette contribution est passée à 44%. Dans le même temps, la contribution fiscale directe des entreprises non pétrolières au total des ressources fiscales directes de l'Etat est passée de 30% à 24% environ entre les deux périodes."

===>
Je voudrais rappeler que "L'Impôt sur les Sociétés, en abrégé IS, est un impôt direct qui s'applique à l'ensemble des bénéfices réalisés par les sociétés et autres personnes morales"

Vous voyez ce que je veux dire, Si Houcine: En Tunisie, il y a une grande divergence entre les règles comptables et les règles fiscales. Le Problème est évident:
-Les conditions générales de déductibilité des charges en Tunisie ne remplissent que les conditions de formes (les charges doivent être en particulier comptabilisées et justifiées par des factures).
-Par contre les conditions de fond ne sont pratiquement pas vérifiées par certaines de nos entreprises privées (je dis bien certaines et non pas toutes). Je cite quelques conditions de fond:
-les charges devraient être dans l'intérêt direct de l'exploitation
-correspondre à une charge effective et être appuyée de justifications suffisantes ;
-se traduire par une diminution de l'actif net de l'entreprise
-être comprises dans les charges de l'exercice au cours duquel elles ont étés engagées ;
-ne pas être exclues des charges déductibles par détermination de la loi
-ne pas être considérées comme acte anormal de gestion.

Je donne des exemples de tricherie:
-des pseudo-rémunérations et -prestations diverses
-des pseudo-dépenses locatives
-des pseudo- dons et -subventions
-ne pas comptabiliser une partie des ventes et des recettes

Et ainsi il est évident:
- que la contribution fiscale directe des entreprises passe entre 2011-2020 de 30% à 24%. Puis il faut dire que certains fraudeurs sont des membres de certains de nos partis politiques...

Fazit:
-Toutes ces entreprises pseudo-déficitaires depuis 2011 ne peuvent pas s'attendre que l'état leur injecte des millions de dinars afin qu'elles deviennent subitement gagnantes...
-La morale de l'histoire est ainsi évidente: à long-terme, nous avons tous intérêt à être honnête.

Très Cordialement
Jamel Tazarki
Lamine
Subventions de l etat
a posté le 27-03-2020 à 14:27
Oui à condition que toute personne demandant subvention présente une déclaration de ses biens, et vous verrez combien il yaura de candidats
Très peu certainement