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Chroniques
Le redoutable péril, c’est l’explosion du chômage
Par Houcine Ben Achour
02/04/2020 | 19:51
5 min
Le redoutable péril, c’est l’explosion du chômage

 

Est-ce qu’il est écrit quelque part qu’Ennahdha sera toujours en retard d’une guerre laissant davantage le pays sombrer dans les pires difficultés ? A preuve tous ses reniements.

Sa terrible angoisse d’être écarté de l’exercice du pouvoir le met immédiatement en mode « blocage tous azimuts ». C’est ce qui se déroule actuellement avec le projet de loi autorisant le gouvernement à légiférer par décret-loi, cherchant par tous les moyens à cadenasser l’action du gouvernement.

Afin de gagner du temps, Ennahdha va imposer, dans un premier temps, au projet de loi le circuit habituel emprunté par toute proposition de loi, quand bien même on invoquerait l’urgence. Dans un deuxième temps, Rached Ghannouchi, le président d’Ennahdha et de l’Assemblée des représentants du peuple, va saisir l’occasion d’une séance plénière consacrée à l’audition du gouvernement sur l’épidémie et ses conséquences, pour proposer au vote de l’assemblée une motion qui ne répond à aucune norme juridique mais dont le but est d’enchaîner toutes les initiatives du gouvernement au cas où celui-ci obtiendrait un vote favorable à son projet de loi. D’où d’ailleurs la violente réaction en pleine plénière de la députée Samia Abbou dénonçant cette vilénie. Lors de son examen par la Commission du règlement intérieur de l’ARP, le projet de loi fut tellement malmené qu’il en sera réduit à néant, remplacé par un nouveau texte aux antipodes des souhaits du gouvernement. Les exhortations d’Elyes Fakhfakh du haut de la tribune de l’ARP pour que les députés lui donnent des coudées franches pour faire face au péril n’ont pas suffit. Il en est de même de la magistrale intervention de Nizar Yaïch, ministre des Finances, selon laquelle le pays n’est pas engagé dans une seule guerre, mais deux : contre l’épidémie et contre la totale incurie dans laquelle est plongé le pays depuis près d’une décennie. Nizar Yaïch aura beau expliquer que l’épidémie est venue accentuer une situation socioéconomique déjà en « très grandes difficultés », euphémisme pour ne pas dire gravissime. Il ne négligera pas de déclarer que les solutions existent et que certaines d’entre elles exigeraient forcément de gros sacrifices. Manifestement, rien n’y a fait. Ennahdha a fait la sourde oreille.

Le mouvement islamiste changera-t-il d’attitude à la suite de la publication par l’Institut arabe des chefs d’entreprise (IACE) des résultats d’une enquête auprès des patrons tunisiens sur « l’impact du Covid-19 sur les entreprises tunisiennes » ? Rien n’est moins sûr. Pourtant, l’enquête dévoile et prédit ce qu’on redoutait le plus : une abominable hécatombe.

En effet, plus de 80% des chefs d’entreprise interrogés par l’IACE ont estimé que leurs activités sont déjà impactées par la crise sanitaire et le seraient davantage si rien n’est entrepris dans l’immédiat. Selon les secteurs, la baisse du chiffre d’affaires varierait entre 50% et 70% ce qui va générer d’énormes difficultés de trésorerie, d’une mise au chômage partiel massive si ce n’est la fermeture pure et simple des centaines sinon des milliers d’entreprises et plongeraient dans la misère des centaines de milliers de salariés. C’est ce à quoi aboutit d’ailleurs une étude menée par l’ancien ministre des Finances, Hakim Ben Hammouda et l’économiste Mohamed Hédi Bchir indiquant que cette crise sanitaire va faire grimper le taux de chômage de 1,5 à 4,5 point de pourcentage. D’autres experts sont encore plus pessimistes pour ne pas dire totalement alarmistes. En se référant aux propos du ministre de la Santé, Abdellatif Mekki selon lesquels le confinement sanitaire pourrait durer de 3 à 4 mois, ils estiment qu’une telle hypothèse va engendrer une explosion du chômage à partir de ce mois d’avril 2020. Les cafés, les restaurants, les salons de coiffures, les petits métiers, les artisans, les commerces (hors alimentaire), le bâtiment, les industries du textile, les industries mécaniques et électriques, les services sociaux, les cliniques, le transport… tous ces secteurs sont pratiquement à l’arrêt. Si cette situation venait à perdurer encore 3 à 4 mois, les pertes d’emploi seraient de l’ordre de 20% à 90% selon les secteurs d’activité. Globalement, les pertes d’emplois concerneraient plus de 50% de la population active occupée.  le nombre de chômeurs pourrait atteindre environ 2,5 millions, contre 624 mille au mois de décembre 2019, portant le taux de chômage à 70%. Le chômage frapperait en premier lieu les travailleurs informels, estimés à environ 1 million de personnes. La population active serait réduite de 3,566 millions en décembre 2019 à 1,684 million dans les prochains mois, une situation inédite.

