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Chroniques
Les pieds dans la merde et la tête dans les étoiles
Par Marouen Achouri
19/10/2022 | 16:59
5 min
Les pieds dans la merde et la tête dans les étoiles

 

Les maitres de l’absurde à l’instar de Kafka ou du grand Albert Camus auraient certainement trouvé, en cette Tunisie de 2022, un vaste terrain de jeu. Cela aurait au moins permis que quelque chose de positif sorte de tout ce marasme dans lequel patauge le pays depuis des années. Un peuple qui vit au rythme des catastrophes, des pénuries. Un peuple dont la scène politique est rythmée par la haine, le populisme, l’incompétence et l’ignorance ne peut en aucun cas évoluer.

 

Commençons par ceux qui semblent être les plus nombreux : les soutiens et les fans du président de la République, Kaïs Saïed. Il faut avouer qu’ils sont dotés d’un extraordinaire culot qui leur permet de donner des leçons au monde tout en soutenant un régime qui mendie auprès de la Banque mondiale pour acheter du blé, qui se fait envoyer des aides via l’Unicef et qui implore le FMI depuis près d’un an pour pouvoir payer les salaires.

Sans trembler, ils parlent de façonner de nouveau l’approche de l’action politique en invoquant des inepties comme la gouvernance par les bases, les sociétés communautaires ou la réconciliation pénale. Non seulement le régime qu’ils soutiennent n’en réalise rien, mais en plus il les désavoue à plusieurs occasions. Et pourtant, droit dans leurs bottes plongées dans la merde, ils continuent à vanter le chef de l’Etat Kaïs Saïed, son courage et sa vision.

Ahmed Chaftar, l’un des principaux fanatiques de Saïed, avait même affirmé dans une interview que nous verrions des merveilles après les élections législatives de décembre 2022. Il faut quand même être sacrément perché pour croire un tel amas de contrevérités et de populisme. Ils ont toujours une excuse pour un président qui n’en cherche même pas. « Ils ne le laissent pas travailler », « ce n’est pas un politicien, il faut qu’il apprenne petit à petit », « les islamistes sont partout », sont autant de phrases toutes faites utilisées par les fans de Saïed afin de justifier l’injustifiable et excuser l’inexcusable. Néjib Dziri a même osé dire que Allah avait permis à Bourguiba de bâtir l’Etat national et à Saïed de le développer et de le faire avancer. Il se dit que la statue de Bourguiba à l’avenue essaye de démarrer depuis ce jour…

 

Il y a aussi les aficionados de Abir Moussi. En comparaison à ceux de Kaïs Saïed, ils ne manquent ni de populisme ni de violence pour défendre « Erraïssa » (la présidente) comme ils l’appellent. Il faut dire, qu’à leur décharge, c’est leur patronne qui a toujours joué la surenchère. Il faut toujours qu’elle soit la première des opposantes, la plus bruyante en tout cas. Aucune remise en cause de ses actes sous la coupole du Bardo n’est tolérée, aucune réflexion sur les conséquences de cette surenchère permanente n’est admise, il faut juste applaudir et crier que Abir est la meilleure.

Si l’on ose dire que Abir Moussi a grandement participé à paver la route à ce qui est arrivé le 25-juillet dernier, on devient un islamiste qu’il faut éradiquer. Tout est toléré, sauf critiquer Abir Moussi. Pourtant, ses fans, étant des citoyens tunisiens, payent aussi un lourd tribut au niveau de leur pouvoir d’achat et ont les mêmes inquiétudes que leurs autres concitoyens, mais leur souci est de faire en sorte que Abir Moussi devienne présidente. Ils ont un besoin presque pathologique d’être commandés, dirigés et présidés. Peu importe si, finalement, leur favorite deviendra la présidente d’un amas de cendres dont elle aura allumé la mèche. Tout de suite après la marche organisée par le PDL au centre de Tunis, Abir Moussi s’est lancée dans une grève de la faim dont personne n’a compris les raisons ni les objectifs. Cet acte de contestation totalement étranger aux habitudes des destouriens –puisqu’ils n’ont jamais rien contesté- n’a pas duré longtemps, à peine un peu plus de 24 heures. Qu’en est-il resté ? A part la volonté de faire le show, par grand-chose…

 

Il y également les islamistes qui devraient beaucoup plus remercier Kaïs Saïed que l’attaquer. Chez eux aussi, aucune remise en question sérieuse n’est à l’ordre du jour. Pourtant, ils sont directement impliqués dans une décennie catastrophique de gestion des affaires du pays. Pas toujours avec la même force, oui. Pas toujours avec le même nombre de ministres, c’est vrai. Avec des alliés, dont le mouvement Echaâb qui soutient aujourd’hui le président, oui. Mais cela n’exempte en rien de rendre des comptes à un pays qui aspirait à tant de belles choses en janvier 2011.

