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Chroniques
La monumentale erreur de Qalb Tounes
Par Houcine Ben Achour
14/11/2019 | 18:57
4 min
La monumentale erreur de Qalb Tounes

 Par Houcine Ben Achour 


Après les propos tenus par Rached Ghannouchi selon lesquels Ennahdha ne s’alliera ni avec Qalb Tounes ni avec le Parti destourien libre (PDL) pour la formation d’un gouvernement, en raison des suspicions de corruption qui entourent le premier et le relent d’un retour au despotisme que véhicule le second, il semblait bien que l’affaire était entendue. D’auant que, aussi bien Qalb Tounes que le PDL avaient annoncé la couleur quant à leur participation au sein d’un gouvernement présidé par Ennahdha. L’élection du président d’Ennahdha à la présidence de l’Assemblée des représentants du peuple (ARP) a, visiblement, changé complètement la donne. La décision de Qalb Tounes de voter en faveur de Rached Ghannouchi pour la présidence de l’ARP avait jeté un trouble au sein d’une large partie de son électorat, naturel ou rallié sur le tard. Son souhait que Qalb Tounes se positionne dans l’opposition par rapport à Ennahdha au sein du Parlement a totalement volé en éclats après le décompte des voix de l’élection à la présidence de l’ARP. Le vote des députés Qalb Tounes en faveur de Rached Ghannouchi est massif.

 

Pourtant, les signes avant coureurs étaient là, présents. La position du parti de Nabil Karoui exigeant que « le chef du gouvernement proposé soit une personnalité indépendante disposant de compétences en matière économique et bénéficiant de l’appui unanime de la majorité des partis en concertation », implicitement Qalb Tounes mais pas le PDL de Abir Moussi, pour la formation d’un nouveau gouvernement, en est l’illustration la plus éloquente. Un premier pas qui en appelait forcément d’autres qui préfigureraient probablement la constitution d’une alliance de gouvernement entre Ennahdha et Qalb Tounes. L’élection de Rached Ghannouchi à la présidence de l’ARP grâce aux votes des députés Qalb Tounes n’est pas seulement un autre pas effectué par le parti de Nabil Karoui vers Ennahdha, il est le révélateur d’un deal beaucoup plus large que le faux-semblant dont a fait preuve la députée Qalb Tounes et nouvelle vice-présidente de l’ARP, Samira Chaouachi, réduisant le deal pour la présidence du parlement à une simple préséance entre les deux principaux partis au sein de la représentation nationale.  Si tant n’était que cela, c’est loin d’avoir été cher payé par Ennahdha et Rached Ghannouchi et Qalb Tounes d’avoir fait preuve d’un amateurisme politique.

 

Alors que le rapport de force était largement en sa faveur, Qalb Tounes n’a pas su s’en saisir.  Le parti de Nabil Karoui n’a pas su exploiter politiquement l’impératif absolu pour Rached Ghannouchi d’être élu à la tête du Parlement dès le premier tour du scrutin à la majorité absolue. Pour cela, il aurait accepté tous les compromis. Sinon, cela aurait constitué au mieux un camouflet politique sans précédent et au pire une énorme démonstration de déstabilisation de celui qui, depuis 2011, règne en maître sur le paysage politique du pays. A l’occasion, Qalb Tounes a raté une occasion en or de faire main-basse sur l’ARP en exigeant qu’en retour de son soutien pour propulser dès le première tour le président d’Ennahdha au perchoir de l’Assemblée, Qalb Tounes obtienne non seulement la vice-présidence mais également la présidence de certaines commissions parlementaires clés de l’ARP. Il avait largement le choix entre la commission de la législation générale, celle des droits et libertés ou celle de la sécurité et la défense, celle du règlement intérieur et de l’immunité ou encore celle chargée d’enquêter sur les réseaux de recrutement et d’envoi des jeunes Tunisiens en zones de conflits… Autrement dit, Qalb Tounes a raté l’occasion d’être un maître du jeu au sein de l’ARP.

 

L’erreur est monumentale car, maintenant que la présidence de l’ARP est acquise, Ennahdha ne fera aucun cadeau s’agissant de la composition du gouvernement.  Le parti islamiste traine d’ailleurs une appréciable expérience manœuvrière dans la formation des gouvernements. Il ne faut pas chercher loin pour s’en persuader. Le gouvernement sortant en est un exemple.

 

Pour Rached Ghannouchi, peu importe que le chef du gouvernement ne soit pas nahdhaoui, l’essentiel est qu’Ennahdha soit présent partout au sein du gouvernement, que ce soit à la présidence du gouvernement à travers des ministres délégués ou conseillers qu’au sein des ministères-clés à travers des ministres et, le cas échéant, des secrétaires d’Etat qui seraient les yeux et les oreilles du parti au sein de ces départements. Cette démarche du parti islamiste a eu cours depuis l’époque de Troïka et jusqu’au dernier gouvernement de Youssef Chahed.

Qalb Tounes tentera-t-il de se rattraper au cours des négociations pour la formation du gouvernement ? Rien n’est moins sûr surtout que dans ce cas de figure, les négociations sont multipartites et non plus en tête à tête avec Ennahdha.

