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Les lignes de force d’une géopolitique mondiale et régionale bouleversée et fragmentée
16/03/2025 | 20:26
4 min
Les lignes de force d’une géopolitique mondiale et régionale bouleversée et fragmentée


Par Mehdi Taje*


« Lorsque le coup de tonnerre éclate, il est trop tard pour se boucher les oreilles », Sun Tzu.

La réflexion stratégique face aux tumultes du monde s’impose plus que jamais : ce n’est plus une approche réservée à une élite, c’est un impératif de survie pour tout décideur tunisien évoluant dans le grand tourbillon géopolitique et géoéconomique ambiant. On m’a toujours dit : « le Tunisien ne comprend que face à l’urgence, dans la douleur ». Malheureusement, je n’ai pu que vérifier la véracité de cette affirmation tout au long de ma carrière professionnelle. « Le Tunisien est timoré, ce n’est pas un entrepreneur s’exposant aux risques et se mesurant à la concurrence : il gère au jour le jour et trouve toujours un moyen de s’en sortir en limitant les pertes ». C’était possible par le passé ; aujourd’hui, c’est un « suicide stratégique ».


Durant les années 2000, je n’ai cessé d’avertir les décideurs tunisiens sur les risques et menaces projetés par l’instabilité du théâtre sahélien, notre ceinture de sécurité du sud. On me répondait : « C’est intéressant, mais laisse-nous tranquilles, nous sommes protégés par les frontières libyennes et algériennes ». Personne n’avait envisagé la chute du président Kadhafi et le délitement de la Libye, toujours en cours. Encore moins le trou noir sahélien. Aujourd’hui, on me sollicite pour comprendre les dynamiques géopolitiques et géoéconomiques recomposant cet espace, car une menace est venue frapper à la porte et est entrée avec fracas dans le jardin : l’immigration irrégulière, appelée à s’amplifier.

 

Face aux grands chambardements géopolitiques et géoéconomiques nous propulsant dans un monde chargé d’incertitudes, de menaces et de risques, mais aussi d’opportunités, un monde émietté, un monde fracturé, un monde en ébullition stratégique, un monde où les prédateurs sortent du bois, nos décideurs ne pourront indéfiniment faire le dos rond et attendre que cela passe. Ça ne passera pas cette fois-ci sans remise en cause de notre manière d’appréhender cette nouvelle réalité nébuleuse dans laquelle nous baignons, et sans changer de logiciel. La guerre économique en cours, la fragmentation géoéconomique recomposant les chaînes de valeur, va impacter notre économie et nos chefs d’entreprise. C’est le temps de la lucidity, du réalisme et du sursaut face à l’imprévisibilité croissante.

En effet, le monde d’aujourd’hui, profondément bouleversé et en pleine recomposition, est caractérisé par une puissante accélération de l’histoire faisant voler en éclats l’ensemble de nos repères. Inondés d’un flux d’informations continu s’inscrivant dans une guerre de l’information où manipuler les perceptions est la règle, nos grilles d’analyse traditionnelles sont devenues inopérantes. Les sociétés sont percutées par des « mégachocs » et des surprises dites « de haute intensité ». Les « polycrises » nous mettent à rude épreuve. Nous sommes à un point d’inflexion critique, vecteur d’incertitude et de forte volatilité.

 

Dans ce monde fragmenté et fracturé, nos grilles d’analyse et de compréhension qui fonctionnaient sont devenues caduques et sources d’erreurs d’appréciation se traduisant par des chocs et des coûts menaçant la pérennité des États, la compétitivité des entreprises, la cohésion des sociétés, etc. Nous changeons de monde dans la douleur. La marche stratégique du monde s’est transformée en course folle avec une amplification des risques et des menaces. Nous évoluons dans « un désordre multipolaire ou dans une jungle stratégique multi-acteurs ».

Je plaide pour organiser une réflexion approfondie axée sur « les lignes de force d’une géopolitique et géoéconomie mondiales et régionales bouleversées et fragmentées » visant à identifier les dynamiques qui redessinent un monde nouveau, caractérisé par de nouvelles règles, un monde fracturé, archipellisé, imprévisible et dominé par les rapports de puissance.

 

La guerre économique et commerciale en cours signe la fin de la « mondialisation heureuse » qui fut un leurre, reconfigurant en profondeur les chaînes de valeur et les équilibres sociaux. Plus que jamais, nous devons, comme le souligne le Forum de Davos dans un Livre Blanc paru en janvier 2025, mettre en place un radar et un sonar géopolitique au sein des entreprises tunisiennes, publiques et privées. C’est un impératif de survie dans cette jungle stratégique où l’attentisme et le fatalisme ne pourraient qu’ouvrir les portes de l’enfer. Il est urgent de se réveiller et de sortir de la torpeur.

