Par Ikhlas Latif
Désespérés, épuisés, indignés, faisant face à des conditions de travail difficiles, voire pénibles, à une situation qui se détériore à vue d’œil, nos jeunes blouses blanches sont au bout du rouleau. Durant ces dernières années, pas moins de six ministres se sont succédé à la tête du département de la Santé freinant les réformes revendiquées par les jeunes médecins à juste titre. Avec l’avènement d’un certain Imed Hammami, ministre très critiqué par la profession, la situation s’est encore envenimée, les jeunes médecins montent au créneau, c’est la confrontation. Février est décrété mois de colère, grèves et sit-in se multiplient.
Mais qu’en est-il réellement ? Pourquoi ce bras de fer qu’entament nos internes et résidents avec les autorités de tutelle ? De jeunes médecins reconnus pourtant pour leur solide formation et leur compétence à l’échelle internationale. Une fierté tunisienne. De jeunes médecins qui peuvent aisément tout laisser tomber et partir exercer sous d’autres cieux beaucoup plus cléments, où tout est mis en place pour qu’ils évoluent dans les meilleures conditions possibles. En Tunisie, on parle carrément de fuite des médecins. Certains se sont résignés et ont pris leurs jambes à leur cou sans demander leur reste, d’autre ont choisi de se battre pour leur avenir, pour celui de la santé publique en Tunisie.
C’est en premier lieu, pour la mise en exécution du Statut des internes et résidents. Un cadre légal, en attente de validation depuis 2012 (rien que ça !), qui devrait organiser et définir clairement les bases sur lesquelles ils sont censés exercer. Parce qu’en Tunisie, un médecin interne ou résident exerce malheureusement sans statut légal, aucun texte officiel n’encadre leurs droits ni même leurs devoirs encore moins leur responsabilité. Les gouvernements et les ministres se succédant, nos jeunes blouses blanches se sont retrouvés menés en bateau, de qui signe, de qui tergiverse, de qui se rétracte. En sept ans rien n’a changé et ces médecins continuent à être pratiquement contraints à travailler dans le noir. Surréaliste !
Mais encore, ce qui a motivé ce mouvement de contestation, ce sont les modalités du service civil obligeant les jeunes médecins spécialistes à travailler une année supplémentaire dans les régions avec une rémunération s’élevant à 750 dinars. Uniquement 750 dinars après pas moins de 11 ans d’études. A savoir qu’ils ne peuvent bénéficier de critères d’exemption ou espérer être recrutés. Après de longues années d’études, un jeune médecin trentenaire est acculé à exercer dans les conditions qu’on connait tous dans les régions intérieures, sans statut légal et avec une rémunération inadéquate. A savoir aussi, que le département de la Santé avait déjà signé un accord pour que le salaire soit fixé à 1250 dinars, mais qu’il s’est finalement rétracté. Après tout, pourquoi s’encombrer d’honorer ses engagements ?
Pis encore, le ministre de la Santé a décidé, sans consulter les premiers concernés, de mettre en place une réforme des études médicales. Réforme qui consiste entre autre à ne délivrer qu’un seul diplôme au jeune médecin après la spécialisation et après qu’il ait passé l’année de service civil. Du coup, le diplôme de docteur en médecine sera tout bonnement jeté aux oubliettes. Un diplôme qui est normalement délivré au jeune médecin après les sept années d’internat et d’externat et la soutenance d’une thèse de doctorat. Que signifierait donc cette suppression et quelles seraient ses répercussions ?
Internes et résidents, après de longues années de dur labeur, après des années à effectuer jusqu’à 80 heures de travail par semaine, se retrouvent face à un avenir incertain. C’est aussi l’avenir de tout le système de santé, en pleine chute libre, qui se retrouve menacé.
D’ailleurs, ces mouvements de protestation ont trouvé un écho positif au sein de la profession. Des messages de médecins seniors ont été largement partagés sur les réseaux sociaux en signe de soutien, à l’instar de celui du gynécologue obstétricien Aref Driss qui encourage les jeunes résidents, internes et externes en ces termes : « Je les soutiens officiellement dans leur combat pour la dignité et leurs revendications pour de vraies solutions aux problèmes de la santé dans notre pays et non à travers des solutions provisoires et aléatoires prises par les ministres successifs de la santé depuis 2011. Je pense à ceux qui sont déjà partis et surtout à ceux qui comptent partir.
Je pense à ceux qui veillent sur nos patients de jour comme de nuit, qui ne connaissent ni repos ni répit. Je suis fiers d''eux et amer de les voir autant dédaignés ».




Commentaires (5)
CommenterC'est normal !
BCE n'a pas de souci pour les jeunes et les Tunisiens qui se soignent dans les hôpitaux.
Ou encore la misère blanche...
IL EST TEMPS DE DEGAGER CE PSEUDO MINISTRE
Le rouge est dû à la réflexion de l'obscurité !