Chez les islamistes aujourd’hui, c’est la plus confortable des situations : celle de la victime. Pour eux les choses sont simples : Abir Moussi et les autres ont vilipendé l’action politique et le parlement, ce qui a pavé la route à Kaïs Saïed pour opérer un renversement du pouvoir. Eux sont les simples victimes de ce tragique concours de circonstances. Il est évident que la réalité est bien plus éloignée que cela. Et puis entendre Rached Ghannouchi, celui qui a tenté par tous les moyens de rester à la tête de son parti, qui a multiplié les manœuvres pour devenir et rester président de l’assemblée, parler de démocratie est franchement amusant. Encore plus amusant, ceux qui s’opposent aujourd’hui à Kaïs Saïed avaient voté massivement pour lui au second tour de la présidentielle sur ordre de leur patron Rached Ghannouchi. Ce même Rached Ghannouchi qui a présenté le cofondateur du parti, Abdelfattah Mourou, en guise de bouc émissaire et qui leur avait promis qu’il ne s’allierait jamais à ce corrompu de Nabil Karoui. Après tant d’errements en seulement trois ans, il faut avoir au moins le culot d’un Kaïssiste pour venir aujourd’hui donner des leçons sur le cheminement démocratique de la Tunisie.

 

Mais pour le meilleur ou pour le pire, tout ce beau monde se retrouvera dans les longues queues pour se fournir en carburant, ou pour acheter du sucre ou de l’huile végétale. Tout ce beau monde verra ses enfants fuir ce pays, légalement ou clandestinement. Tout ce beau monde découvrira qu’à la longue, leurs salaires ne suffisent plus pour garantir une vie décente. Tout cela sans parler de transport, de santé, d’éducation, de changement climatique etc. Mais de cela, qui s’en occupe…

Par Marouen Achouri
19/10/2022 | 16:59
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Commentaires
Carthage Libre
Abir Moussi n'a JAMAIS été au Pouvoir l'ami ; alors, pourquoi tu la mets dans le même sac des khwenjias, qui ont gouvernés 10 ans et de Kaies Saied qui gouverne depuis 3 ans?
a posté le 20-10-2022 à 13:19
On le savait que tu allais mettre dans le "même sac" Abir Moussi et les autres.

C'est pathologique!

Tu sais ce que tu aurais du dire? Qu'elle ferme sa grosse gueule et rentre dans les "rang" du malade de Carthage et qu'elle cherche un "poste" peut-être pour "réparer" certaines choses de l'intérieur (avec Kaies Saied, tu rêves!).

Tu as juste omis de dire que Abir Moussi, avec ses gesticulations, a mis bas Ennahdha, avec des methodes peu orthodoxes mais c'était la SEULE façon de les atteindre.

Et maintenant pour atteindre le Robot de Carthage, qui DETRUIT notre pays, elle fait la même chose.

Peut-être aurais tu "désirer" qu'elle face de "l'opposition" assise dans un salon? Gentillement? Mais le pays est en grand danger! Il coule! Elle est obligé de faire ces pressions terribles! Pourquoi? Parcequ'elle est PATRIOTE. Autre chose : je te conseil de l'écouter, car elle ne dit pas n'importe quoi : TOUTES ses interventions sont millimétrés et super bien argumentés. mais bon, toi tu ne vois que la "forme" et non le fond.

Enfin, permet moi de te dire que si Abir Moussi était au Pouvoir, elle qu'elle aurait fait le 1/3 du désastre en cours de Kaies saied...on aurait été les PREMIERS à la dénoncer et à sortir dans la rue ; sache que si on la soutien, c'est parcequ'on croit fermement en ses compétences et son envie sincère de reprendre en main notre pays et de le réparer.
1/3i
@ Fares
a posté le 20-10-2022 à 11:55
tous ceux qui avaient des compétences, une envie, des solutions ont été éxécutés en place publique par Le fils Essebsi, par ennadah, par Abir, par le système en place depuis des décennies.

Ce sont toujours les mêmes qui dirigent, sauf que de nouveaux profiteurs se sont ajoutés depuis 10 ans. Aux lendemains du changement de 2011, des grosses têtes bien remplies sont rentrées au pays pour participer à la nouvelle Tunisie. Mais devant ce qui s'est passé depuis, voyant que c'était impossible, ils sont repartis les uns après les autres faire du fric dans d'autres cieux bien plus accueillants.