 

En tout  cas, si le parti de Nabil Karoui décide d’intégrer un gouvernement qui comptera en son sein des membres de la Coalition Al Karama de Seifeddine Makhlouf ou du parti Errahma de Saïd Jaziri ou encore de l’UPR (Union populaire républicaine) de Lotfi Mraïhi ou de Tahya Tounes de Youssef Chahed, le risque d’une implosion de Qalb Tounes et d’une vague de tourisme parlementaire de ses élus est une hypothèse à prendre très au sérieux. Le fracassant départ d’Abdelaziz Belkhoja, l’une des figures de proue de Qalb Tounes, à l'annonce du soutien de son parti à Rached Ghannouchi, va-t-il mettre le feu aux poudres ? Wait and see.

Par Houcine Ben Achour
14/11/2019 | 18:57
4 min
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Commentaires (11)

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Nephentes
| 15-11-2019 15:45
Expliquez moi SVP comment un pays sans justice crédible peut il être viable et attirer les investisseurs

khaloucha
| 15-11-2019 12:51
Les vérités les plus évidentes deviennent parfois aveuglantes et c est le cas pour cette analyse. Quelle est cette vérité? Ennahdha détient des dossiers compromettants sur N.KAROUI alors les hwangias ont procédé à un chantage.ou bien il se met à plat ventre devant eux ou bien il retourne en prison!!! Karoui a choisi la première solution.

BORHAN
| 15-11-2019 12:33
En matière politique, nous avons deux constantes qu'il ne faut jamais négliger :
- la politique c'est l'art de mentir,m
- pour survivre, un bon et vrai politicien doit être capable de pactiser même avec le diable.
Vu la physionomie actuelle de l'assemblée, aucun parti n'est capable de gouverner seul, sans alliance.
Cet état des lieux chaotique incombe à l'immaturité politique du votant qui n'a pas atteint encore la phase de discernement indispensable pour gérer son droit de vote avec lucidité et clairvoyance.

aliocha
| 15-11-2019 08:32
Kalb Tounis n'est pas un parti, c'est un ramassis d'opportunistes qui ne défendent que leurs intérêts, N.k. a négocié un non lieu qui sera bientôt prononcé pour son affaire et Ennahdha est désrmais maitre du pays quelque soit le gouvernement qui sera forma elle a déjà infiltré les structures intérieures de tous les ministères pour contrôter toutes les activités du gouvernement! paivre Tunisie, tu mérites mieux!

Maxula
| 15-11-2019 01:52
. . .pour remettre en cause tous les calculs foireux et les échafaudages branlants que les uns et les autres prennent pour argent comptant, oubliant que le "maître des horloges" réside au Palais de Carthage, et qu'il est non seulement INAMOVIBLE mais en plus, il "tient en joue" toute la classe politique, pouvant siffler à tout moment, la fin de la récré !
Maxula.

outofafrica
| 14-11-2019 23:09
@ DHEJ | 14-11-2019 21:09

s'appelle Maha..... elle était mignonne :-(((
Vous savez en 2012, quand les choses allaient mal en Tunisie, j'avais fais une proposition dans le forum Tounsia horra dans facebook. Pour résoudre pleins de problèmes comme la pauvreté, source de tellement des malheurs, frustration et agressivité. Ma proposition que chaque famille aisé prend un ou deux enfants en charge, par exemple l'école, des vetements etc. Ca ne coute pas les yeux de la tete et ca donne un sentiments aux pauvres que le pays ne les a pas oublier. Une amie m'a repondu: jamais des tunisiens feront une chose pareille, mais de s'acheter des lunettes de soleil pour 500TD est plus important. Si je vivrais en Tunisie j'aurais commencé un programme comme ca.

Cette amie travaille, en dehors de son propre travail, pour une association, qui fait des collections pour des jardins d'enfants et les écoles. Mais elle m'a dit que c'est très dur.

DHEJ
| 14-11-2019 21:09
C'est quoi le nom de l'écolière emportée par les eaux ?

Mohamed 2
| 14-11-2019 21:02
La démarche de Nabil Karoui est foncièrement ... pragmatique.
Il n'a jamais misé sur la dite Intelligentsia pour former l'ossature de son parti ... et n'entend pas passer sa vie dans l'adversité politico-idéologique.
Il veut tout simplement le pouvoir et au plus vite, ce qui est normal chez tous les partis, et ça passe forcément par la séduction ... des masses.

Lekkteur
| 14-11-2019 20:58
Il semble que ce parti répète la même erreur qu'a fait le parti du président Qaïd al-Sebssi et tant mieux. Ceux qui se ressemblent s'assemblent après tout ils sont tous musulmans et ils ont beaucoup en commun comme le fait que les chefs des deux partis sont soupçonné de corruption. Tous les ingrédients sont disponibles pour un mariage de raison réussi.

Néphentes
| 14-11-2019 20:42
Qalb touness est une clique heteroclique heteroclite

Elle n'a aucun principe directeur autre que l'opportunisme : il faut suivre la méteo et transformer les circonstances en opportunités

Impossible dans ce cas d'être un parti d'opposition : une meute c'est fait pour tuer pas pour défendre

Par contre vous auriez du Si Houcine souligner le danger potentiel de tels alliés de circonstance pour ce qui reste de democratie representative