L’instance électorale a publié les récents chiffres du nombre des inscrits qui peuvent participer à la présidentielle du 6 octobre 2024. Étrangement, ces chiffres ne collent pas avec ceux officiels de différentes institutions de l’État.

L’Instance supérieure indépendante pour les élections (Isie) a publié ces derniers temps plusieurs chiffres relatifs à la présidentielle du 6 octobre prochain. Business News les a passés au crible et a remarqué différentes étrangetés.  Les chiffres de l’Isie sont différents, par ailleurs, avec d’autres chiffres publiés par des organismes officiels.

Sans analyse aucune, qui pourrait tomber sous le coup du décret 54 liberticide, nous présentons les chiffres en vrac tels que diffusés par l’Isie et nous les comparons avec ceux publiés par les organismes de l’État. Nous mettons, à chaque fois, un lien vers un site externe et nous avons sciemment choisi que ces liens ne renvoient pas, comme d’habitude, vers d’anciens articles de Business News, mais plutôt vers des médias et des institutions publics appartenant à l’État.

1^ère méthode : croisement avec l’estimation globale de la démographie en Tunisie

L’Isie a annoncé cette semaine que le nombre de participants à la présidentielle du 6 octobre sera de 9,7 millions. (Source RTCI qui cite l’Isie). Cela veut dire que nous avons 9,7 millions de Tunisiens dont l’âge a dépassé les 18 ans.

Or, selon les chiffres officiels arrêtés au 1^er janvier 2024, le nombre de Tunisiens est de 11,887 millions d’individus (source INS) dont 3,74 millions ont moins de 19 ans (source INS). Ce dernier chiffre manque de précision car il remonte à 2022 et englobe les électeurs âgés entre 18 et 19 ans. Le nombre d’électeurs serait, dans ce cas de 8,14 millions approximativement. En dépit de l’imprécision, la différence entre ce chiffre et celui de l’Isie reste énorme. Il est impossible qu’il y ait 1,6 million de Tunisiens âgés entre 18 et 19 ans, car le nombre de nouvelles naissances chaque année tourne autour de 150.000 (source INS).

2^ème méthode : croisement avec les chiffres du ministère de l’Education

Outre les chiffres de l’INS, nous avons croisé le chiffre de l’Isie avec celui du ministère de l’Éducation. D’après les chiffres communiqués cette semaine, il y a eu 2,355 millions d’élèves (source La Presse). Il s’agit d’une population comprise, approximativement, entre 6 et 18 ans. En soustrayant ce chiffre du nombre global de la population, on obtient 9,532 millions d’individus dont l’âge est supérieur à 18 ans et compris entre 0 et 6 ans. Sachant que les individus compris entre 0 et 6 ans tournent autour d’un million (source INS) et que le nombre d’enfants déscolarisés tourne autour d’un million (source La Presse), le nombre d’électeurs potentiels tourne donc autour de 7,5 millions. On est encore plus loin des 9,7 millions de l’Isie, mais ce n’est pas fini, car il y a une autre catégorie de la population non concernée par le vote.

Forces armées

Les forces armées n’ont pas droit au vote lors des élections parlementaires et présidentielle, d’après le code électoral. Leur nombre est estimé à 198 mille entre le ministère de la Défense (86,4 mille) , le ministère de l’Intérieur (90,3 mille) (source INS), la présidence de la République (3471, source ministère des Finances), la Douane (7538, source ministère des Finances) et les agents des prisons (10382, source ministère des Finances).

De la population globale (11,887 millions), on  doit donc soustraire ces 198.000 agents armés. 

Les Tunisiens résidant à l’étranger

D’après l’Isie, il y aurait 620 mille inscrits à l’étranger (source Tap qui cite une source de l’Isie) pour la présidentielle 2024. Or, d’après la même source, la population des Tunisiens à l’étranger est de 1,8 million. L’Isie prétend avoir enregistré automatiquement l’ensemble des nouveaux électeurs (plus de 300 mille cette année), mais en dépit de cela, et tout en prenant compte le nombre de mineurs de moins de 18 ans, le chiffre de 620 mille demeure très loin du 1,8 million.

En clair, l’Isie a approximativement 1,2 million de personnes résidant à l’étranger non inscrites dans ses registres.

De la population globale on doit donc soustraire ces 1,2 million.  

Pour résumer, voilà ce que nous avons :

Population globale : 11,887 millions (source INS)

Population à l’étranger non inscrite : 1,2 million (source Tap)

Élèves : 2,355 millions (source La Presse)

Enfants déscolarisés : un million (source La Presse)

Enfants de moins de 6 ans : un million (source INS)

Forces armées : 0,198 million (différentes sources, voir plus haut)

D’après ces données, et une fois que l’on a soustrait les individus non concernés par le vote de la population globale, l’estimation de la population inscrite et pouvant participer au vote ne saurait dépasser 6,134 millions d’individus.

Il s’agit de données publiques, fournies par des institutions publiques et qui ne collent pas du tout avec les 9,7 millions d’inscrits annoncés par l’Isie que ce soit avec la première ou la seconde méthode utilisées pour estimer le nombre d’électeurs potentiels. 

Comment expliquer cela ? L’Isie a l’habitude de déposer des plaintes à outrance pour tous ceux qui remettent en doute son intégrité.

Nous ne remettrons pas en doute la véracité de ses chiffres, on cherche juste à comprendre comment une population d’électeurs potentiels que nous estimons (preuves et sources à l’appui) à 6,134 millions a-t-elle cru subitement à 9,7 millions !

Nous ne manquerons pas, naturellement, de fournir toute donnée que l’Isie juge utile de communiquer, notamment quant à la composition exacte des 9,7 millions d'électeurs dont elle parle.

Raouf Ben Hédi