Quant à l'armée, y-a-t-il un Ben Ali dans ses rangs ?
Car il faut des belles compétences pour entourer ce type d'aventures, un militaire sachant s'entourer, écouter, et prendre les bonnes décisions économiques ?
takilas
On peine et on perd notre crédibilité à cause de nahdha
a posté le 20-10-2022 à 10:43
Que sans corruptions nahdha ne peut jamais être dans politique, et cela va de soi puisque les adeptes de cette secte sont vides et dénués de toute connaissance, expérience et sont de surcroit médiocres et n'ayant jamais la valeur des grands illustres connus en Tunisie du temps de Feu Bourguiba dont ils ne peuvent meme pas leur arriver au bout des orteils.
Et s'ils ont opté pour cette branche, propre seulement à un gouvernement de compétents comme les des années soixante et soixante-six, c'est justement parce qu'ils pensent que parce que lesdits compétents ont réussi, qu'ils croient que c'est aussi facile que cela.
Toutefois ce qu'ils font semblant de ne pas savoir c'est que ces compétents ne cherchaient jamais à avoir des avantages, mais que certains ministres d'entre-eux refusaient même de les obtenir et de mener par contre une vie de citoyen ordinaire.
Mais ce comportement de ces serviteurs envers leurs commanditaires qui les ont logé royalement logé à Londres, est tout-à-fait prévisible, puisqu'ils ne peuvent assumer aucune onction ni tâche vu leur niveau précaire et sont des néophytes dans tous les domaines , et dire qu'ils ont opté pour la politique croyant croyantqu'elle peutrapprter gros xurtout en utilisant leurs spécialités de l'arnaque, la manigance et la corruption.
Cependant Kais Saied est parvenu à arrêter cette hémorragie quoique des mains étrangères essayent, d'espérer encore la conquête du pétrole libye, comme ils l'ont planifiées entre 2006 et 2011 de les replacer au gouvernement ou à l'assemblée des représentants du peuple qui ne représentaient rien à partir de 2011 jusqu'à pratiquement 2021, sauf la médiocrité, l'arnaque et les sabotages (prémédités ?!) dont ils excellaient.

Maintenant pour ce qui de Abbou est il est certain que sa femme le harcèle quotidiennement pour qu'il tente de redevenir ministres, ce qui est bien sûr impossible pour ce médiocre et pro-nahdhaoui qui a été nommé ministre par la connivence de ghanouchi pour une tâche bien déterminée celle de favoriser et servir nahdha.
Cependant elle lui fait comprendre que le mafieux ghanouchi pourrait revenir "sait-on ja.ais?", surtout, que quelques-uns , quoique des dupeurs certainement, parlent d'éventuelles intentions des américains de recaser ghanouchi pour qu'il donne et favorise le droit de passage vers le pétrole libyen.
Fares
La solution?
a posté le 20-10-2022 à 10:20
Aucun politicien ou parti pour redresser l'économie de ce pays et rétablir la paix sociale.

L'armée, c'est la solution qu'on n' a pas encore essayée quoique L'armée pourrait être pire que tous les politiciens une fois au pouvoir, mais on n'en sait rien. Ressusciter le Bourguiba des années 60? Se résigner que ce pays est foutu pour de bon et passons à autre chose?
Abir
Analyse et hypocrisie
a posté le 20-10-2022 à 09:02
Monsieur Achour, vous aves distribuez vos attentions et votre vision correctes envers les kwannjias et incorrectes surtout envers le PDL et ça, on ne pouvait pas attendre le contraire puisque vous voyez que d'un seul oeil, vous minimisez et vous ne respectez jamais les sacrifices de ABIR MOUSSI et son parti et ce n'est pas étonnant de votre part ! Mais ce que j'ai remarqué dans votre analyse déséquilibrée, l'absence des gauches dans cette période noire, sans dire un mot contre eux, comme s'ils sont des saints alors qu'ils ont gouverné avec les kwanjias pendant le dix ans ! C'est clair monsieur Achouri et comme d'autres journalistes vous êtes injustes et hypocrites
Carthage Libre
Il veut za3ma za3ma faire "l'équilibre" dans on article ya Abir. Ma takhodhech a3lih,.
a posté le à 13:44
Il a mis Abir Moussi, qui n'a JAMAIS été au Pouvoir, avec tout ce panier de crabes.

Il n'a bien sur vu que la forme et non le fond de son militantisme.

Il ne sait pas que le Militantisme peut prendre plusieurs formes ; Abir Moussi proteste avec TOUS les moyens qu'elle peut, pacifiquement. ça, il ne le décrypte pas. Il s'en fout et veut une "oposition de Salon", bien assis, gentil et quelques communiqués pour dénoncer Kaies Saied et ses graves dérives.

