Le succès a une seule nationalité, la vôtre !
Hédi Slimane vient d’être nommé directeur artistique de la maison Céline. Je sais que nombre d’entre vous ignorent qui est au juste Céline, marque de prêt-à-porter très en vogue dans le monde mais très peu connue dans nos contrées.
Si elle est à la limite du « non-événement » en Tunisie, cette nomination a été un « électrochoc » dans le milieu international de la mode, comme l’a décrite le journal français Le Monde. Journal, qui comme l’ensemble de la presse française, jubile et titre qu’un « Français » vient de prendre la tête de cette maison très prestigieuse. La presse tunisienne lui emboite le pas et fait pareil en faisant valoir la nationalité tunisienne du jeune prodige.
Mauvaise foi journalistique oblige, tant qu’une information n’est pas fausse, elle peut être arrangée à la sauce de celui qui l’écrit. Raison pour laquelle les terroristes et autres agitateurs binationaux, voient une de leurs nationalités brouillées afin qu’une autre soit mise en avant. Raison pour laquelle la nationalité de celui qui réussit est aussi la même que celui qui rédige l’article, nationalisme oblige. C’est de bonne guerre. De toute évidence, il faut avoir l’honnêteté d’avouer que le succès de Hédi Slimane n’a rien de tunisien. C’est malheureusement le cas de nombreux autres succès.
Si les Tunisiens sont aussi friands de petites histoires de succès c’est que le pays en a plus que jamais, désespérément, et urgemment, besoin aujourd’hui. La « fuite des cerveaux » est en passe de devenir la nouvelle mode et ceux qui sont susceptibles de réussir dans leur domaine choisissent de partir et de le faire ailleurs. C’est pour cela que chaque succès compte, ne serait-ce que pour pousser ceux qui sont encore là, non pas à partir, mais à réussir avant tout.
«La Tunisie a l’obligation, aujourd’hui, de devenir une start-up nation ! C’est même la seule solution ! ». J’emprunte ces mots à Mehdi Merai, jeune entrepreneur tunisien dont le succès lui a valu un article dans la rubrique Success Story de Business News. Mehdi Merai a, lui aussi, choisi d’expérimenter son succès sous de meilleurs cieux. Le Canada. Mais qui peut le lui reprocher ?
Qu’ils décident de créer leur start-up ou de réussir dans leur domaine, ceux qui brillent aujourd’hui ce sont, en majorité, ceux qui empruntent les chemins les plus sinueux. Alors que le pays est en crise, que les opportunités d’affaires donnent des cauchemars la nuit aux entrepreneurs les plus téméraires, et qu’il est « un peu fou » de se décider à se lancer dans les affaires aujourd’hui, ce coup de poker s’avère être le seul gagnant. L’un des seuls en tout cas.
Entrepreneurs, jeunes créateurs, mais aussi médecins, architectes, ingénieurs et autres métiers réputés encore « prestigieux » aujourd’hui, se heurtent à un Etat qui ne leur veut pas que du bien. On demande à nos jeunes de réussir et de le faire, ici, chez eux. On les martyrise et on remet en cause leur patriotisme s’ils décident de faire bénéficier d’autres pays de leurs compétences, mais on leur donne, en même temps, toutes les raisons de partir le faire ailleurs. Labyrinthes administratifs, lois caduques, cursus de la torture et, bientôt, service militaire obligatoire, il est vrai qu’il faut être « un peu fou » pour résister.
Dans certains secteurs « sensibles », le départ de ceux qui réussissent est la norme. Ceci est le cas dans le domaine des technologies, mais aussi médical et autres, dont le pays en a plus que jamais besoin aujourd’hui.
Les chefs d’entreprises et les jeunes actifs tentent, à cor et à cri, de créer les mécanismes nécessaires pour que les compétences tunisiennes réussissent d’abord et restent ensuite. Peu importe dans quel ordre d’ailleurs. Dans les faits, c’est un véritable parcours du combattant qui leur est réservé. Triste constat pour ceux qui veulent que le succès soit la nouvelle norme, la nouvelle mode à porter cette année…