Talleyrand disait : « Quand il est urgent, c’est déjà trop tard ».


* Directeur de global prospect intelligence, senior expert en géopolitique et en méthodologies de la prospective et de l’anticipation.

Global Prospect Intelligence, composé d’experts rompus à l’analyse géopolitique et aux méthodologies de la prospective et de l’anticipation, est le cabinet de référence en Tunisie pour tout acteur étatique ou économique aspirant à naviguer agilement et efficacement dans la tempête stratégique en maximisant ses gains et en minimisant ses pertes.

16/03/2025 | 20:26
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Commentaires
Rationnel
Analyses defaillantes
a posté le 20-03-2025 à 11:57
L'immigration irrégulière est-elle le résultat des instabilités du théâtre sahélien ? Probablement pas. Une grande majorité des réfugiés proviennent du Soudan et de la Côte d'Ivoire. Au Soudan, c'est une guerre civile fomentée et alimentée par les EAU, tandis qu'en Côte d'Ivoire, les raisons qui poussent les Ivoiriens à l'immigration sont analogues à celles qui motivent les Tunisiens : le mythe de l'eldorado européen.
Pourquoi reprendre les thèses des néo-conservateurs comme Robert Kaplan, le premier à avoir popularisé le mythe de la jungle dans "The Jungle Grows Back: America and Our Imperiled World" ? L'idée que la jungle représente une menace est un concept plutôt américain et européen. On oublie que nous sommes africains ; présenter la jungle comme menace est une insulte envers nous, puisque nous sommes assimilés à cette jungle, donc à cette menace. La jungle et la forêt sont les poumons de la nature, et les Africains incarnent le renouveau de l'histoire et de la nature. Pourquoi avoir peur de la jungle ou de la forêt ?
Ces notions, répétées par le commissaire européen aux affaires étrangères, constituent une façon polie de promouvoir les thèses de la théorie du remplacement, mais Musk et ses alliés ont abandonné toute politesse dans ce discours.
Un monde multipolaire n'est pas la jungle et ne représente pas une menace pour la Tunisie. Au contraire, la Tunisie a davantage de perspectives dans ce nouveau monde multipolaire que dans un monde unipolaire.
Un stratège doit être un penseur indépendant et ne jamais répéter les thèses populaires et occidentales sans une critique rigoureuse.
IBN KHALDOUN
Paroles des experts
a posté le 17-03-2025 à 12:02
Même les plus grands experts de la CIA- CONSEIL DE S'?CURIT'?- L'?TAT MAJOR DU PENTAGONE n'avaient pas vu les premiers signes de déstabilisation des Etats du SAHEL qu'au début de 2014, voir les archives de VOA que trump vient de fermer
le financier
j aime bien cette phrase
a posté le 17-03-2025 à 10:24
" Durant les années 2000, je n'ai cessé d'avertir les décideurs tunisiens sur les risques et menaces projetés par l'instabilité du théâtre sahélien, notre ceinture de sécurité du sud. On me répondait : « C'est intéressant, mais laisse-nous tranquilles, nous sommes protégés par les frontières libyennes et algériennes »."

mais tu avais quel age ? quelle legitimit2 ? quelle experience ? en gros qui es tu ?
ben mustapha Jamila
Bon article
a posté le 17-03-2025 à 07:36
Texte qui critique une attitude nationale problématique caractérisée par la passivité, l'absence de sratégie et le manque d'anticipation. Un des grands traits du sous-développement mental , c'est ,en effet, d'être englué dans le présent.
IBN KHALDOUN
La vrai menace
a posté le 17-03-2025 à 01:09
Vous avez oublié l'essentiel : ce qui déconstruit le monde : c'est le Néo Libéralisme qui n'est simplement un retour au XIX ème siècle. La façade politique du N'?O-LIB'?RALISME est le populisme . Le N'?O-LIB'?RALISME a affaibli les '?tats, ce qui ouvert la porte à des dirigeants-managers au service des plus riches... En affaiblissant les classes moyennes... on élimine les modérés et l'électorat est dévoyé et perd toute confiance dans l'ETAT
le financier
n importe quoi
a posté le à 12:02
n importe quoi . pas besoin d argument avec les orgueilleux qui se ont appeler ibn khaldoun .
Je doute qu ibn khaldoun soit communiste , je crois meme qu il est proche du liberalisme de smith du laissez faire laissez passer