Excuse le ya @Abir . S'il va dire des choses "positives" sur Abir Moussi, on le traitera de tous les noms et "d'impartialités".

Mais nous on sait faire le tri entre le Bon grain et l'Ivraie.
GZ
L'apprenti
a posté le 20-10-2022 à 00:20
"Il faut qu'il apprenne, petit à petit".
On appelle cela mettre la charrue avant le tracteur.
A l'occasion d'un reportage en Syrie en guerre, un de vos confrères emprunte un taxi. Surpris par le jeune âge du conducteur, il le questionne, "vous êtes étudiant ? Vous financez vos études en faisant le taxi ?"
"Du tout, répond le jeune homme, j'apprends à conduire simplement".
Douché, au premier arrêt, le client paya et disparut sans demander son reste.
La voiture Tunisie finira quelque part, un mur, un arbre, un ravin.
Fares
Une vermine kafkaenne
a posté le 19-10-2022 à 23:07
La métamorphose d'un retraité de la fonction publique gentil en une vermine.

La métamorphose de Saladin Chamcha des versets sataniques en un diable. Si on observe bien le front de Kaisollah on verra deux cornes et deux sabots lui servent de pieds.

Est-ce que la merde peut être dans la merde, peut-être, mais une chose est sûre elle ne se rendra même pas compte, il s'agit de la même matière après tout.
Nephentes
Un peuple de désaxés sans avenir
a posté le 19-10-2022 à 17:05
Désaxé : au figuré, individu en perte totale ou partielle de son équilibre mental; désorienté, en perte de repères

Kaes Saed est le symbole vivant de la désorientation du peuple tunisien , et de la déchéance radicale de la Tunisie.

Un peuple ignorant étranger même a son histoire a sa mémoire et son patrimoine socio-historique , un peuple de zombies tournant dans le vide dans un espace géographique et un imaginaire dévastés déformés enlaidis a l'extrêmes; invivable

En l'espace de 35 années, exode rural anarchique et dictature benaliste aidant, la nation tunisienne a été anéantie;

Cette catégorie de fait ne se précise et ne s'apprécie qu'a long terme ; d'ores et déjà, cependant, les résultats sont apocalyptiques et sans retour

L'envergure et les conséquences de la marginalisation de la Tunisie par rapport a la marche l'avenir du monde sont inconcevables
GZ
@Nephentes
a posté le à 00:49
Bonjour.
Sur l'île des lotophages les habitants mangent des lotos, fruits du jujubier sauvage, dit-on au goût proche de celui des dattes.
Il a pour effet de leur faire oublier d'où ils viennent et qui ils sont. Dans la mythologie grecque, on identifie l'île de Djerba comme étant l'île des lotophages décrite par Homère dans l'odyssée. Ulysse y accosté, dépêche deux émissaires. Voyant l'effet produit sur ses envoyés par la consommation desdits fruits, il s'empresse de les rembarquer et déguerpit fissa.
Nous subissons probablement la malédiction du lotos.
Allez savoir.
Bien à vous.

P.S. Les exégètes d'Homère expliquent ce passage par l'importance de la mémoire collective dans l'identité d'un peuple ou une nation. Savoir qui on est. Ne pas oublier d'où l'on vient.
Nous avons par le passé, brièvement abordé cette question sous un article relatif à une pièce du patrimoine bâti laissée à l'abandon.
Aujourd'hui, tout est abandon.
Nephentes
Cet abandon ne peut rester sans conséquence
a posté le à 12:05
Le contexte de liquéfaction actuel nous touche personnellement presque existentiellement

la déchéance des monuments places et lieux historiques nous aliène directement parce que nous la ressentons, a juste titre, comme la négation de nos ancêtres et donc de nous mêmes

en outre le fait pour nos jeunes d'ignorer totalement les réalisations des dynasties hafsides et husseinites les rend étrangers au fait tunisien qui est un processus vivant qui s'alimente des acquis du passé et des espérances dans l'avenir

rien de cela n'existe actuellement; et cette absence a des répercussions insoupçonnables a court terme et radicales a long terme
Mourad
JCVD
a posté le 19-10-2022 à 17:03
Bravo M. Achouri. Comme d'habitude, article très intéressant et une analyse très fine. Je résumerais l'attitude des hommes et femmes politiques cités ci-dessus par cette citation humoristique de JCVD :-)
" Quand tu es con, tu ne sais pas que tu es con puisque tu es con.... Alors quand tu n'es pas con, tu sais parfois que tu es con" :-))))
DHEJ
Alors...
a posté le à 20:44
Tout ce monde est beau ou con?