 

 

Une telle perspective donne réellement froid dans le dos. Visiblement, les mesures, pourtant conséquentes, annoncées par le gouvernement pour faire face à la crise qui s’annonce sont bien loin de suffire. En tout cas, une telle hypothèse de chômage invite à une revisite du choix du confinement général de la population. Elle invite aussi à une remise au placard sinon en question les choix de la rigueur budgétaire et de lutte contre l’inflation.

 Esther Duflo, professeure au Massachusetts institute of technology (MIT) et prix Nobel d’économie 2019 a appelé, avant-hier mardi 31 mars 2020, à ouvrir grand les vannes de la dépense publique pour restreindre les ravages économiques de la pandémie.  "Dépenser plus d'argent à la fois pour lutter contre le virus (...) et pour essayer de mitiger au maximum l'impact économique, cela fait économiser de l'argent en fait", a-t-elle déclaré au micro de France Inter.  Mais comment trouver l’argent ? Quémander la générosité des citoyens et des entreprises pour abonder un Fonds de solidarité visant à la fois les transferts au plus pauvres afin de soutenir leur consommation et l’infrastructure de santé qu’il va falloir développer semble être une solution dérisoire. Accroître pour un temps l’impôt sur les hauts revenus et les dividendes distribués semble le moyen le plus raisonnable, selon la prix Nobel.

Pendant ce temps, Ennahdha joue au chat et à la souris avec le gouvernement.

Par Houcine Ben Achour
02/04/2020 | 19:51
5 min
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Commentaires
Nephentes
Analyse magistrale
a posté le 02-04-2020 à 20:24
On aimerait voir dans ce pays davantage de talents de votre etoffe Si Houcine

Les chiffres que vous evoquez sont realistes

Les consequences inimaginables en l'etat

Ne faudrait il pas opter pour un soutien massif aux 2 mi'lions de journaliers et independants a travers des subventions en denrees et services tout en deployant une strategie de depistage a grande eche'le -3000 tests par jour cibles sur les zones a risques-

De facpn a permettre au plus vite un deconfinement graduel dans les zones peu impactees

En tout cas la politique d'arret total de l 'economie est une catastrophe a court terme avec de tres forts risques sociaux

Et d'ailleurs a quoi bon une strategie de confinement generalise massivement non resoectee
DHEJ
Une lecture '?NERG'?TIQUE de l'article 70 s'impose..
a posté le 02-04-2020 à 20:19
"L'Assemblée des représentants du peuple

peut,

au trois-cinquième de ses membres,

habiliter par une loi, le Chef du Gouvernement, pour une période ne dépassant pas deux mois et,

en vue d'un objectif déterminé,

à prendre des décrets-lois, dans le domaine relevant de la loi. '? l'expiration de cette période, ces décrets-lois sont soumis à l'approbation de l'Assemblée.

Alors la demande de FAKH² est non constitutionnelle car il est dit L'ARP peut HABILITER pour UN OBJECTIF DETERMINE..

Alors cet objectif est-il celui de la MAJORIT'? PARLEMENTAIRE ou celui de FAKH² un 0,00%

Ah autant a emporté les électeurs périlleux...