
Le gouvernement Elyes Fakhfakh ne semble pas prendre la mesure de sa marge de manœuvre pour sortir le pays du marasme. Elle est étroite, ténue. Et les occasions sont rares pour desserrer l’étau d’une économie en situation de quasi-stagflation avec une croissance flasque et une inflation persistante. Ce n’est nullement cela qui ouvrira, un tant soit peu, les perspectives de création d’emploi. Et ce ne sont pas les données du mois de janvier 2020 sur les intentions d’investissement déclarées auprès de l’APII qui vont réconforter. Une hirondelle ne fait pas le printemps. Il ne faut pas oublier que les intentions d’investissement ont chuté de près de 17% pour toute l’année 2019, après un tassement (0,3%) en 2018.
L’enquête de l’Institut national de la statistique (INS) auprès des industriels sur le climat de l’investissement constituerait un meilleur élément d’analyse que les intentions. Or, les résultats de la récente enquête suggèrent que les espoirs d’une amélioration de la situation de l’investissement s’érodent inexorablement d’un semestre à l’autre. Le solde d’opinion des chefs d’entreprises sur l’évolution de l’investissement durant le second semestre 2019 a perdu 5 points de base. La réalité a été en-deçà de leur prévision. Plus sérieux, ils estiment que la situation ne va pas varier sensiblement durant le premier semestre 2020. Sauf pour les industriels du textile et de l’habillement et ceux du bâtiment qui espèrent un retournement de conjoncture durant le 1er semestre 2020.
Ce sentiment est le reflet du degré de confiance des industriels. Malheureusement, cette confiance est encore bien loin du beau fixe et la pandémie du Coronavirus ne va pas arranger les choses.
Pourtant, le gouvernement avait l’occasion de donner des signaux qui attiseraient la flamme de la confiance chez les opérateurs et de donner corps à un crédo martelé plusieurs fois par Elyes Fakhfakh devant les députés : appliquer la loi, rien que la loi.
On attendait plus de Mohamed Abbou, ministre de la Fonction publique, de la bonne gouvernance et de la lutte contre la corruption, que le constat fait au détour d’une visite inopinée sur l’absentéisme qui sévit au sein de l’administration. N’aurait-il pas gagné à appliquer immédiatement et in situ la loi et le faire savoir ? Cette démarche n’aurait-elle pas éveillé les consciences et ressuscité la confiance dans la loi ?
On attendait plus de Abdelatif Mekki, ministre de la santé, que les statistiques sur le nombre de personnes atteintes et le nombre de personnes susceptibles de l’être, à fortiori sur le coût de financement pour endiguer l’épidémie. On espérait qu’il appliquerait la loi en poursuivant les contrevenants à l’obligation de confinement, volontaire ou obligatoire. Le cas du passager du vol Tunis-Strasbourg est à cet égard édifiant. Il est d’ailleurs stupéfiant que la compagnie nationale Tunisair n’ait pas engagé de poursuite judiciaire avec constitution de partie civile pour être dédommagée du préjudice subit, l’avion est retourné à vide de Strasbourg.
On attend toujours de savoir quelles sont les intentions de Mongi Marzouk, ministre de l’Industrie, des Mines et de l’Energie face au bouleversement que connait le marché international de l’énergie depuis l’émergence de la pandémie. Ce jeudi 12 mars, le baril se négociait à 32 dollars environ après avoir affiché près de 36 dollars en début de semaine. Dans le même temps, le déficit énergétique du pays ne cesse de se creuser. Notre balance énergétique a atteint un déficit de 1160 MD durant les deux premiers mois 2020, en hausse de près de 60% par rapport à la même période 2019. Plus de 50% du déficit global de la balance commerciale du pays est dû au déficit de la balance énergétique. N’est-il pas temps de se décider de s’approvisionner ? A moins que le gouvernement ne veuille rééditer l’opération de « hedging » et se prémunir d’un retour à la hausse du cours du baril de pétrole. L’année dernière cette démarche à l’Etat quelques millions de dollars sans qu’on ait tiré un bénéfice. Une solution de banquiers et non de professionnels du marché de l’énergie. En tout cas, l’exigence d’une mise au clair est évidente. Elle conforte la confiance dans la capacité du gouvernement à réagir efficacement et au moment voulu.
Ah, cette confiance. Elle peut toujours attendre.


